Créé en mars 2020 face à l'épidémie de Covid-19, l'état d'urgence sanitaire est la base notamment du couvre-feu national à 18H00. Ce régime "boîte à outils" permet aussi les mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, des rassemblements ou des ouvertures des établissements, sur tout ou partie du territoire, ainsi que possiblement des confinements partiels ou complets de la population.
L'exécutif n'hésitera "pas à prendre (ses) responsabilités" en cas de "dégradation forte et rapide" des indicateurs sanitaires, affirme le Premier ministre Jean Castex. Notamment face aux variants, "les prorogations successives sont une nécessité, pas un échec, pas un gadget", a insisté le secrétaire d'Etat Adrien Taquet devant les députés.
- L'urgence sanitaire a été en vigueur du 23 mars au 10 juillet 2020, puis réinstaurée le 17 octobre dernier. Le Parlement l'a prorogée jusqu'au 16 février, d'où la nécessité de ce nouveau vote.
Sous le feu des critiques
Tous les groupes politiques de l'Assemblée hors majorité ont annoncé un vote contre ce nouvel allongement de trois mois et demi. Du terrain, les parlementaires relayent la lassitude de la population et le ras-le-bol des restaurateurs, stations de ski ou encore des étudiants, voire les menaces de désobéissance.
Au-delà, droite comme gauche dénoncent une "banalisation" de ce régime particulier. "Le gouvernement doit prendre des mesures, bien sûr, mais il ne doit pas nous entraîner dans des tunnels où le Parlement ne peut se réunir et évaluer l'action publique", fait valoir le député LR Philippe Gosselin. Le Sénat dominé par la droite avait donné son accord, en première lecture, pour une prorogation jusqu'au 3 mai... et prévu un vote du Parlement au bout d'un mois en cas de reconfinement, en vain.
A l'unisson des associations de défense des libertés publiques, le communiste Stéphane Peu est "inquiet de l'accoutumance du gouvernement au régime dérogatoire à l'État de droit", dans lequel "la France se sera trouvée le plus clair de son temps depuis 2015" avec alors l'état d'urgence post-attentats.
En pointe, les députés insoumis, qui ont défendu jusqu'en lecture définitive une motion de rejet préalable, s'élèvent contre "une forme de dictature, la concentration des pleins pouvoirs entre les mains d'un homme", Emmanuel Macron, et, selon les mots de François Ruffin, "d'un Conseil de défense anonyme" qui prend les décisions stratégiques.
"Ça fait un an qu'on bride la démocratie. Ce n'est plus possible qu'un seul, Emmanuel Macron, décide pour tout le monde", estime aussi le patron du PS Olivier Faure.
Le gouvernement pas l'arme au pied
Le ministre de la Santé Olivier Véran assure comprendre la "lassitude", sa collègue ministre déléguée Brigitte Bourguignon la "partage pleinement". Mais M. Véran juge l'échéance du 1er juin "cohérente au regard de la dynamique de l'épidémie", le temps que "la campagne de vaccination produise pleinement ses effets".
Le ministre martèle aussi que seules les "mesures nécessaires et proportionnées à la catastrophe sanitaire" sont prises. Et le rapporteur Jean-Pierre Pont (LREM) de juger que ceux votant contre la prolongation "s'opposent à la lutte contre ce virus et à la protection de la population contre ce virus" - un "chantage à la responsabilité" épinglé à gauche comme à droite. "Si nous discutons, on nous accuse d'être des démagogues ou des traîtres sanitaires à la Nation", dénonce Jean-Christophe Lagarde (UDI).
Au sein même de la majorité, quelques nuances se font entendre. Le groupe MoDem réclame "la transparence dans les réponses et les chiffres".
"Nous ne pouvons pas donner tous les trois ou quatre mois de chèque en blanc au gouvernement sans débattre du fond de cette stratégie sanitaire", tonne Olivier Becht, patron du groupe allié Agir, qui ne voit pas la France "traverser toute l'année 2021 uniquement avec des mesures de confinement, de déconfinement, de reconfinement ou de couvre-feu".
(Source AFP)