8 fois plus de paramètres mesurés depuis 30 ans
Des eaux en bon état, c’est-à-dire en qualité et en quantité suffisantes, sont essentielles au bon fonctionnement des milieux aquatiques, à la préservation de la biodiversité, et pour satisfaire durablement les usages humains. Pour diagnostiquer l’état des eaux des rivières, lacs et nappes d’eau souterraines, l’Agence de l’eau met en œuvre un important programme de surveillance environnementale avec la contribution de l’Office français de la biodiversité.
Ainsi, chaque année, 1.400 paramètres chimiques et biologiques sont mesurés dans les eaux des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse (RMC). "C’est 8 fois plus qu’il y a 30 ans lorsque la surveillance a démarré", souligne le directeur de l'Agence de l'eau RMC, Nicolas Mourlon. En Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, il existe 208 stations de mesure en rivière et 259 stations de mesure dans les eaux souterraines dans lesquelles sont prélevés les échantillons d’eau qui sont analysés par des laboratoires agréés.
Chaque année, ce travail d’analyse s’enrichit et s’affine. En 2024, ce sont 6,5 millions de données qui ont été recueillies et exploitées. "Au global, l’agence de l’eau investit annuellement 10 millions d’euros pour coordonner et mettre en œuvre ce programme de surveillance avec ses partenaires", précise Nicolas Mourlon. L’ensemble des données recueillies dans le cadre de ce programme est mis à disposition du public, des acteurs de l’eau comme de la sphère scientifique pour orienter les actions en faveur du bon état.
26% des rivières en bon état en Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est
Aujourd’hui, en Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, 26 % des rivières seulement sont en bon état écologique. L’eau est le plus souvent de bonne à très bonne qualité dans le massif du Jura, la partie montagneuse du territoire, ce qui n’empêche pas les rivières karstiques de ce massif de faire l’objet de plans d’action spécifiques pour retrouver un meilleur fonctionnement biologique.
En revanche, la qualité des rivières est quasi systématiquement altérée par la présence de pesticides dans les zones de plaine, notamment la plaine de la Saône. Sur ce même secteur du Doubs aval, la qualité des rivières est également impactée par le changement climatique qui élève la température de l’eau, nuisant ainsi à la vie aquatique.
Concernant les eaux souterraines, 83 % des eaux sont en bon état. Elles restent vulnérables notamment pour celles qui sont de nature karstique. Par exemple, les pesticides dégradent les plateaux calcaires de Haute-Saône et les alluvions de la confluence Saône-Doubs.
"Globalement, la qualité des eaux s’améliore sur bon nombre de paramètres et les progrès sont visibles sur les dernières décennies", selon l'agence. "La quantité de pollution organique dans les rivières a en moyenne été divisée par 20 pour l’ammonium depuis 1990. Ces résultats sont à mettre à l’actif d’une politique volontariste d’amélioration des systèmes d’assainissement des eaux domestiques, fortement soutenue par l’agence de l’eau et les services de l’État."
Cette amélioration de la qualité physicochimique profite à la biodiversité, dont la preuve est la présence stable des invertébrés, des diatomées et des poissons même si elle peut fluctuer en fonction des conditions hydro climatiques comme en 2023 où la sécheresse sévère a impacté la vie aquatique.
Quant à certains micropolluants organiques, leur impact toxique dans l’environnement a été divisé par 4 entre 2008 et 2023 sous l’effet de la mise en place de normes de rejets, de politiques contractuelles avec les acteurs économiques (contrats de branche) en faveur de la baisse des émissions de ces substances mais aussi de l'amélioration continue de leur traitement par les stations d'épuration. "Mais les défis restent énormes pour enrayer les pollutions de toutes origines, que ce soit par les pesticides ou des pollutions émergentes comme les PFAS que l’on détecte mieux grâce à l’amélioration des techniques analytiques", nous dit-on.
Les micropolluants sous surveillance
La surveillance environnementale mise en place au niveau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse a permis d’identifier un très grand nombre de micropolluants dans les rivières et les eaux souterraines. L’acquisition de longues chroniques, grâce à la pérennité des suivis, permet d’alerter la puissance publique sur la présence de substances dont l’impact sur notre santé et l’environnement mérite d’être évalué. Pour ces substances, qui ne disposent pour la majorité d’entre elles d’aucune norme de qualité environnementale, l’amélioration progressive des connaissances de leur comportement dans l’environnement et de leur toxicité permettra la définition de normes et la mise en place des mesures nécessaires pour protéger la population et notre environnement.
En 2023, sur les 1.400 paramètres analysés dans les eaux des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse, 706 produits de synthèse ont été détectés au moins une fois dans les cours d’eau (356 dans les eaux souterraines), dont la moitié sont des pesticides. "Dans la grande majorité des cas, les rivières ne sont pas plus polluées qu’avant mais l’amélioration de la capacité de détection fait apparaître des nouveaux polluants qui ne sont donc pas intégrés à l’évaluation de l’état des eaux, faute de normes environnementales", explique Olivier Fontaine, chef de projet.
Depuis 2015, l’agence de l’eau suit 159 polluants "d’intérêt émergent" dans le milieu. Il s’agit de substances pharmaceutiques, de stéroïdes, d’hormones, de stimulants et de cosmétiques. Parmi ces substances, plus de 130 sont présentes dans les cours d’eau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse, rejetées principalement dans les excréta (urine, fèces) des humains et des animaux domestiques et dont le traitement dans les stations d’épuration n’est souvent que partiellement efficace.
En Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, certains cours d’eau cumulent un grand nombre de substances, par exemple le Salon à Chalindrey (52), l’Ouche à Crimolois et à Echenon (21) ainsi que la Vouge à Aubigny-en-Plaine (21) ou la Thalie à Saint-Rémy (71).
Les PFAS
Concernant spécifiquement la famille des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), largement utilisés dans l’industrie pour des produits de consommation courante, le bassin Rhône-Méditerranée compte 4 des 5 sites de production français, dans le Rhône, le Jura et le Gard.
En 2023, ces substances ont été détectées au moins une fois dans 71 % des stations en rivière et 50 % des stations en eaux souterraines. Peu biodégradables, ces substances parfois surnommées "polluants éternels" se situent à l’aval de certaines villes où leur présence dans l’eau peut avoir diverses origines : rejets industriels, rejets urbains, utilisation de mousses anti-incendie à proximité des aéroports, etc. C’est le cas notamment de l’Ouche à l’aval de Dijon. "L’impact de l’ensemble de ces pollutions sur les milieux aquatiques est d’autant plus fort sur les rivières dont le cours naturel est perturbé par des aménagements ou des prélèvements excessifs", affirme l'Agence.
Souvent cumulées, ces altérations rendent les rivières plus sensibles aux effets du changement climatique : augmentation des températures de l’eau, baisse des débits estivaux qui réduit la dilution des polluants…. Cela se traduit concrètement par des espèces aquatiques fragilisées et dans les cas les plus graves, par leur disparition. Ces altérations peuvent également compromettre l’alimentation en eau potable, à partir des cours d’eau ou des nappes souterraines, ainsi que les activités économiques et récréatives qui dépendent de ces milieux.
Infos +
Pour suivre l'état des eaux des rivières, l’agence de l’eau met à disposition du public toutes les données acquises dans le cadre de la surveillance :
- Eaux superficielles : www.naiades.eaufrance.fr
- Eaux souterraines : ades.eaufrance.fr
(Communiqué)