Le point complet
"Bercy, et Bruno Le Maire l'a évoqué. Dès lors qu'on dit que c'est un impôt imbécile, parce qu'il est injuste d'un territoire à l'autre, qu'il ne prend pas en compte en réalité la capacité financière de chacun, on a décidé de faire porter un effort massif : 80%. Mais si on dit que c'est imbécile, à terme, il ne faut pas exclure la possibilité de le supprimer" a déclaré ce jeudi matin Christophe Castaner qui a confirmé que Bercy réfléchissait bien à la suppression de la taxe d'habitation pour 100% des ménages en tenant dans le même temps à rassurer les maires. "Il ne doivent pas être inquiets…" a insisté le nouveau délégué général de La République en marche.
Mesure impopulaire chez les maires…
La mesure est très impopulaire chez les élus locaux. Lundi, le sénateur Philippe Dallier (LR) avait annoncé que des membres de son groupe saisiraient le Conseil constitutionnel sur la suppression partielle de la taxe d'habitation, estimant qu'elle "instaure une discrimination fiscale".
"On est ouvert à réfléchir sur la fiscalité de demain", a déclaré pour sa part le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. "Il faut y réfléchir ensemble et on le fera dans le cadre de la prochaine conférence nationale des territoires en décembre (…) Mais il ne faut pas oublier que la suppression de la taxe d'habitation, c'est aussi une question de pouvoir d'achat, 10 milliards d'impôts en moins pour les Français" a-t-il ajouté en précisant ne pas craindre de censure du Conseil constitutionnel, car beaucoup de Français sont déjà exonérés, qu'il s'agit d'un dégrèvement, et qu'il n'y a aucun problème d'équité entre les territoires.
Vers une refonte globale de la fiscalité locale
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a proposé au chef de l'État de réfléchir pendant un an à une nouvelle fiscalité locale destinée à remplacer la taxe d'habitation. "La question de la taxe d'habitation et de son remplacement est posée et il faudra la régler ", a expliqué Gérard Larcher devant la presse, alors que les maires, très inquiets par la disparition de cette ressource, mesure phare du premier budget du quinquennat, ouvraient leur 100e congrès, porte de Versailles à Paris. "J'ai proposé de faire une taxe locale, moderne et adaptée qui constitue un lien entre des citoyens et une collectivité locale", a-t-il souligné.
Besoin de stabilité et d'un retour à la confiance
Gérard Larcher a aussi demandé à Emmanuel Macron "de ne pas écarter la révision des valeurs locatives" qui déterminent les taxes d'habitation et du foncier bâti. Il a par ailleurs souligné que le congrès des maires est l'occasion d'avoir une réflexion après près de 9 ans de bouleversement territorial. "Aujourd'hui, les communes et les intercommunalités ont besoin de stabilité et de prévisibilité et les propos que tiendra le président de la République devant les maires sont particulièrement importants (…) J'ai dit au président de la République que nous attendons un certain nombre de propositions pour rétablir la confiance", a-t-il poursuivi. Il a jugé que cette confiance doit se construire en particulier autour de la responsabilité et de la "co-construction", c'est-à-dire " l'application réelle de la décentralisation, la maîtrise de la dépense publique, la politique du logement et la fiscalité".
Macron attendu de pied ferme
Ce jeudi 23 novembre 2017 dans l'après-midi Emmanuel Macron s'exprimera devant plusieurs milliers d'élus pendant environ une heure et demie. Un discours dans lequel il doit confirmer que la taxe d'habitation, qui doit être supprimée en 3 ans pour 80% des ménages, sera compensée par un "dégrèvement" où l'État paiera à la place des contribuables, "ce qui garantit aux collectivités la permanence de la compensation".
Le chef de l'État expliquera son projet d'une "refonte globale de la fiscalité locale" qui pourrait passer par "un partage des impôts nationaux, à l'image du transfert d'une fraction de la TVA aux régions"
La réception mercredi soir de plus de 1.000 maires à l'Élysée a été l'occasion de derniers échanges entre le président de l'Association des maires de France, François Baroin (LR), et Emmanuel Macron. Tout en ménageant globalement le chef de l'État, les maires sont très remontés contre les décisions prises depuis l'été par le nouvel exécutif qui impactent la situation financière des communes.
L'objectif de 13 milliards d'euros d'économies imposés aux collectivités sur cinq ans et celui d'une hausse maximale de 1,2% par an de leurs dépenses de fonctionnement pour y parvenir cristallisent leur mécontentement. Mais la baisse des aides au logement, la diminution des emplois aidés ou l'exonération de 80% des foyers de la taxe d'habitation, l'une des principales ressources des communes, ont attisé le contentieux.
Emmanuel Macron doit également annoncer "une réforme du droit à l'expérimentation" pour adapter les réponse aux besoins locaux, par exemple en matière de logement ou de transport, et la possibilité d'adapter les normes au niveau local. Les projets locaux seront encouragés par une "Agence nationale de la cohésion des territoires". Les collectivités pourront aussi s'organiser pour des transferts de compétences et le président veut "un allègement du contrôle de légalité" de leurs décisions par les préfets.
Il annoncera enfin l'organisation d'une "conférence du consensus" sur le logement pour début décembre, qui préparera la loi logement pour début 2018, avec des mesures encourageant la construction tout en réduisant les aides au logement.
Besoin de clarification
Plus globalement, les élus attendent des clarifications d'Emmanuel Macron sur les rapports qu'il entend instaurer entre l'État et les collectivités pendant le quinquennat. Mais pour nombre d'entre eux, le chef de l'État ne devrait rien céder "sur l'essentiel".
Parmi les enjeux figure le projet de l'exécutif de signer des contrats avec les 300 à 600 collectivités les plus importantes (régions, départements, grandes villes...) sur la maîtrise de leurs dépenses. Projet sur lequel nombre d'élus sont très réservés en l'absence d'un lien de confiance fort avec l'État.
Au-delà de l'aspect financier, certains, comme Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine), voient dans les projets du gouvernement, notamment l'encadrement de leurs dépenses, une volonté de main mise de l'État sur les collectivités. Mais le chef de l'État "peut calmer les maires avec un peu d'argent et une capacité à enjoliver les choses", estime-t-il.
Pour le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, en revanche, le gouvernement veut accompagner le développement des collectivités et Emmanuel Macron peut se présenter "tranquille" devant les maires.