Une banque de la Ville de Besançon soupçonnée d'être proche d'un mouvement sectaire. L'adjoint aux Finances répond

Publié le 21/12/2022 - 17:31
Mis à jour le 22/12/2022 - 14:21

AVEC DROIT DE RÉPONSE • Depuis octobre 2021, la maire de Besançon et son adjoint en charge des Finances souhaitent faire appel à des banques "vertes" respectant les valeurs écologistes et environnementales pour contracter des prêts. Banque postale, Banque des territoires et la Nouvelle économie fraternelle (Nef). Cette dernière fait partie des entités que la Miviludes a cité dans son dernier rapport.

Jean-Philippe Allenbach, président du Mouvement Franche-Comté, qui a toujours dénoncé un "favoritisme" de la part de la maire de Besançon pour des banques qui partageraient "son idéologie verte", a cette fois-ci alerté la presse sur la Nouvelle économie fraternelle, comme ayant des "dérives sectaires" selon la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Pourquoi ? Elle est suspectée d’être proche d’un courant ésotérique surveillé de très près. 

À Lyon, dont la majorité de la municipalité est également écologiste, le recours à la Nef sème quelque peu le désordre. Le groupe d'opposition Pour Lyon a, de son côté, interpellé le 7 novembre, le gouvernement pour dénoncer les liens existants entre la majorité écologiste de la ville et la Nef, accusant cette dernière d'"exercer une emprise mentale très dangereuse, notamment sur les enfants dans les écoles qui lui sont affiliées (écoles Steiner) et sur les patients qui ont recours à la médecine anthroposophique".

Suite à cela, le Mouvement Franche-Comté appelle "instamment"la Ville de Besançon à mettre fin à ses relations avec la Nef, "et ce, également au nom du fameux « principe de précaution », si cher aux écologistes, mais aussi  des obligations de non-favoritisme et de neutralité politique qui s'imposent aux municipalités en matière d’appel d’offres de crédits bancaires. En tout cas, les Bisontines et les Bisontins ne comprendraient pas que leur argent puisse servir à financer des projets sectaires et ésotériques", écrit-il dans un communiqué.

La Nef se défend 

La Nef est soupçonnée d’être anthroposophe. Il s’agit d’un courant pseudoscientifique, ésotérique et philosophique s’appuyant sur les pensées et écrits de l’occultiste autrichien Rudolf Steiner, réalisé après avoir quitté la société théosophique en 1913. Cette "philosophie" n’est pas considérée comme une secte, mais la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) pointe un manque de transparence et un goût pour l’occultisme.

Sur son site internet, la Nef a consacré une longue page pour se défendre. Elle explique qu’elle "n’est pas anthroposophe" et qu’elle n’a "jamais été condamnée pour dérive sectaire" et que "la coopérative n’est pas un outil financier dédié ni dépendant d’une quelconque idéologie (que ce soit l’anthroposophie ou autre) et elle cultive une totale indépendance politique, religieuse ou philosophique."

Elle fait un historique rappelant que la Nef a été fondée par des citoyens inspirés par Rudolf Steiner, théoricien fondateur du mouvement anthroposophique. "C’est le volet social de ses écrits, plaçant le respect de la personne humaine au centre de tous les mécanismes économiques et financiers, qui a plus particulièrement intéressé les fondateurs de la Nef, Jean-Pierre Bideau et Henri Nouyrit", explique-t-elle. L’argent ne devait plus être une fin en soi, mais un moyen pour construire une société "plus respectueuse des personnes et de l’environnement". Ces fondateurs, aujourd’hui décédés, ne font plus partie de l’organisation depuis de nombreuses années.

Depuis 1988, la Nef affirme avoir financé plus de 6.500 projets écologiques, sociaux et culturels et la coopérative est aujourd’hui reconnue comme "un des principaux financeurs solidaires en France" en précisant qu’en 2021, elle était à l’origine de 80% des flux de financements d’entreprises et associations solidaires en France. La Nef compte parmi ses clients des entreprises et associations engagées dans la transition écologique et sociale telles que Veja, Biocoop, Ethiquable, Action contre la faim, etc. "ainsi que de nombreuses collectivités locales".

© La NEF

Une seule citation dans le rapport de 2022, mais qui interroge

À propos du rapport de la Miviludes en 2021, la Nef indique qu’elle est citée une fois "dans le paragraphe d’introduction du chapitre dédié à l’anthroposophie" et que "5 pages du rapport sont ensuite consacrées aux risques de dérives sectaires de la médecine anthroposophique et des écoles Steiner mais il n’est plus question de la Nef et aucun risque de dérive sectaire n’est mentionné pour la coopérative La Nef ."

Toutefois, la seule citation peut interroger puisqu’il est mentionné : " … le mouvement exerce une influence prépondérante sur certains établissements bancaires « éthiques » au pouvoir financier extrêmement important comme Triodos, GLS ou, en France, la Nouvelle économie fraternelle (Nef)."

À cela, la Nef écrit que "cette assertion pose problème" pour deux raisons. Pour la banque, l’expression "influence prépondérante" est "floue". Elle explique que "l’action principale d’un établissement bancaire concerne les flux financiers, aussi, nous comprenons qu’il est sous entendu que le mouvement anthroposophe aurait une influence sur les flux financiers de la coopérative. Ce n’est pas le cas et facilement vérifiable étant donné la transparence dont la Nef fait preuve sur ces financements (…)".

La Nef cite également l’expression "pouvoir financier extrêmement important" utilisée dans le rapport et répond : "Il convient ici de rappeler la taille de la Nef par rapport aux acteurs bancaires français: la coopérative compte 80 000 clients, contre plusieurs millions pour n’importe quelle autre banque française. Elle “pèse” 1 milliard d’euros de bilan, c’est 25 fois moins que le Crédit Coopératif et  2600 fois moins que la BNP."

Par ailleurs, la Nef déplore que les équipes de la Miviludes ne soient jamais venues visiter les locaux, ni interrogé les équipes, ni audité son activité. "Nous avons demandé à la Miviludes d’éclaircir les propos de son dernier rapport et n’avons, à ce jour, pas reçu de réponse malgré de nombreuses relances depuis le 15/11/2022. Nous déplorons le manque de moyens alloués à cette mission interministérielle (sous-effectif, poste vacant, démission de sa cheffe le 14/12/2022) et les dysfonctionnements qui en découlent. Un précédent rapport de la Miviludes a déjà conduit à des propos diffamatoires il y a plus de 20 ans."

Pour la ville de Besançon, "il n’y a aucune ambigüité"

"Nous sommes très clairs avec la Nef sur ce sujet", assure Anthony Poulin, adjoint à la maire de Besançon, en charge des Finances. "C’est un sujet que nous avions mis sur la table depuis le début. Pour nous, la Nef est le seul établissement bancaire en France qui publie l’intégralité des projets qu’elle finance sur son site internet. Ce qui est pointé dans le rapport de la Miviludes, c’est qu’un prêt a été accordé pour une seule école Steiner sur 400 prêts accordés par la Nef en 2019 et un prêt sur 445 en 2020, ce qui correspond à 0,04% du capital. D’autres écoles Steiner sont financées, mais par d’autres banques, mais on ne sait pas quelles banques puisqu’elles n’ont pas toutes cette transparence qu’a la Nef."

De plus, lorsque Anthony Poulin a rencontré des responsables de la Nef : "ils nous ont dit d’emblée ce qui a été indiqué" dans le rapport interministériel. "Aujourd’hui, la Nef n’a aucune accointance avec l’anthroposophie", affirme-t-il, "il y a eu des fondateurs de la Nef qui étaient de ce mouvement anthroposophe, mais ce n’est plus le cas, et pour nous, il n’y a aucune ambigüité, s’il y avait un doute, nous ne serions pas allés sur ce type de financement."

Par ailleurs, "je sais que la Nef a demandé à être entendue et je pense que ce serait bien que la Miviludes la rencontre pour clarifier une bonne fois pour toutes ce sujet qui pour moi n’est de l’ordre que de la suspicion et non de la réalité des faits."

Dans la phrase du rapport "(…) le mouvement exerce une influence prépondérante sur certains établissements bancaires "éthiques" au pouvoir financier extrêmement important comme Triodos, GLS ou, en France, la Nouvelle économie fraternelle (Nef)", pour Anthony Poulin "rien n’est démontré, et pour moi, le terme influence peut être caractérisé par deux choses : soit une condamnation de la Nef pour des pratiques et ce n’est pas le cas, soit une caractérisation où quand je regarde le conseil d’administration, les instances de gouvernance, il y aurait à l’intérieur des membres éminents de l’anthroposophie, et aujourd’hui ce n’est pas le cas."

Anthony Poulin © Alexane Alfaro

"Je n’ai aucune leçon à recevoir Monsieur Allenbach"

L’adjoint à la maire affirme également que la Nef est "la seule qui nous garantit ce niveau d’épargne citoyenne, c’est-à-dire que quand la Ville de Besançon a pris un emprunt de 2 millions d’euros comme ça a été le cas l’an dernier pour rénover une école, j’ai la garantie que 80% de son capital est détenu par des citoyens, des habitants, et non pas par un mouvement ou un fonds de pension américain." Il remarque "une nouvelle fois" que "c’est quand ce sont des collectivités comme la nôtre, écologistes et qui vont jusqu’au bout de leur démarche en interrogeant les banques sur la transparence, qu’ensuite, on vient chercher des polémiques sur ce sujet."

Il ajoute que "les taux d’intérêt que nous remboursons avec ce type de banque ne participent pas à l’autre bout du monde à l’extraction d’uranium, de charbon ou à faire travailler des enfants dans des conditions épouvantables, et ça c’est l’essentiel. Il y a en effet un vrai sujet autour de l’anthroposophie, autour de l’influence des écoles Steiner, mais c’est un sujet qui va bien au-delà et qui n’est pas lié au fait que la Ville de Besançon soit financée par la Nef."

Enfin, Anthony Poulin s’est assuré des agréments de la Nef qui a obtenu en 2003 celui de la Banque de France. "Elle avait alors démontré qu’il n’y avait pas d’influence manifeste de l’anthroposophie sur ses activités, et ça se sont des faits", souligne-t-il.

Il conclut notre entretien en indiquant : "Je n’ai aucune leçon à recevoir Monsieur Allenbach qui, je le rappelle, a été condamné pour ne pas avoir donné ses comptes au moment des dernières élections municipales, je ne sais pas si c’est de cette personne-là que je dois recevoir des leçons financières… "

Droit de réponse de Jean-Philippe Allenbach

  • Le 22 décembre 2022

"Tout d’abord je ne vois pas bien le rapport entre le fait que Miviludes ait qualifié la Nef de banque sectaire et mon compte  de campagne des dernières municipales...Passons.

En revanche, je persiste et signe, dans  ma «"leçon financière" relative à l’« obligation de précaution » qui s’impose à une ville dans le choix de ses contreparties financières. Laquelle consiste à éviter toute relation avec une banque trouble, ce qui est manifestement le cas de la Nef.

Sans oublier, en outre, l’ « obligation de diligence » qui consiste à s’assurer de la bonne réputation et de la bonne moralité des entités avec lesquelles on travaille.

Or, à cet égard, la ville a, entre autres, choisi comme consultant pour le choix de ses banques l’ONG Oxfam avec laquelle elle a déclaré fièrement avoir engagé "un travail unique en France" (MaCommune 21/1/2022)

Mais ONG au passé criminel, son directeur général ayant lui-même reconnu en 2018 que son personnel s'était livré à des crimes et des viols au Liberia, au Soudan, aux Philippines, au Bangladesh et au Liban.Toutes informations qui se trouvaient déjà sur internet quand la municipalité a fait appel à cette ONG. 

Dans de telles conditions de manquement manifeste à l'éthique financière, le M.F.C. appelle à la démission  de M. Anthony Poulin."

 

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