Carte d'identité
- Alexandre Gasser
- Né le 23 février 1981 à Belfort
- Faculté de Médecine à Besançon puis Lyon
Alexandre Gasser a grandi à Belfort. Issu d'une famille relativement modeste, Al' a connu une enfance heureuse à la campagne entouré d'amis et a appris très tôt la valeur de l'argent et du travail. "J'ai toujours eu de quoi manger, boire, m'habiller et même partir en vacances" précise t-il.
Enfant, Al' songeait déjà à la médecine. "J'étais doué en sciences et cela me plaisait. De plus, je trouvais cet enseignement très concret par rapport à ce que l'on peut apprendre à l'école" explique t-il. Mais c'est lorsqu'il découvre la série télévisée Urgences et son personnage John Carter qu'il réalise que ce métier est pour lui passionnant. "Rien d'autre ne m'intéressait à part basketteur professionnel ou rock star, deux choses qui se sont vite avérées impossibles" déplore t-il sur le ton de l'humour.
S'ensuit alors très vite un intérêt concret et grandissant pour la médecine au travers de lectures. Un jour, Al' annonce à ses parents qu'il a trouvé sa voie.
6 ans d'études, 4 ans d'internat...
Dès ses premiers mois à l'université de Besançon, Al' a très vite compris qu'il était sûr de lui malgré des études difficiles. "La première année est très dure mais on te dit qu'une fois passée, tu es sûr d'être médecin donc tu t'accroches à ça pour te motiver. Mais en deuxième année, il s'avère que c'est tout aussi dur et tu te rends compte que cela va être... très très long". Après sa 6ème année de médecine, Al' passe le concours d’Internat et finit dans la première moitié du classement national des étudiants.
C'est lors de ses stages qu'il réalise alors que ses envies évoluent "je voulais être pédiatre et travailler en hôpital mais la pédiatrie est un domaine particulier. Et je ne voulais pas pratiquer de chirurgie non plus". Il quitte donc Besançon pour partir exercer la médecine générale aux urgences de l'hôpital de Vienne à côté de Lyon, pendant 3 ans. Il rentre rapidement dans un cursus de médecine d'urgences et obtient alors le diplôme d'études secondaires qui lui permet d'avoir le statut de spécialiste : le Desc (Diplôme d'études spécialisées complémentaires).
Suite à sa thèse de médecine générale sur l'infarctus du myocarde, il se voit proposer un poste après 4 ans d'internat (il a suivi une année supplémentaire pour obtenir sa spécialité) et devient assistant spécialiste des urgences, pendant deux ans, à Vienne. "J'ai commencé par la série Urgences et je finis finalement aux urgences! " remarque t-il amusé.
Puis, un jour, il décide de partir en vacances en Martinique, chez un ami médecin anesthésiste. Le cadre et le rythme de vie lui plaisent immédiatement. De retour en France, naturellement, Al' rédige un CV ainsi qu'une lettre de motivation au Chef des Urgences de Fort de France. Le soir même, il obtient une réponse positive. Après quelques jours de réflexion, sa compagne et lui décident de s'envoler en direction de la Martinique. "6 mois plus tard, on partait avec une guitare dans le dos et les deux chats!" raconte t-il.
Médecin Urgentiste dans le seul CHU de Martinique
"En deux ans de métropole, je n'ai quasiment rien vu par rapport à ce que je vis ici !" remarque t-il. A mi-temps au Samu pour des interventions en dehors de l'hôpital et l'autre moitié en "déchoquage", les urgences vitales intra hospitalières, Al' trouve son poste très intéressant. "Les gens arrivent à l'hôpital via le Samu. Quand ils sont instables, pronostic vital engagé à moyen ou long terme, on les envoie dans un petit "box", c'est le déchoquage. Tu peux être amené à traiter une tachycardie comme une infection sévère ou un coma... C'est très intéressant et varié. Tu réalises enfin que tu fais vraiment ce pour quoi tu as été formé."
Al' est un réel touche à tout et aime aussi travailler avec le Samu qui réalise beaucoup d'interventions sur l'île. Les équipes ont à disposition des ambulances mais se déplacent aussi régulièrement en hélicoptère. Lorsque cela est nécessaire, pour atteindre des zones d’interventions difficilement accessibles, Al' doit utiliser l’hélitreuillage. "Une semaine après ma formation seulement, j'ai dû faire une intervention dans un endroit compliqué. Dès lors, les équipes ont proposé l’hélitreuillage. Le pompier descend en premier puis on t'attache et c'est toi qui le suis derrière. La première fois c'est intimidant! Maintenant j'en fais souvent, j'ai l'habitude." raconte t-il.
Al' réalise qu'il n'aurait jamais pu pratiquer en France comme il le fait en Martinique. De grandes différences sont observables avec la Métropole d'après lui. Les patients sont eux même plus souvent dans des états plus graves car il y a plus d'accidents et de plaies par armes à feu ou armes blanches. Dans ce genre de situations, Alexandre explique que les pompiers et la police sont toujours sur place pour sécuriser les lieux. "Un jour, il y a eu un affrontement entre bandes rivales et des coups de feu échangés. Je me souviens aussi d'un couple renversé en voiture sur l'autoroute qui s'est soudainement transformé en guérilla urbaine. Cela a fini avec l'utilisation de gaz lacrymogène pendant qu’on passait le malade de l’autre côté de la route " se remémore t-il.
Le corps médical est aussi confronté à beaucoup de cas de noyés mais la plus grande différence observable est aussi dans la pratique. "A Vienne, on était un petit CHU. Tout ce qui était pathologie très grave ou patient intubé, on devait les amener sur Lyon. Chacun avait sa spécialité là bas. En Martinique, il n'y a qu'un seul CHU. Il a quelques petits hôpitaux mais quand il faut faire de la chirurgie lourde ou cardiaque, des choses très techniques, c'est chez nous!" dit il en parlant du CHU de Fort de France.
L'humain et les patients...
"Les gens sont différents ici. Ils aiment le sensationnel. Lors d'une intervention, ils sont autour de toi, parfois à 10 cm. Alors des fois, dans l'urgence, tu leur demandes de tenir une perfusion par exemple et ils le font. Ils sont très respectueux du corps médical".
Lorsqu'on lui parle ensuite des relations avec les familles et patients, la discussion prend un tout autre tournant. "On te donne les clés et t'aiguille sur les choses à faire et ne pas faire. Mais dans la vraie vie, tu ne sais jamais comment les gens vont réagir. Tu peux te retrouver face à quelqu'un qui hurle pour un doigt cassé et dans un autre cas, face à une personne silencieuse suite au décès d'un proche. Tu t'y attends...ou non. Il faut aussi apprendre à garder de la distance. Tu es touché, oui, mais tu ne dois pas le ramener à la maison" nous explique t-il. Ne pas ramener à la maison certes, mais pour Al’ il s’agit tout de même d’amener une partie de sa personnalité au travail. Pour lui, l’empathie est primordiale.
Il partage ensuite avec nous un souvenir datant de ses premières interventions "J'ai perdu un jeune homme sur la route une fois. J'étais super mal. Dans ces cas là, il faut échanger avec les collèges, poser des questions, faire un débriefe et te dire que toi ou un autre, cela aurait été la même chose. Un collègue m'a aussi dit ce jour là : Tu n'es pas Dieu, ce jeune homme devait mourir".
Avec l'expérience et les années, le corps médical arrive petit à petit à construire une "coquille" pour se protéger et prendre du recul pour soigner les patients de manière efficace et objective. Un défi délicat qui n'est pas relevable par tout le monde. En choisissant le domaine de la médecine, Al' s'y confronte tous les jours avec courage et persévérance. Et lorsque les expériences se passent bien, qu’un patient est apaisé, qu’une vie est sauvée, il rentre chez lui avec la sensation du devoir accompli.
Lorsqu’on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour la suite, la réponse est évidente : "d’être en bonne santé et heureux. Et de rejouer de la musique aussi, comme avant, mais il me faudrait des journées plus longues..." dit-il avec nostalgie.
Ses journées sont déjà très longues et durant celles ci, sa priorité reste l’autre "il faut toujours respecter les gens et faire du mieux que tu peux. J’essaie de le faire de façon quotidienne" explique t-il humblement. Passion, dévouement et modestie... John Carter n’a qu’à bien se tenir !