Lutte contre le cancer à l’EFS de Besançon : un médicament “vivant” pour vaincre la leucémie

C’est une première mondiale. Après cinq années de recherche, les Dr Christophe Ferrand et Dr Marina Deschamps aidés de  leur équipe de l’établissement français du sang Bourgogne Franche-Comté à Besançon ont développé de nouvelles immunothérapies dans le traitement de la leucémie. La création d’une start-up est en réflexion afin de lever deux à quatre millions d’euros.

UMR de recherche mixte 1098 © EFS / Frédérique Plas © EFS / Frédérique Plas

L'équipe de chercheurs de l’Établissement français du sang (EFS) vient de mettre au point un médicament « vivant » pour combattre la leucémie. En 2016, cette même équipe de l’Unité mixte de recherche 1098, hébergée au sein de l’EFS  - sous la tutelle de l’INSERM, de l’EFS, et de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté  - avait découvert un traitement afin d’éviter les complications liées au rejet pour les patients greffés de moelle osseuse (voir notre article).

Des cellules-suicides

Afin d’éviter que les cellules du système immunitaire ne s’attaquent aux cellules saines du patient, un processus de « cellules suicides » couplées à un « interrupteur » avait été imaginé : dès que les cellules saines sont attaquées, l’interrupteur est placé sur off et un gène suicide est activé, donnant l’ordre aux cellules de se « suicider ».

Une découverte qui ouvre une nouvelle voie  Une fois que l’on a su faire cela, on a migré vers l’immunothérapie cellulaire pour mieux cibler la tumeur” explique le Dr Christophe Ferrand, également biologiste médical, et responsable du laboratoire d’Onco-Hématologie Moléculaire, et qui habite à Dampierre dans le Jura (ancien 1er adjoint et ancien Vice-Président de la Communauté de communes Jura Nord).

Une approche non chimique

L’immunothérapie vise à mobiliser les lymphocytes T (les globules blancs). Il s'agit d'une approche non chimique qui utilise notre  système immunitaire, ou celui d’un donneur sain, pour lutter contre le cancer. "Ces cellules sont modifiées ici, en laboratoire, pendant dix jours".

Les « CART-Cells », nouvelles armes de destruction massive

Ces cellules sont infectées avec un virus modifié et sécurisé. Ce dernier va apporter un nouveau gène à cette cellule appelée CART-cells, explique Marina Deschamps, chercheur en thérapie cellulaire et génique. "Pendant ces dix jours, nous prenons des petits bouts de molécules, mis bout à bout, pour créer un récepteur spécifique de la tumeur que l’on fait exprimer par la cellule la plus tueuse de notre organisme, le lymphocyte T" .

Il s'agit en fait d'un traitement « à la carte », mieux ciblé, évitant les prises en charge lourdes telles que chimiothérapies et radiothérapies traditionnelles, qui s’en prennent également aux cellules saines avoisinantes. A terme, ce médicament à large spectre pourrait aussi combattre contre d’autres types de cancers.

Une start-up pour lever deux à quatre millions d’euros

Depuis la découverte, les essais sur des souris humanisées et immuno-déficientes ont été validés. "Nous leur avons injecté une leucémie, puis nos cellules génétiquement modifiées. Cela a fonctionné, et nous sommes parvenus à contrôler la prolifération tumorale. Mais il faudra passer aujourd’hui d’une souris de 100 grammes à un humain de 70 kg", explique le Dr Ferrand.

Un premier brevet a été déposé en 2017, puis étendu à l’international en 2018. Évalués et validés par leurs pairs, les travaux des chercheurs ont fait l’office d’une publication dans une revue scientifique internationale.

Désormais, deux difficultés se posent à l’équipe. D’une part, la réglementation liée aux médicaments de thérapie innovante (MTI), naissante à ce jour. "Elle s'appuie sur la réglementation existante des médicaments classiques, ce qui est problématique, car les méthodologies sont totalement différentes" explique le scientifique.

Second écueil : les financements pour espérer un jour voir cette thérapie appliquer à l’homme. Deux à quatre millions d’euros seraient nécessaires pour faire la preuve du concept. "Aujourd’hui, les sphères publiques et académiques n’ont pas cette force de financement. Nous réfléchissons donc à l’éventualité d’un partenariat public-privé, via la création d’une start-up". Une nouvelle casquette d’entrepreneurs pour les biologistes. Malgré tout, face aux États-Unis, à la Chine et aux grands laboratoires pharmaceutiques, la France affiche un sérieux retard dans ces recherches innovantes.

Les Drs Deschamps et Ferrand espèrent obtenir l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’ici 2022, signifiant la mise sur le marché du médicament. D’ici là, des citoyens ont spontanément lancé une cagnotte en ligne afin de soutenir financièrement la démarche des chercheurs.

CG

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