À l’hiver 2009, les pêcheurs francs-comtois sont les premiers témoins de phénomènes inquiétants : la Loue présente alors une surmortalité anormale de poissons ainsi que la présence d’algues envahissant ses eaux. Après expertise, il s’avère que la qualité de l'eau de la Loue est loin d’être optimale. En effet, il s’avère que la rivière présente, dès la source, des surcharges en phosphore et en azote à l’origine de la prolifération des algues. Quant à la provenance des substances, les rejets polluants des fermes, fromageries et industries alentours sont pointés du doigt. Manon Silvant, responsable communication du collectif SOS Loue et rivières comtoises luttant pour la préservation des rivières du Doubs, attire également l’attention sur les dysfonctionnements de certaines stations d’épurations dans le Doubs, notamment celles d’Ornans et de Pontarlier, pour être en partie à l’origine de la qualité insuffisante de l’eau. Circonstances aggravantes en ce moment : la sécheresse : "C’est mathématique. Quand il y a moins d'eau, les eaux usées se diluent moins dans les eaux des rivières et donc la concentration en polluants est plus élevée. En trop grande quantité, leur présence devient problématique", explique-t-elle.
"Il y a une vraie amnésie écologique générale"
Quant à la surmortalité des poissons, "les métaux lourds, certains résidus médicamenteux, les pesticides de type insecticides ou herbicides vont, selon leur nocivité propre et leur concentration dans l’environnement, provoquer une mortalité directe de la faune et surtout de la microfaune. (…). Ces pollutions chroniques sont moins visibles et apparaissent au grand jour lorsque des seuils de tolérance de la rivière sont dépassés et/ou que d’autres pollutions surviennent dans le même temps", précise le collectif SOS Loue sur son site. À ceux qui penseraient qu’apercevoir un poisson dans la Loue est signe de bonne santé de la rivière, Manon rafraichit les mémoires : "Il y a une vraie amnésie écologique générale : on s’habitue à ne voir que quelques poissons en concluant que tout va bien alors qu’il devrait y en avoir des centaines". En témoignent les pêches électriques effectuées par les fédérations de pêche, toujours plus catastrophiques d’une année sur l’autre : là où, dans une rivière comtoise bon état, on devrait trouver 400 kilos de poissons à l'hectare, les relevés effectués ne dépassent pas les 50 kilos aujourd’hui.
Des bactéries dangereuses pour l'Homme et les chiens
Pour ces raisons, Manon Silvant se garde d'encourager la baignade dans la Loue et ce à plusieurs titres. D’abord pour la santé humaine : les mauvaises bactéries qui se développent dans l'eau libèrent des toxines qui peuvent être nocives pour les animaux et les hommes. "Bien sûr, c’est toujours une question de quantité. Or, à certains endroits, les concentrations peuvent être très importantes, donc aujourd’hui on a plus de chance d’être en contact avec des polluants", précise-t-elle. Secundo, pour la santé de l’eau : pour ne pas contribuer à détériorer encore davantage la rivière, haro sur les barrages en pierres pour faire des cuvettes et la crème solaire. "Le problème ce n’est pas les individus, c’est leur nombre. La surfréquentation tue la biodiversité.", se désole Manon Silvant.
Le collectif SOS Loue et rivières comtoises continue de se mobiliser pour médiatiser les problèmes et interpeller les pouvoirs publics.
Et l'ARS, elle en pense quoi ?
Nous avons posé la question à un professionnel de santé de l'Agence Régionale de Santé, qui réalise le contrôle sanitaire de l’eau de baignade des sites déclarés. 84 sites de baignades font l’objet d’un contrôle sanitaire - complété par des recherches de cyanobactéries- en Bourgogne-Franche-Comté, dont 5 sont situés sur la Loue, dans le Jura. Sur certains sites, "certaines espèces de micro-algues peuvent produire et libérer des toxines à l’origine de risques sanitaires pour les baigneurs, les usagers d’activités nautiques ou les consommateurs des produits de la pêche. Les effets les plus fréquents actuellement connus font suite à des contacts (irritation de la peau, du nez, de la gorge et des yeux) ou à une ingestion (maux de ventre, diarrhées, nausées, vomissements). (...) Les derniers résultats d’analyse du 26 juillet (prélèvements du 24 juillet) du contrôle sanitaire mettent en évidence la présence de cyanobactéries à des concentrations élevées et la présence de toxines au-dessus de la limite de qualité pour les sites de Port Lesney, Champagne sur Loue, Ounans et Parcey. Par ailleurs, les résultats mettent en évidence des non conformités microbiologiques sur les sites de Port Lesney et Belmont. Par conséquent, la baignade et les activités nautiques sont interdites."