Ils ne forment plus qu’1,5 % de la population active en France mais c’est un électorat traditionnellement clé: les candidats à la présidentielle recherchent mercredi le soutien des agriculteurs, à un moment où l’écart se resserre entre Emmanuel Macron et ses poursuivants.
A 11 jours du premier tour, ils sont six à s'exprimer devant 1.000 agriculteurs à l'initiative du Conseil de l'agriculture française (Caf) et du principal syndicat, la FNSEA: certains d'entre eux sont attendus Micropolis à Besançon, comme Valérie Pécresse (LR), Marine Le Pen (RN), Eric Zemmour (Reconquête), le communiste Fabien Roussel et l'iconoclaste Jean Lassalle.
Pris par l'agenda présidentiel, avec un Conseil de défense le matin suivi d'un Conseil des ministres, Emmanuel Macron s'est adresseaux agriculteurs par vidéo. Mardi, la guerre en Ukraine l'a encore occupé, avec un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine, alors que les négociations russo-ukrainiennes en Turquie semblaient progresser.
D'autres, notamment à gauche comme Jean-Luc Mélenchon (LFI), Anne Hidalgo (PS) ou Yannick Jadot (EELV), ont fait l'impasse, se faisant d'ailleurs fortement huer quand le speaker a annoncé qu'ils avaient décliné l'invitation.
Des circuits courts au retrait des accords de libre-échange, en passant par la suppression totale des pesticides, les 12 candidats à l'Elysée fourmillent d'idées pour prêter main forte à une agriculture frappée par la flambée des coûts de production et des matières premières agricoles provoquée par la guerre en Ukraine.
D'autant que la profession subit un lent déclin. La France métropolitaine compte 389.000 exploitations agricoles, selon les résultats provisoires du recensement agricole 2020. C'est 100.000 de moins qu'en 2010 et quatre fois moins qu'en 1970. Et près d'un ménage agricole sur cinq vit sous le seuil de pauvreté (18 %, contre 15 % de la population française), selon l'Insee.
"Souveraineté"
"Mener les transitions (écologiques) est nécessaire mais ça ne doit pas nous faire perdre de vue notre mission nourricière", a déclaré Emmanuel Macron. "On a longtemps opposé agriculture et écologie, mais je crois à cette réconciliation des agendas", a-t-il ajouté, en disant vouloir "amplifier ce que nous avons mis en place".
Le président-candidat, pris mercredi par un Conseil de défense suivi d'un Conseil des ministres -avant un nouveau déplacement de campagne jeudi en Charente-Maritime- s'est adressé au meeting par visioconférence dans un message enregistré mardi à son QG de campagne.
Pour sa part, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen, en deuxième place dans les sondages d'intentions de vote du premier tour derrière M. Macron, a lancé: "Mon projet : c'est la souveraineté de notre pays". La candidate s'est montrée à l'offensive contre les "billevesées des écolos" ou encore la Commission européenne et l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) "qui entravent toute réaction efficace à la crise en cours". Elle a également condamné les "agressions et dégradations intolérables" contre les agriculteurs mais s'est faite huer quand elle a indiqué vouloir créer un statut de l'animal.
Quand Mme Pécresse jugeait le projet européen +Farm 2 fork+ -- "De la ferme à la fourchette" qui vise une stratégie verte adaptée à l'agriculture --, "une pure folie au moment du réchauffement climatique, où l'on risque d'avoir des famines", Eric Zemmour, lui, insistait sur le mode de vie "malmené" des agriculteurs par "l'arrogance parisienne et l'idéologie européenne".
"Franchouillard"
Jouant de l'absence de ses rivaux à gauche, qu'il n'a pas manqué de souligner, le communiste Fabien Roussel a été copieusement applaudi se montrant à l'aise, blagueur et suscitant les rires d'un auditoire traditionnellement plutôt à droite de l'échiquier. "Il est bon lui !", a lancé un agriculteur en applaudissant, quand le communiste a parlé de nationaliser une banque pour aider les jeunes agriculteurs à obtenir des prêts pour s'installer.
"Manger de la bonne viande, élevée en France, c'est essentiel et important. Il faut défendre le produire français, la qualité des produits français, ce n'est pas être franchouillard", a encore affirmé M. Roussel. "Ceux qui ne veulent pas manger de viande, je les respecte tellement, mais qu'ils n'imposent pas leur modèle de société".
Quant à l'iconoclaste Jean Lassalle, il était en terrain conquis chez ses "frangins". "Les agriculteurs ne sont pas les ennemis, ce ne sont pas eux qui polluent, et au moins ils ne mentent pas comme nous les politiques", a-t-il dit.
Selon la présidente de la FNSEA Christiane Lambert, le candidat écologiste Yannick Jadot aurait accepté l'invitation avant de se raviser. Il se rendait mercredi à Margny-sur-Matz (Oise) sur le thème de la ruralité, dont les maires ont été très sollicités par les candidats pour obtenir les 500 parrainages et veulent faire entendre leurs revendications dans la campagne.
Selon un sondage Ifop commandé par le syndicat et publié mardi, le président sortant Emmanuel Macron rassemble à ce stade 30 % des intentions de vote des agriculteurs, suivi par Valérie Pécresse (13 %), Éric Zemmour (12 %) et Marine Le Pen (11 %).
De son côté, La France insoumise, dont le candidat Jean-Luc Mélenchon est le mieux placé à gauche, s'efforce de mobiliser les électeurs, avec un meeting sur le thème de "l'union des quartiers populaires" organisé à Saint-Denis, en banlieue parisienne.
"Nous sentons toujours les soubresauts de la crise sanitaire, et une crise s'additionne désormais à l'autre", selon la présidente du Caf et de la FNSEA, Christiane Lambert. "On pensait que la sécurité alimentaire n'était plus un sujet (...) mais il faut un changement de paradigme fort et un retour en force de la souveraineté alimentaire comme élément majeur des politiques", a-t-elle plaidé.
La plupart des candidats défendent cet objectif, qui recouvre des acceptions différentes selon leur couleur politique et s'est imposé dans le débat public ces dernières semaines.
Fabien Roussel
Marine Le Pen
Éric Zemmour
Jean Lassalle
Selon un sondage Ifop commandé par le syndicat et publié mardi, le président sortant Emmanuel Macron rassemble à ce stade 30% des intentions de vote des agriculteurs, suivi par Valérie Pécresse (13%), Éric Zemmour (12%) et Marine Le Pen (11%).
Dans la dernière ligne droite de cette campagne décidément atypique, l'attention allait crescendo dans l'affaire "McKinsey", du nom du cabinet de conseil américain sous le feu des projecteurs depuis la parution d'un rapport du Sénat soulignant les nombreuses prestations commandées par l'Etat à McKinsey et d'autres cabinets de conseil pour plus d'un milliard d'euros en 2021.
Le sujet est politiquement sensible pour l'exécutif et, surtout, le président sortant, qui s'en était défendu lundi.
Interrogé à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a jugé normal de s'interroger à ce sujet et renvoyé à une conférence de presse dans la soirée des ministres des Comptes Publics Olivier Dussopt et de la Fonction publique Amélie de Montchalin.
L'affaire intervient au moment où l'écart se resserre dans les sondages entre Emmanuel Macron et ses poursuivants immédiats, même s'il reste largement en tête, et alors que le pouvoir d'achat et donc le porte-monnaie est dans tous les esprits.