Compteurs « ?explosés? », « ?ambiance plombée? », suspensions de séance à répétition et ministre manifestement agacé… Le débat sur le plan de relance a dérapé au Sénat, s'enlisant dans une grande confusion, tout à fait inhabituelle à la Chambre haute. Les sénateurs ont voté à main levée, dans la nuit de jeudi à vendredi, les crédits de la mission « ?Plan de relance? », mais sans avoir été au bout de la discussion. Il leur restera encore à examiner, samedi, les articles rattachés, avec une quarantaine d'amendements. « ?C'est parti en vrille? », a commenté un sénateur LR dépité auprès de l'Agence France-Presse, à l'issue de la séance tandis que le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, évoquait dans un tweet un texte « ?dénaturé? ». Les députés pourront cependant détricoter les modifications adoptées par les sénateurs.
Le malaise est parti du vote surprise dans l'après-midi d'un amendement du socialiste Victorin Lurel octroyant 2,5 milliards d'euros pour un nouveau programme « ?Plan pour l'égalité réelle en outre-mer? ». La somme serait ponctionnée sur des crédits normalement affectés à la rénovation énergétique et au développement du numérique. Cet amendement a « ?fait exploser tous les compteurs? », a commenté le président PS de la commission des Finances, Claude Raynal, pointant du doigt un problème « ?d'équilibre budgétaire? » avec d'autres amendements insuffisamment gagés.
Conciliabules
Suspensions de séance, conciliabules : les sénateurs ont finalement repris le fil de la discussion, en complétant le disp'ositif actuel du fonds de solidarité afin de tenir compte des coûts fixes des travailleurs indépendants et des très petites entreprises. Ils avaient au préalable ajouté une prime à l'embauche (4 000 euros maximum), de février à juillet 2021, pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui serait bonifiée pour le recrutement de jeunes en sortie de formation initiale ou de travailleurs en situation de handicap. Pour les ménages, les sénateurs ont augmenté de 500 millions d'euros le budget de la prime à la conversion pour l'achat de véhicules plus propres.
En début de soirée, les débats ont à nouveau dérapé, avec des votes plus ou moins inattendus entrecoupés de suspensions de séance. La sénatrice centriste de Polynésie Lana Tetuanui a fait voter un amendement pour abonder à hauteur de 250 millions d'euros un nouveau programme « ?plan de relance pour la Polynésie française? », pris sur le programme Écologie. Quatre cents millions d'euros ont été ponctionnés sur ce même programme pour alimenter la prise en charge par l'État de « ?chèques-restaurant? » à destination des ménages les plus modestes.
« Ambiance plombée »
Dans le groupe écologiste, Sophie Taillé-Polian a fini par s'alarmer de voir le programme Écologie « ?tellement amputé? ». Le porte-parole du groupe RDPI à majorité LREM, Julien Bargeton, a, lui, demandé de faire les comptes pour tenter d'y voir clair, alors que le rapporteur Jean-François Husson (LR) déplorait « ?une ambiance plombée? ». Pour le socialiste Rémi Féraud, la confusion des débats « ?démontre que le plan de relance du gouvernement est insuffisant, lacunaire? ».
Le plan de relance est censé permettre à l'économie française, brutalement mise à l'arrêt par la crise du Covid-19, de rebondir. Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance prévu pour deux ans, l'État doit en porter 86 milliards, dont 66 milliards de crédits budgétaires et 20 milliards de mesures fiscales par la baisse des impôts de production, votée en première partie du projet de loi de finances 2021. Sur ces 66 milliards d'euros, la mission « ?Plan de relance? » financera 36,4 milliards, dont 22 milliards décaissés dès 2021.
(Source AFP)