Premier Africain à diriger l'OMS, l'Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, a été reconduit mardi pour un second mandat et c'est en larmes qu'il a dit son espoir "que la paix va venir" en partageant ses souvenirs "d'enfant de la guerre" réveillés par un récent voyage en Ukraine.
Les jeux étaient quasiment faits avant le vote à bulletins secrets lors de l'Assemblée mondiale qui se tient à Genève: le docteur Tedros, comme il aime à se faire appeler, était le seul candidat en lice et soutenu par de nombreux Etats membres, qui pèsent lourd dans l'Organisation mondiale de la santé.
"Je suis fier d'être à l'OMS", a lancé le directeur général, remerciant les délégués "pour leur confiance". Selon plusieurs sources, il a obtenu 155 voix contre 5.
Le visage de ce spécialiste du paludisme, diplômé en immunologie et docteur en santé communautaire en est venu à incarner la bataille de l'OMS contre la pandémie de Covid-19, avec ses succès et ses échecs.
"Cette pandémie a été totalement sans précédent et nous avons construit le bateau pendant que nous naviguions", a reconnu le Dr Tedros, et d'ajouter: "J'espère que nous serons capables d'empêcher la prochaine pandémie ou de la gérer aussi efficacement que possible". Il a rendu un vibrant hommage à ses collègues "que j'ai vu travailler dur et en bonne foi" pendant la pire pandémie depuis un siècle.
Il veut voir dans son élection un vote de confiance dans l'ensemble de l'organisation.
Priorités
Le directeur général a exposé ses priorités devant l'Assemblée: s'assurer que les gens sont en bonne santé; mettre les soins primaires au coeur de la couverture santé universelle; la préparation et la réponse aux urgences; les outils permettant de mieux prévenir et guérir. Et il a gardé pour la fin la promesse "de renforcer l'amélioration constante de l'OMS".
Le porte-parole du Département d'Etat Ned Price a félicité M. Tedros, soulignant que l'administration américaine travaillerait avec lui "pour améliorer la flexibilité de l'organisation, sa transparence et sa responsabilité".
Loyce Pace, représentante de l'administration américaine n'a pas manqué de rappeler de son côté au DG fraîchement réélu qu'il ne s'agissait pas de se reposer sur ses lauriers.
"Il reste encore beaucoup à faire pour moderniser l'OMS pour qu'elle soit beaucoup plus efficace et réactive et nous savons que vous vous y engagez", a-t-elle déclaré, se faisant l'écho d'un sentiment largement partagé parmi les membres. De fait, le premier mandat du Dr Tedros n'a pas été sans accrocs comme l'attitude jugée trop conciliante envers la Chine en début du Covid-19 avant qu'un ton plus ferme ne lui vaille les réprimandes de Pékin.
On lui a aussi reproché une réaction trop lente sur le scandale d'exploitation sexuelle dont sont accusés certains employés. Et la pandémie a aussi montré que ses appels restent souvent sans écho notamment quand il réclame plus de moyens pour les pays les plus pauvres.
Mais c'est justement côté finances que cette Assemblée s'avèrera sans doute la plus fructueuse parce qu'elle devrait adopter une nouvelle méthode de financement de l'organisation - qui dispose d'un budget biennal de seulement 5,8 milliards de dollars - lui assurant des fonds plus stables, plus prévisibles et plus de souplesse pour la mise en oeuvre de ses priorités.
"Non seulement vous m'avez élu, mais en plus vous me donnez un incroyable cadeau", s'est réjouit le directeur général.
"Enfant de la guerre"
Mais le discours de remerciement a surtout été marqué par beaucoup d'émotion de la part de celui qui se veut avant tout un homme de paix. "Je suis un enfant de la guerre", a-t-il lancé une nouvelle fois à l'Assemblée, racontant une enfance pauvre, marquée par la guerre et la mort d'un petit frère faute de médicaments. "C'est un mauvais télescopage", a-t-il lancé en larmes avant dévoquer un récent voyage dans une Ukraine, ravagée par l'invasion de l'armée russe.
"Quand j'ai vu les enfants, des images d'il y a plus de 50 ans me sont revenues à l'esprit, tellement visibles, j'étais hanté, les odeurs de la guerre, les sons de la guerre, les images de la guerre. Je n'arrive même pas à comprendre, c'était si limpide alors que c'est arrivé il y a si longtemps", a confié celui qui est confronté une nouvelle fois à la guerre dans sa région natale du Tigré en Ethiopie. "Je ne veux pas que cela arrive à qui que ce soit et c'est pour cela que j'espère que la paix va arriver".
(AFP)