Ce Forum Climat est une première en France : il y est à la fois question de la résilience ferroviaire face au dérèglement climatique, mais aussi de la contribution à la transition écologique et énergétique.
L’initiative de SNCF Réseau se base sur un constat évident : l’opposition d’une part entre l’importance du train pour agir face au dérèglement climatique et les effets contraignants de ce dernier sur le réseau d’autre part. En réunissant les acteurs de l’ensemble de la filière ferroviaire, SNCF Réseau veut les mobiliser sur ces nouveaux enjeux et partager une vision commune de l’adaptation de l’infrastructure et ses composants au changement climatique.
”Nous avons la conviction que SNCF peut être une des solutions aux enjeux climatiques : 30% des émissions de gaz à effet de serre en Bourgogne Franche-Comté sont liés au secteur des transports et c’est le domaine dans lequel le progrès en matière de diminution d’émissions de gaz à effet de serre ont été les plus faibles”, a déclaré Matthieu Chabanel, président directeur général de SNCF Réseau.
Les réseau ferroviaire déjà impacté par le climat… et ce n’est que le début
Le changement climatique conduit à la fois à une dérive des tendances moyennes (élévation des températures par exemple) et à des phénomènes intenses et/ou plus fréquents. Autant d’effets susceptibles d’avoir un impact sur les composants du système ferroviaire.
Si SNCF Réseau a identifié une quinzaine d’événements climatiques redoutés, l’étude nationale réalisée à sa demande par SETEC et portant sur l’ensemble du réseau ferré a permis de relever cinq aléas majeurs à la fois présents sur une large partie du territoire métropolitain :
- Les fortes chaleurs
- Les feux de végétation
- Les inondations par débordement de cours d’eau
- Les inondations par ruissellement
- Les retraits et gonflements des argiles (risque lié à la déformation des sols)
Outre ces cinq aléas majeurs, deux risques très impactants ont également été identifiés :
- l’élévation du niveau de la mer, qui met en risque les ouvrages en terre.
- Les vents et tempêtes, qui affectent la qualité de service.
"Les infrastructures ne seront pas adaptées, certains ponts ne pourront pas tenir, les rails non plus” - Benjamin Pohl, climatologue
Lors de son intervention en début de forum, le climatologue et directeur de recherche au CNRS, Benjamin Pohl, a dressé un constat accablant sur l’évolution des températures et des conséquences du dérèglement climatiques de ces dernières années, y compris en Bourgogne Franche-Comté, mais aussi à projeter l’assemblée dans 25 ans, 100 ans, 500 ans grâce à des modèles ultra complexes. ”L’activité humaine est responsable du changement climatique”, a rappelé l’expert, en précisant que depuis le début de l’ère industriel (début du XIXe siècle, recours aux énergies fossiles), la température sur Terre a augmenté en moyenne de 1,5°C. ”Cette température que l’on voit aujourd’hui, elle ne s’est pas vue depuis 110.000 ans et celle que l’on verra en 2100, si on continue comme ça, on pense qu’on pourra atteindre des températures qu’on aura pas vu depuis 5 millions d’années et en 2300, ce seront des températures qu’on aura pas vu depuis 30 millions d’années, c’est-à-dire à une époque où la vie sur Terre ne correspond pas du tout à celle que l’on connaît aujourd’hui, où les mammifères que nous sommes n’étaient pas les maîtres du monde.”
Même sans se projeter aussi loin dans le temps, en Bourgogne Franche-Comté, le record de température en 2050 est estimé à 55,3°C (au lieu d’une quarantaine de degré aujourd’hui). Or, ”les infrastructures ne sont pas adaptées, certains ponts ne pourront pas tenir, les rails non plus”, a déclaré Benjamin Pohl. Sans oublier de préciser que l’environnement de ces infrastructures les impacteront également, comme ce fut le cas dans la côte de Morre à Besançon le 13 décembre 2023 où un éboulement a perturbé la circulation des voitures et camions, mais aussi celle des trains. Ce genre d’évènement lié à la sécheresse ou aux fortes précipitations sera de plus en plus fréquent partout en France si aucun effort supplémentaire n’est concrétisé ces prochaines années.
De la connaissance à l’action : la démarche stratégique d’adaptation de SNCF Réseau
Gestionnaire d’un réseau nativement exposé aux saisons et aux intempéries, SNCF Réseau a d’ores et déjà commencé à adapter ses pratiques. Pour autant, face à l’instabilité climatique croissante, ”il convient de passer d’une logique d’adaptation ‘réactive’ à une logique d’anticipation pour conserver un haut niveau de performance et minimiser l’impact des événements météorologiques sur la qualité de service”, selon SNCF Réseau.
Ainsi, une stratégie d’adaptation du réseau est fondée sur trois axes :
- L’adaptation de l’entretien et la surveillance : SNCF Réseau multiplie les actions visant à préparer les installations aux risques climatiques tout en développant des solutions innovantes pour mieux les identifier. Cela se traduit, par exemple, avec la peinture en blanc des éléments de signalisation qui permet de gagner jusqu’à 5°C à l’intérieur du local ou encore par le développement d’outils numériques permettant de cibler au mieux les interventions humaines juste nécessaires pour assurer la sécurité des circulations lors des épisodes de tempêtes.
- L’adaptation des actifs : acteur principal du renouvellement du réseau ferroviaire, SNCF Réseau saisit cette occasion pour introduire des composants plus résilients conçus en partenariat avec les fournisseurs industriels. À titre d’exemple, c’est le cas de la C2SR : la Caténaire Simple, Renforcée, Régularisée. Vraisemblablement plus résistante, plus légère et plus résiliente aux fortes températures, elle est aujourd’hui déployée sur un site pilote et envisagée pour des régénérations complètes de caténaires 1500V.
- L’adaptation de l’exploitation et des fonctionnalités du réseau : l’exploitation du réseau évolue pour s’adapter à la fois à la demande et aux conditions climatiques. Ces changements impliquent des mesures de gestion de crise (limitation de la vitesse des trains par exemple).
Le ferroviaire, une solution pour diminuer l’empreinte carbone humaine
Accueilli à bras ouverts par Anne Vignot, ce premier Forum Climat de SNCF Réseau a démontré que le ferroviaire pouvait faire partie des solutions pour l’avenir des transports et la diminution de l’empreinte carbone. ”C’est important que les transports en commun et SNCF accompagnent les territoires dans une alternative à la voiture”, a souligné la maire de Besançon, ”nous avons besoin de la SNCF, nous avons besoin d’un rattrapage et SNCF est notre atout majeur”. Et d’ajouter : ”nous avons besoin d’investissements plus lourds, nous avons besoin d’offrir une alternative à nos habitants, il ne s’agit de leur dire ce qu’il faut faire et qu’il n’ait rien pour le faire.”
En conclusion de son intervention, Benjamin Pohl a affirmé que ”le ferroviaire, qui a une empreinte carbone vraiment très faible, n’est peut-être pas une solution unique, mais d’une manière certaine, ça peut très fortement contribuer à réduire notre empreinte carbone.”
Reste à savoir à quel prix pour les usagers. Si aujourd’hui, le président directeur général de SNCF Réseau affirme que ”les trains sont pleins”, nombreux sont encore les Françaises et les Français à ne pas avoir les moyens d’en profiter.
Premier consommateur d’électricité de France veut devenir producteur d’énergie
Le groupe SNCF est le premier consommateur d’électricité en France. Pour répondre aux enjeux en matière d’énergie et prendre sa part des objectifs de la France en matière de réduction de CO2, la filiale ‘SNCF Renouvelables’ a été créée en juillet 2023, afin de produire sa propre énergie renouvelable.
Le groupe SNCF affirme poursuivre sa ”stratégie en faveur d’une électricité décarbonnée, durable et à coût maîtrisé”. Avec cette filiale, il se prépare à devenir un producteur d’énergie solaire pour couvrir ”15 à 30% de la consommation d’électricité de l’entreprise à horizon 2030 grâce à la construction de centrales solaires sur ses emprises”. Cette initiative ”répond à l’ambition d’accélérer sa trajectoire de décarbonation en réduisant de 30% ses émissions de CO2 d’ici 2030 pour les activités de transport et de 50% pour les activités immobilières (par rapport à 2015) tout en améliorant la maîtrise des coûts en termes d’énergie”, selon le groupe.