Cette affaire commence le 13 février 2024. Ce jour-là, les enquêteurs de la police aux frontières effectuent un contrôle dans l’établissement de la rue Willy-Brandt. Ils découvrent alors, à l’étage du buffet à volonté, un grenier dans lequel vivent huit personnes d’origine étrangère, hébergées de manière illégale et dans des conditions dégradantes. À la suite de cette découverte, la préfecture prononce une fermeture administrative du restaurant.
Deuxième coup de filet… et un homme caché dans un réfrigérateur
Alors que le parquet s'apprête à lancer les poursuites contre le couple dirigeant — l’homme gérant le restaurant, sa compagne y exerçant des fonctions de direction — un faisceau de signalements et de renseignements pousse le comité opérationnel départemental anti-fraude à effectuer un nouveau contrôle le 8 avril 2025.
Les enquêteurs retrouvent à nouveau huit travailleurs étrangers logés dans le même grenier. Ils sont originaires des Philippines, du Népal, du Tibet, d’Afghanistan ou encore du Bangladesh. Âgés de 27 à 38 ans, tous travaillent dans le restaurant pour un salaire de 1.500 euros (certains déclarés, d'autres pas), et vivent dans des conditions indignes : chambres minuscules, matelas au sol, absence de toilettes, et bouteilles d’urine découvertes sur place. ”Les enquêteurs ont trouvé un homme caché dans un réfrigérateur depuis 1 heure”, raconte le DIPN. Une partie du dortoir est même été cachée derrière du placoplatre vissé, dissimulé derrière une machine de nettoyage industriel.
À ce stade de l’enquête, les policiers ignorent si ces employés versaient un loyer à leur employeur, bien qu’un système de paiement suspect ait été repéré.
Autre élément pour le moins surprenant : la mère du gérant disposait dans les lieux d’une chambre plus confortable, équipée, et pourvue d’un système de vidéosurveillance.

De l’argent liquide, un coffre, des Rolex…
L’enquête révèle aussi une disparité flagrante dans les heures déclarées : pour faire tourner ce restaurant ouvert 7 jours sur 7, toute l’année sauf un jour, 141.000 heures de travail seraient nécessaires. Or, seulement 63.000 heures ont été déclarées, selon l’Urssaf.
Les enquêteurs mettent également au jour une comptabilité parallèle : 112.000 euros en liquide sont saisis dans le restaurant, au domicile du couple et dans un coffre bancaire. S’ajoutent deux montres Rolex et un bracelet Cartier. ”C’est une toute-puissance qu’il convenait de stopper”, martèle le procureur.
Jusqu’à 10 ans de prison encourus
Le couple, âgé de 35 et 34 ans et d’origine chinoise, a été déféré au parquet pour travail dissimulé, dissimulation d’activité et soumission de salariés. Ils encourent jusqu’à 10 ans de prison, ainsi que la confiscation d’un patrimoine évalué à 208.000 euros.
Ils seront jugés le 26 septembre prochain au tribunal correctionnel de Besançon. En attendant, ils ont interdiction de gérer un commerce, de se rendre rue Willy-Brandt ou de contacter les salariés.
Le préjudice total est estimé à 400.000 euros.
Une affaire ”exceptionnelle”
Étienne Manteaux, Laurent Perraut et Patrick Le Barre sont unanimes pour qualifier cette affaire d’”exceptionnelle”. Il s’agit d’une fraude sociale ”massive”, abonde le directeur interdépartemental de la police nationale du Doubs, ”et en plus qui engendrait une concurrence déloyale quand d’autres restaurants respectent la loi et paient leurs charges”.
À ce jour, l’autorité préfectorale suit de près la situation des salariés étrangers.