Patrick Brangeat, un homme engagé dans la lutte des Lip

GRAND FORMAT • Lancé en juin 1973, le conflit Lip a marqué les esprits et notamment celui de Patrick Brangeat qui s’est engagé comme militant pour la cause des salariés. Employé dans une entreprise à proximité, Lip représentait déjà beaucoup pour lui, car sa mère avait été employée de l’usine. À 78 ans, il a depuis, rassemblé de nombreux ouvrages sur le sujet et gardé quelques objets de l’époque… Rencontre.

Screenshot © Hélène Loget

LIP. Plus qu’une usine, la société a été le symbole d’une grève sans précédent. Une grève ou les employés ont dit non au patronat en apprenant le dépôt de bilan. Cette dernière s'est amplifiée lorsqu’ils ont découvert un plan massif de licenciements concernant près de 500 personnes. S’en est suivi une séquestration de deux administrateurs du gouvernement par les employés et le début de ventes sauvages de montres avec le slogan : "c’est possible, on fabrique, on vend, on se paie".

À cette époque, Patrick Brangeat est chef comptable d’une TPE située à 200 mètres de l’usine LIP. En voyage en Irlande, il découvre le conflit LIP à la télévision. Il décide alors de revenir à Besançon et s’engage dans le conflit.

Le 14 août 1973, jour d’affrontement avec les CRS

Malgré les négociations entamées le 11 août entre le syndicat, le comité d’action et le médiateur Henry Giraud, les CRS sont envoyés trois jours après pour entrer dans l’usine et chasser les ouvriers qui l’occupent.

Un jour que Patrick Brangeat n’oubliera pas. Parti avec un appareil photo pour couvrir le conflit, il a été blessé : "j’ai été le premier matraqué. Les flics venaient et bousculaient les Lip, mais moi, on est venu me casser mon appareil et on m’a frappé au visage. Je me laisse pousser la barbe depuis", explique-t-il en montrant une écharpe estampillée "LIP" qui lui a été donné par les employés lors de l’affrontement : "Bon, le sang n’est plus dessus quand même" lance-t-il avec ironie.

Des ouvrages en nombre

En plus de son écharpe, Patrick Brangeat a gardé quelques souvenirs de l’époque comme un cendrier LIP, une boite d’allumettes ou encore l’emballage d'une montre où l’on peut lire : "Pour votre montre, le plus sûr garant de qualité, c’est l’œil de votre horloger-bijoutier". Il a également conservé sa première montre, celle de sa communion, une Lip bien sûr.

© Hélène Loget

Un seul hic. Patrick Brangeat nous avoue avoir acquis par sa mère "une montre gravée le 100e jour de lutte". Une montre unique que le militant a caché au fil des années et qu'il n'a jamais retrouvé : "j’avais peur de me faire voler, j’allais partout avec et un jour, je ne me suis plus rappelé ou je l’avais dissimulée", explique-t-il.

© Hélène Loget

Au fil du temps, Patrick a également collectionné de nombreux ouvrages et recommande de lire "LIP, des heures à conter"(Ed. Glénat) : "J’ai appris des choses sur LIP que je ne savais pas".

© Hélène Loget

Enfin, le 19 septembre 1973 communément appelé la "marche des 100.000" (grande marche nationale à Besançon) reste un jour marquant pour le militant : "Vous vous rendez-vous compte tout ce monde sous une pluie battante. Les premiers étaient sur le pont Battant alors qu’à Planoise, ça n’avait pas encore démarré", souligne Patrick.

© D/R collection de P.B

La société LIP n’aura pas dit son dernier mot, elle sera reprise en mars 1974 par Claude Neuschwander, patron de la compagnie européenne d’horlogerie. Après deux ans d’activité, il déposera finalement le bilan et Lip sera définitivement liquidée en septembre 1977.

L’aventure se poursuivra en novembre 77 où Lip deviendra une SCOP avec la création de six coopératives, dont les Industries de Palente puis une SARL en 83 avant d’être rachetée en 86 par la Société mortuacienne d’horlogerie. Elle déménagera plusieurs fois et reviendra à Besançon en 2015.

Si Lip existe toujours, la société "n’a plus rien à voir avec celle de l’époque", pour Patrick Brangeat.

Quitter la version mobile