Le procureur de la République de Besançon Étienne Manteaux est revenu sur cette affaire sordide lors d’une conférence de presse le vendredi 17 novembre.
La première affaire de ce dossier épineux remonte à mars 2021 à Saône lorsqu’une lycéenne évoque des faits d’agressions sexuelles ayant eu lieu quelques années plus tôt par le mari de sa nourrice alors âgé à l’époque de 74 ans. L’enquête permettra d’identifier neuf victimes, toutes mineures, dont trois pour lesquelles les faits seront prescrits. Les six autres, non prescrites, mèneront le mis en cause à une incarcération de cinq ans ferme à la maison d’arrêt de Besançon en juin 2023.
Il aurait selon le procureur, abusé à la fois de jeunes accueillis au foyer par sa femme, assistante maternelle, mais également de sa propre petite fille.
Le frère ainé toujours en liberté
Mais alors que l’affaire aurait pu en rester là, la pugnacité d’un gendarme va finalement pousser ce dernier à étendre les recherches qui vont alors déboucher sur un second dossier. En tentant de savoir ce qui s’est passé, les enquêteurs vont découvrir que le neveu de ce même homme a expliqué en 2017 avoir été victime de violences sexuelles dans les années 80, non pas de son oncle, mais de son propre père, c’est-à-dire le frère ainé du condamné.
Les investigations ont mis en évidence huit victimes différentes au total dont l’enfant du mis en cause et des jeunes également accueillis au sein du domicile situé à Valdahon puisque la femme de cet homme était, encore une fois, assistante maternelle. La totalité des faits étant prescrits, l’homme est toujours en liberté. Il a reconnu tous les abus sexuels "en minimisant les faits" précise Étienne Manteaux après une tentative de suicide avortée. Les enquêteurs vont toutefois poursuivre les investigations le concernant.
C’est d’ailleurs suite à une plainte du troisième frère, le benjamin, qu’une troisième enquête a pu être ouverte par les enquêteurs.
Le benjamin de la fratrie inquiété à son tour
L’homme, âgé de 70 ans, était alors venu déposer plainte à la gendarmerie en février 2023 pour dénonciations calomnieuses et diffamations suite au post d’une femme sur les réseaux sociaux qui disait avoir été agressée sexuellement par ce dernier.
Placée en famille d’accueil chez le frère et son épouse, assistante maternelle, de ses 18 mois à ses 18 ans, elle a depuis déclaré aux enquêteurs avoir été victime d’attouchements et de viol par pénétration digitale à l’âge de 13 ans.
Interrogé à son tour en garde à vue, l’homme a reconnu les agressions, donc uniquement les faits prescrits, mais pas le viol. Autrefois prescrits après 20 ans, la loi de 2018 porte désormais le délai de prescription à 30 ans pour des faits d’agressions sexuelles. Ces crimes ne sont donc pas prescrits même si les délits en revanche le sont. Le septuagénaire a aussi reconnu d'avoir un rapport sexuel avec sa belle-soeur, mineure au moment des faits, alors que sa femme enceinte était hospitalisée.
Un même fonctionnement qui intrigue
Pour Étienne Manteaux, les agissements de ces trois frères sont "particulièrement questionnants" et "défient les lois de la statistique". Les trois présentaient des similitudes troublantes : tous pédophiles et tous en couple avec une femme assistante maternelle. Cependant, un seul d’entre eux, le plus jeune, dit avoir subi des violences sexuelles pour expliquer à son tour de telles déviances. Il aurait été abusé depuis l’âge de 6 ans jusqu’à ses 15 ans dans une structure d’accueil tenue par des prêtres à Villers-Saint-Martin. Il désigne un prêtre et deux élèves plus âgés comme auteurs de ces abus sexuels.
Des investigations en cours pour retrouver d’autres victimes
L’un des couples ayant accueilli un très grand nombre d’enfants mineurs à Arguel puis Larnod, des "investigations plus approfondies" vont être nécessaires pour retrouver d’éventuelles autres victimes. Le procureur invite donc "toute personne qui a pu être victime de tels faits à se manifester auprès de la gendarmerie de Tarragnoz". "Le fait de parler en tant que victime est essentiel. Cette libération de la parole est évidemment douloureuse mais puissamment libératrice quand on est entendu et quand il y a un jugement en perspective. C’est aussi important pour la manifestation de la vérité. Quand il y a une pluralité de victimes la parole est encore plus forte" a insisté Étienne Manteaux.
Cet appel concerne également les personnes dont les faits sont prescrits, "lors d’un procès, si procès il y a, il est possible de faire citer comme témoins les victimes pour les faits prescrits et leurs paroles peuvent êtres dites et être entendues par la justice" a conclu le procureur.
(Propos recueillis par Alexane Alfaro)