"J'ai plus l'habitude de m'exprimer avec mes crayons…" Devant 44 collégiens de 3e du collège Lumière à Besançon, Rodho explique son métier. Il a échangé durant plus d'une heure et demie avec les élèves autour de ses dessins avant que les collégiens eux-mêmes ne produisent textes et dessins destinés à enrichir "le mur de la liberté d'expression" sur le blog Tumblr créé pour l'occasion. Une quinzaine d'établissements de l'académie de Besançon ont participé chacun à leur manière à cet événement.
"Un dessin doit d'abord être drôle"
Dessins à l'appui, projetés sur grand écran, Rodho a entamé une discussion avec humour et naturel avec les adolescents sur leur manière de s'informer sur la liberté d'expression qui selon lui n'est pas un vain mot, même dans l'actualité locale, et qui doit se construire jour après jour, dessin après dessin, tout en soulignant qu'il avait la chance de vivre et de pouvoir exercer son métier en France. Rodho connaissait Tignous. Cabu, qui a bercé son enfance, lui avait écrit une lettre d'encouragement lorsqu'il a démarré sa carrière en 2007.
"Les attentats de Charlie Hebdo ont mis un coup de projecteur sur notre métier de dessinateur de presse qui n'était pas vraiment mis en avant " a-t-il expliqué. "Pour moi, un dessin doit d'abord être drôle. Il permet de parler de choses très graves, mais d'en rire aussi et de faire prendre conscience avec humour des problèmes de notre société. C'est ancré dans notre culture ici en France, c'est aussi pour cela que les attentats de Charlie ont suscité cette vague d'émotion…"
"J'ai arrêté de dessiner des djihadistes. Ça ne sert plus à rien"
Faut-il être très bon en dessin lui demande un collégien ? "Et bien pas forcément ! Il faut avoir un coup de crayon, c'est sûr, mais il faut surtout avoir un certain état d'esprit et être branché sur l'actu. Lorsque j'entends une info, parfois, j'ai une idée qu'il faut que je griffonne même si ce n'est pas toujours bon (…) J'ai des limites que je ne dépasse pas. Chez Charlie, c'est une autre forme d'humour. C'est différente de ce que je fais. Chacun son style… "
À la question de savoir si les attentats ont changé son métier ou sa manière de dessiner, Rodho répond immédiatement par la négative. Il avoue cependant avoir arrêté de dessiner des djihadistes. "On leur a fait dire toutes les bêtises. On a tout vu et ça ne sert plus à rien. Ce n'est plus drôle finalement. En fait ce sont eux les cibles, mais, justement, ils deviennent trop des cibles. Il faut trouver d'autres moyens détournés pour rigoler de ça et lâcher le sujet pour parler d'autres choses. Trop en parler c'est leur faire de la pub et cela peut être détourné et servir d'autres idées qui ne sont pas les miennes…"