Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s'accorder en commission mixte sanitaire sur une version commune de ce texte transpartisan, soutenu par Bercy, qui donne une définition légale aux influenceurs et interdit certaines pratiques.
Avec un nombre estimé de 150.000 influenceurs en France, dont 15 % seulement exerceraient cette activité à temps plein, ce secteur en plein développement est dans le viseur des associations, mais aussi du gouvernement.
Pour la ministre des PME Olivia Grégoire, la proposition de loi "vient combler un vide juridique" et répond à "une demande populaire pour une meilleure régulation". "Ce n'est pas une loi pour ou contre la publicité, pour ou contre les jeunes (...) c'est une loi de régulation économique au service d'un métier naissant", a-t-elle souligné.
Le rappeur Booba a servi de caisse de résonance
Devenus pour certains des stars avec des millions d'abonnés, les influenceurs diffusent des contenus sur les réseaux sociaux qui peuvent grandement orienter les comportements, en particulier des plus jeunes.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une étude accablante sur leurs pratiques. Le rappeur Booba a aussi servi de caisse de résonance en s'en prenant à la papesse des influenceurs Magali Berdah, celle-ci le qualifiant de "harceleur".
L'influenceuse a été entendue par la rapporteure du texte au Sénat, Amel Gacquerre (centriste), le rappeur ayant de son côté indiqué qu'il n'irait pas au palais du Luxembourg. "Je ne cherche pas à faire de politique, juste à démasquer ces +influvoleurs+ et combattre la culture du vide. (...) Condamnez-les, sanctionnez-les, merci", avait-il tweeté.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a pour sa part annoncé la semaine dernière que Bercy rendrait publics "dans les prochains jours" les noms d'influenceurs, une trentaine, "qui n'ont pas respecté les règles" déjà en vigueur.
"Refus d'obstacle"
Les sénateurs ont renforcé les sanctions si les interdictions publicitaires ne sont pas respectées ou si un influenceur dissimule la véritable intention commerciale de sa publication : jusqu'à deux ans d'emprisonnement (au lieu de 6 mois dans le texte voté par les députés) et 300.000 euros d'amende.
Ils ont prévu que les influenceurs aient l'obligation d'afficher la mention unique "Publicité" sur leurs publications commerciales.
Aux interdictions prévues par les députés, comme la promotion de la chirurgie esthétique, ils ont ajouté à l'initiative de la rapporteure l'interdiction de la promotion de l'abstention thérapeutique, des sachets de nicotine dont la vente sur Internet se développe auprès des adolescents, ou encore des abonnements à des pronostics de paris sportifs. Ils veulent aussi obliger les influenceurs faisant la promotion de jeux d'argent et de hasard à afficher une mention : "Interdit aux moins de dix-huit ans".
Contre l'avis du gouvernement, a en outre été voté un amendement de Jacqueline Eustache-Brinio (LR) pour interdire toute promotion sur les réseaux sociaux "portant atteinte à la protection de la santé publique". Et un autre d'Arnaud Bazin (LR) pour interdire aux influenceurs de se mettre en scène avec des animaux dont la détention comme animal de compagnie est interdite en France.
"Vers un statut d'influenceur"
Mais comme à l'Assemblée, les amendements de la gauche pour interdire la promotion des jeux d'argent et de hasard, des boissons alcoolisées ou encore des produits alimentaires trop gras, salés ou sucrés ont été retoqués. "Attention à ne pas stigmatiser les influenceurs", a mis en garde la rapporteure.
Les sénateurs ont en outre supprimé avec l'assentiment de la ministre l'interdiction, arrachée de haute lutte à l'Assemblée, pour les moins de seize ans de promouvoir ce type d'alimentation.
L'écologiste Daniel Salmon a regretté un "refus d'obstacle" de la majorité sénatoriale sur certains points, tandis que le socialiste Rémi Cardon s'attendait "à aller beaucoup plus loin". "Nous devrons aller vers un statut d'influenceur", a renchéri le communiste Fabien Gay.
"Le gouvernement et la majorité des sénateurs ont préféré cautionner les pratiques contestables et illégales des lobbys de l'alcool, plutôt que d'agir pour l'intérêt général", a réagi l'association Addictions France auprès de l'AFP.
(AFP)