C’est suite à un dépôt de plainte d’Emmaus France pour signaler un potentiel détournement de Fonds par le président d’Emmaus Ornans que l’enquête préliminaire a démarré et a été menée par la cellule de lutte contre le travail illégal et les fraudes (CELTIF).
Plusieurs faits ont en effet alerté l’antenne nationale de l’association : la non tenue du conseil d’administration d’Ornans qui ne s’était pas réuni depuis plusieurs années, le comptable de l’association qui ne parvenait pas à obtenir des justificatifs demandés au président et enfin les salaires qui n'étaient plus assurés par l’association ornanaise du fait de comptes bancaires vides.
Ouverte au 13 septembre 2023, l’enquête préliminaire diligentée par le groupement de gendarmerie "dans un délai record" a précisé le procureur a été bouclée ce 18 octobre 2023.
460.000€ de fonds détournés
Les enquêteurs ont été réactifs et ont pu identifier que "300 virements avaient été effectués du compte d’Emmaüs Ornans vers un compte ouvert dans une banque en ligne en Allemagne et ont pu identifier que ce compte était au nom du président d’Emmaüs Ornans" Le total des détournements s’élève à 460.000€.
L’homme avait commencé comme bénévole de l’association en 2018 et "s’est très rapidement fait remarquer pour son investissement. L’homme s’est présenté comme dirigeant d’une entreprise et a mis en avant son réseau relationnel qu’il pouvait mettre au service de l’association. Il a ainsi été élu président de l’association en 2019 et les enquêteurs ont mis en évidence que les virements avaient commencé à compter de 2020.
Démis de ses fonctions le 13 septembre 2023 "jusqu’au bout du bout, il a prélevé des fonds au préjudice de l’association" puisqu’un dernier virement a été observé ce même jour par les enquêteurs. Il a été placé en garde à vue lundi 16 octobre dans la matinée pendant 48h. Ces 48 heures ont permis aux enquêteurs de "l’entendre sur la totalité des faits et entendre son environnement proche pour comprendre où étaient passés les fonds". Il a rapidement admis les faits et a reconnu la totalité des abus de confiance, c’est-à-dire "le fait de détourner des fonds dont il avait la libre jouissance en sa qualité de président de l’association mais qu’il devait utiliser dans l’intérêt de l’association et qu’il a finalement détourné à des fins personnelles".
Un voyage à Las Vegas et de nombreux biens matériels
L’homme n’ayant que très peu de biens patrimoniaux à son nom, "aucun bien immobilier, deux véhicules mais des véhicules assez anciens " a détaillé le procureur, il semblerait que "la grande partie des 460.000 € ait servi à financer un train de vie quotidien très élevé" dont un "voyage au mois d'août aux états unis avec des chambres très onéreuses à Las Vegas et de nombreux objets matériels" qui ont depuis été saisis.
Le procureur a précisé que normalement dans ce type d’enquête, l’objectif des enquêteurs est "de procéder à des saisies patrimoniales qui correspondent a minima au montant des sommes détournées. Ça a été compliqué dans ce dossier puisque les fonds ont été dissimulés dans ce train de vie quotidien". Les deux véhicules Porsche et DS3 ont été saisis et ont désormais basculé dans le patrimoine général de l’État. De "très nombreux biens matériels ont été saisis : montres, bijoux, vêtements, chaussures de luxe, électroménager, iPhones, Ipad etc autant d’objets acquis avec les fonds de l’association. Une partie de ces objets ont été confisqués et ceux laissés à "la libre jouissance de l’épouse et d’une compagne ont été appréhendés et vont être remis à l’association Emmaüs, la principale victime des faits".
Une femme, une maitresse et de royalties imaginaires
Deux femmes ont été placées en garde à vue en même temps que lui. La première est "son épouse, couple marié depuis 32 ans qui habitent Franois, parents de trois enfants majeurs et qui a affirmé découvrir tout cela". Elle a expliqué aux enquêteurs que son mari avait créé une société de service informatique qui a été liquidée en 2012. Le bien immobilier du couple avait alors été saisi et vendu pour éponger les dettes "ce qui fait que le couple vit aujourd’hui dans une maison qui est en location et madame continue, sur son salaire, de payer une traite de 170€ mensuel pour éponger les dettes liées à la liquidation de la société".
Elle a pour autant affirmé ignorer que les fonds utilisés provenaient d’abus de confiance aggravé. Selon elle, "son mari lui avait présenté qu’il était l’auteur de brevets notamment vendus à Kéolis pour faire circuler des trams et que cela générait pour lui des royalties de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros lui permettant de financer son train de vie".
La deuxième femme placée en garde à vue est la maitresse de l’individu qui menait une double vie depuis fin 2022. "Une femme de douze ans de moins que lui et avec laquelle il est allé aux États-Unis, des restaurants connus de la région" et chez qui les inspecteurs ont également retrouvé du matériel acheté avec les fonds détournés. Là aussi, cette femme a fait savoir sa sidération aux enquêteurs lorsqu’elle "a découvert d’une part que monsieur avait une épouse car il s’était présenté comme étant veuf" et que l’homme avait justifié ses revenus auprès d’elle une fois encore grâce à "des revenus obtenus de brevets qu’il avait dans le Li-Fi, le fait de faire passer du wifi par l’énergie électrique".
Aux États-Unis pour rencontrer Elon Musk au profit d’Emmaus
Selon Étienne Manteaux, les deux femmes ont été victimes d’un "mythomane" car "on voit au travers des récits de ces deux femmes la capacité de cet homme à raconter des histoires et à se montrer crédible". Des talents qu’il a également fait valoir sur les membres de l’association Emmaus Ornans auprès de qui il a présenté son voyage aux États-Unis "pour rencontrer Elon Musk au profit de l’association et il a été cru par les membres d’Emmaus". Alors qu’il allait en réalité tout simplement "passé un voyage d’agrément en compagnie de sa maîtresse" a révélé le procureur.
Les deux femmes vont donc faire l’objet "d’alternatives aux poursuites pour saisies des biens qui leur ont été offerts par cet homme mais des poursuites pénales ne seront pas engagées les concernant".
Le procureur de la République a cité le nom du protagoniste incriminé, monsieur Marc Bianchoni, "je cite rarement le nom de prévenu mais là ça me semble utile de le faire parce que sa société a été liquidée en 2012 et il n’a pas travaillé depuis. Or depuis 2012, il a manifestement eu un train de vie bien supérieur à celui que lui permettait d’avoir un couple vivant du seul salaire de madame". Pour Étienne Manteaux il y a donc, "fort à craindre que d’autres personnes aient souffert d’abus de confiance ou d’escroquerie de Marc Bianconi". D'autres victimes pourraient alors ne pas encore être connues de la justice, "je me questionne sur cet homme qui n'a aucune ressource légale depuis 2012 et qui manifestement a eu d’autres maitresses tout cela à l’insu complet de madame".
Une enquête ficelée en 1 mois
L’homme a été condamné ce lundi 18 octobre "dans le cadre d’une CRPC, ce que l’on appelle un plaidé-coupable" à une peine de trois ans de prison dont deux avec sursis. À ce jour il n’est pas placé en détention mais a l’obligation d’indemniser Emmaüs sous peine d’effectuer deux ans de prison. Il devra également effectuer 240 heures de travail d’intérêt général au profit d’une collectivité du secteur et a interdiction de gérer une société pendant dix ans.
"C’est un défi hors du commun d’être parvenu à traiter ce dossier et à faire en sortie qu’il soit en état d’être jugé quasiment un mois après le dépôt de plainte" a souligné Étienne Manteaux qui n’a pas manqué de féliciter "le remarquable travail" des gendarmes de la CELTIF.