Habituellement, "pour les femmes, c'est la double peine : elles sont victimes de violences conjugales et en plus, elle sont obligées de quitter le domicile familial, parfois avec les enfants, pour s'éloigner de l'auteur", explique Sébastien Girin, responsable du foyer. Mais à Besançon, la discrète structure de huit appartements située dans un immeuble du centre historique, est conçue pour héberger 11 hommes en attente de jugement ou déjà condamnés. Leur placement dans ce foyer relève alors de l'exécution de leur peine.
Depuis sa création en octobre 2018, ils sont plus d'une trentaine, âgés de 19 à 75 ans, à y avoir été accueillis. L'initiative en revient principalement au parquet et à l'Association départementale du Doubs de sauvegarde de l'enfant à l'adulte (ADDSEA) qui en assure la gestion quotidienne. "La première protection pour madame, c'est de sortir monsieur du domicile conjugal", souligne le procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux.
"éviter la réitération des faits"
Les auteurs de violences conjugales hébergés à Altérité doivent être présents dans leur logement de 19H00 à 8H00. Les visites extérieures sont interdites. Leurs obligations judiciaires, telles que l'obligation de soins ou l'interdiction de contacter la victime, sont étroitement contrôlées. Après 11 mois de fonctionnement, sept hommes ont vu leur placement au foyer révoqué pour avoir violé ces obligations. Ils ont été incarcérés.
Dans les locaux d'Altérité, les pensionnaires bénéficient d'un suivi psychosocial global visant "à éviter la réitération des faits", souligne M. Manteaux. Parmi eux : Alexandre, 33 ans. Après un mois de prison, le jeune homme a intégré le dispositif Altérité, bénéficiant d'un aménagement de peine. Alexandre avait été condamné en récidive à 9 mois de prison dont 3 mois fermes, pour avoir frappé sa compagne qui l'avait mis à la porte, lui reprochant de ne pas avoir payé le loyer.
Des groupes de paroles
En 2016, il avait déjà été condamné pour des violences sur cette jeune femme âgée comme lui de 33 ans, enceinte, mère de leur fils de 9 ans et de deux autres enfants de 13 et 15 ans nés d'une première union. Au rythme de deux rendez-vous par semaine avec une psychologue, il "cherche à comprendre pourquoi ça s'est passé".
"C'est comme si on prenait un sac, qu'on le vidait sur une table et qu'on prenait objet par objet, problème par problème", raconte ce grand jeune homme aux cheveux noirs coupés à ras et à la barbe bien dessinée, mal à l'aise à l'évocation des faits. "Il n'y a pas que les violences conjugales, il y a mon attitude qui fait qu'elle n'est pas bien et qu'on a des difficultés dans notre couple", confie-t-il, évoquant son addiction au cannabis, "la vie qu'il mène" et ses trop fréquentes sorties "entre potes en discothèque". Les professionnels d'Altérité, qui organisent également des groupes de paroles, établissent "un lien de confiance" avec les hommes hébergés et leur "donnent la parole sans les stigmatiser", explique la psychologue Anouchka Vullo.
"L'objectif est de comprendre le contexte, comment on en est arrivé là et de travailler leur relation à la femme", poursuit-elle, "souvent, ils minimisent les faits, certains sont dans le déni". L'assistante sociale Nadine Lacaille-Berthelon note qu'il s'agit fréquemment de personnes présentant "de lourds antécédents familiaux, exposés dans leur enfance à des situations difficiles, enfants placés, père absent, violent ou alcoolique, image maternelle défaillante".
À Altérité, Alexandre parle ainsi de son parcours de vie compliqué, de son père en prison quand il est né, de son beau-père qui l'a adopté quand il avait à 3 ans et qui brutalisait sa mère.
"L'enjeu c'est de trouver la faille pour pouvoir travailler dessus. Ils doivent prendre conscience que ce qu'ils ont fait est inacceptable", note Mme Lacaille-Berthelon, "mais parfois, ça reste bloqué". Alexandre lui, essaie d'avancer : "A l'avenir, est-ce que je serai retenté (de la frapper) ? Je ne sais pas du tout. C'est mon objectif, mais j'ai encore beaucoup de travail à faire".
(Source AFP)