Le musée des Beaux Arts et d'Archéologie de Besançon a vu sa fréquentation chuter de 54 % en 2020 par rapport à 2019. Au total, 46.273 visiteurs se sont rendus au musée en 2020 contre 101.175 en 2019. "Nous n’avons pas reçu de visiteurs depuis le 30 octobre 2020 excepté les scolaires car nous avons eu la chance que Monsieur le Préfet et Madame la Maire aient autorisé les visites et les ateliers dans le cadre de la continuité pédagogique", précise Nicolas Surlapierre.
Une programmation bousculée par la crise sanitaire
L'exposition "Le passé des passages" devait ouvrir le 19 juin 2020, mais n'a finalement pu être présenté qu'en septembre 2020, à la veille des Journées du Patrimoine. "Nous ne pouvions pas travailler dans le musée pour monter le dispositif scénographique. L’éditeur milanais était indisponible en raison du Covid dans une région fortement impactée" explique le directeur des musées de Besançon. Le Passé des Passages devait se terminer le 4 janvier dernier, mais les organisateurs ont décidé de la prolonger jusqu’au 28 mars 2021 en espérant que les musées rouvriront d'ici là.
Au delà de cette exposition qui a tout de même pu être vue par certains chanceux, d'autres projets n'ont pas du tout pu être présentés au public :
L'accrochage de peintures intitulé "Monsieur Courbet" : cet événement devait être présenté le 14 novembre 2020, résultat d’un partenariat avec le musée Courbet d’Ornans fermé pour travaux. Quarante peintures de Courbet pour évoquer l’atelier de l’artiste et les deux pavillons qu’il édifia en marge des Salons de 1855 et de 1867 pour mieux contrecarrer l’académisme omniprésent dans ces salons.
Un accrochage contemporain intitulé Didascalies ou l’esprit d’escalier : ce dernier devait confronter quatre artistes Jean-Luc Bari, Djamel Tatah, Iris Levasseur et Cécile Meynier au sein des collections du musée.
Que se passe-t-il au musée pendant sa fermeture ?
L'absence de visiteur permet à l'équipe du musée des Beaux-Arts de remettre en question certaines installations, des mises en valeur d'oeuvre, de mettre un peu d'ordre dans les stocks, etc. Par exemple, l'accrochage du XVIIIe siècle a été repensé "pour mieux évoquer le rôle de Pierre Adrien Pâris", nous précise Nicolas Surlapierre, ainsi que le rôle des antiques dans l’évolution du goût et de l’enseignement des beaux-arts au XVIIIe siècle en France et plus particulièrement à Besançon à partir de la formation de l’Académie des beaux-arts de Besançon en 1773.
L'équipe du musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon a également profité de ce temps pour :
- Ranger les espaces de stockages mieux optimiser les réserves,
- Lancer des campagnes de numérisations,
- Lancer des restaurations de sculptures,
- Préparer le chantier des collections dans les deux musées MdT et MBAA.
- Rationnaliser ses centres de documentation (classement archivage, catalogage)
"Tout cela a été rendu possible par la présence sur place des adjoint.e.s du patrimoine que les conservateurs-trices et chargé.e.s de collection et de documentation ont pu former à ces métiers de la conservation et de la documentation si essentiels à la connaissance de nos patrimoines", explique le directeur du musée.
Mais une grande partie de l’activité a aussi été concentrée sur la communication. "C'est un relais essentiel de notre vie au temps du virtuel et du distantiel. Le service communication des musées relaie et aide le service de développement culturel pour inventer et pour animer les sites, les réseaux sociaux et rendre les musées aussi attractifs que « toujours vivants »".
Ce qui attend le public à la réouverture du musée...
Le Passé des passages : 2000 ans d’histoire d’un quartier commerçant (prolongée jusqu’au 28 mars 2021)
L’exposition Le Passé des Passages retrace l’histoire d’un quartier commerçant à la manière dont les archéologues abordent un site archéologique : en remontant le temps, depuis les couches supérieures qui correspondent aux périodes les plus récentes, pour descendre la stratigraphie jusqu’aux niveaux les plus anciens.
La fouille archéologique à la ZAC-Pasteur réalisée en groupement SMAP/Inrap entre 2010 et 2011, sur près de 4000 m2 en plein cœur du centre historique de Besançon, a livré une documentation très riche qui renouvelle notre compréhension de l’urbanisation bisontine. Les vestiges découverts, datés du Ier au XXe siècle, racontent l’histoire deux fois millénaire d’un quartier densément loti durant l’Antiquité, occupé par un petit cimetière carolingien, puis ré-urbanisé à la fin du Moyen Âge avant d’être redessiné par les hôtels particuliers à l’époque moderne. La connaissance de l’histoire urbaine de la ville s’est notablement enrichie grâce aux nombreuses études de spécialistes qui se sont penchés sur les vestiges mobiliers et immobiliers mis en lumière par la fouille.
Cette exposition est co-organisée par le musée des beaux-arts et d’archéologie et par la Direction du Patrimoine historique de la ville de Besançon, avec le soutien de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (Inrap).
NIPI (du 13 au 30 avril 2021)
L’exposition est articulée autour de l’installation sonore et vidéo « NIPI » de Philippe Le Goff et Bernard Poupard. Cette installation plonge le visiteur dans un environnement visuel fait de paysages, de faune et d’habitants du Grand Nord accompagnés par les sons gutturaux du Katajjaq, joute vocale traditionnelle.
L’exposition propose en parallèle un accrochage présentant les différents projets développés pour la couverture de l’ouvrage « De pierre et d’os » de Bérengère Cournut.
Une troisième séquence dévoile « Projet Pénélope », une proposition de Marie Minary en collaboration avec Maxime Vernier et Benoit Verdin. Utilisant la photographie, la vidéo, la peinture, la sculpture et l’installation le « Projet Pénélope » questionne avec poésie le rapport à l’espace et au temps.
Juliette Roche. L’insolite (du 15 mai au 19 septembre 2021)
Cette première rétrospective de Juliette Roche depuis sa disparition vise à faire connaître une figure méconnue des avant-gardes artistiques. Peu exposée de son vivant, Juliette Roche, à la fois insolite et discrète, mêle les influences esthétiques. Elle renouvelle les genres traditionnels de la peinture par une grande liberté de ton. Portraits mondains, autoportraits, masques de théâtre symbolistes et natures mortes aux volumes synthétiques cohabitent avec son intérêt pour l’espace public.
L’exposition s’attache à cerner l’évolution esthétique et le contexte de création d’une figure inscrite dans les communautés artistiques de son temps, éclipsée par la célébrité de son époux, le cubiste Albert Gleizes. En 1927, ils fondent ainsi à Sablons, en Isère, les Coopératives artistiques et artisanales de Moly-Sabata, résidence d’artistes toujours en activité et gérée par la Fondation Albert Gleizes. La trajectoire artistique de Juliette Roche sera éclairée par la présentation inédite de ses archives personnelles afin de cerner au plus près l’identité de celle qui se désignait comme « la dame en peau de léopard » qui « boit du whisky et parle d’art » (Demi-cercle, 1920).
Akay & Olabo. Idioglossie (du 5 juin au 23 octobre 2021)
Akay & Olabo ont l'habitude de créer des installations non commissionnées et diverses actions créatives indépendantes dans des lieux publics. Leur récente collaboration les a emmenés hors des espaces urbains traditionnels, vers des zones marginales : entrepôts condamnés, immeubles de bureaux vides, magasins désaffectés, etc.
Ils utilisent les objets et espaces de ces bâtiments industriels sans prétention, où l'on a l’impression que tout le personnel est parti un jour en oubliant de verrouiller la porte.
Leur travail artistique est issu de ces explorations urbaines : interventions in situ, documentées puis exposées à l'aide de vidéos et photographies. Cependant, des collages, sculptures interactives, constructions et scénographie sont également réalisées à partir des matériaux issus de ces non-lieux. L'ensemble est porté par une dimension immersive dans leur processus de création, à la marge entre exploration urbaine, résidences artistiques illégales, artisanat post-industriel, désobéissance civile et humour.
Dans le cadre de l’exposition Idioglossie, le duo d’artiste produira des pièces inédites réalisées à partir de matériaux de récupération, des tableaux, tressages, luminaires.
Les conseils du directeur du musée des Beaux-Arts pour étancher notre soif de culture
Le directeur du MBAA conseille de "rester à l’affût de ses sites et réseaux sociaux" et de "visiter ce qui reste ouvert : refaire le tour des églises de Besançon si possible en téléchargeant des applications pour avoir quelques éléments sur les œuvres qui y sont conservées."
Exemple : la cathédrale Saint-Jean qui conserve des chefs d’œuvres (Fra Bartolomeo, Natoire, van Loo, de Troy, Conrad Meit etc). Rendez-vous au Frac pour faire un lèche-vitrine contemporain de 11 œuvres.
"Il y a aussi les galeries", rappelle Nicolas Surlapierre. Depuis le 12 février 2021 la galerie des deux portes (rue de Pontarlier) ouvre une exposition de Claire Hannicq (l'année dernière le musée avait acquis dix œuvres - dont ses fantômes reliefs en loupe de bois - de cette artiste qui désormais vit à Nantes.)
Au niveau lecture, relisez les classiques : "leur pouvoir de résonance est énorme et donne du sens pour passer cette période si étrange", selon le directeur.
Enfin, si vous n’avez pas le temps, relisez le texte d’Italo Calvino Pourquoi lire les classiques. "Le pouvoir de résonance des œuvres est immense et commence par une consolation", souligne Nicolas Surlapierre qui écoute également en ce moment "des podcasts sur Proust pour être sûr qu'en 2020 et 2021 je n'ai pas perdu mon temps."
Le message de Nicolas Surlapierre
"Si je devais adresser un message : dites et faites le savoir que la culture au sens large pour vous est aussi essentielle que les commerces sinon à la prochaine humiliation du domaine culturel nous irons crécher avec nos œuvres et nos projets dans les magasins entre les conserves et les paquets de riz. Je plaisante à peine", conclut Nicolas Surlapierre, directeur du musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon.