Mardi également, députés et sénateurs se réuniront en commission mixte paritaire pour tenter de trouver un compromis sur le premier volet du triptyque législatif du gouvernement sur l'énergie, le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables.
Après ces deux textes techniques portés à bout de bras par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, est attendu, au mieux en juin, le projet de loi de programmation énergétique qui doit fixer les trajectoires de la France dans chaque énergie. Un calendrier contesté par les parlementaires, qui reprochent au gouvernement de légiférer dans le désordre.
Le texte qui doit être voté mardi simplifie les procédures administratives afin de favoriser la construction de nouveaux réacteurs. Il sera examiné par l'Assemblée nationale à son tour en mars, et doit permettre de concrétiser la relance d'une politique nucléaire "ambitieuse et durable" amorcée par Emmanuel Macron. Un objectif partagé par la quasi-totalité des sénateurs, à l'exception des écologistes pour qui "ce nouveau nucléaire va à contresens de l'histoire".
Outre Les Républicains et les centristes, les groupes RDPI à majorité Renaissance, RDSE à majorité radicale et Indépendants ont d'ores et déjà annoncé qu'ils voteraient le texte. Le groupe CRCE à majorité communiste s'abstiendra. Les socialistes doivent encore déterminer leur position, hostiles à la portée politique donnée par la droite sénatoriale.
"On ne perd pas de temps"
Le président de la République a annoncé son intention de construire six nouveaux réacteurs, avec une option pour huit autres. Le projet de loi est borné à des installations nouvelles situées sur des sites nucléaires existants, ou à proximité. Cela pour une durée limitée à 15 ans dans le texte initial, portée à 27 ans par le Sénat.
Concrètement, les sites seront dispensés d'autorisation d'urbanisme car le contrôle de conformité sera assuré par l'Etat. Le droit d'expropriation sera assoupli. Ou encore les travaux sur les bâtiments non destinés à recevoir des substances radioactives pourront être engagés avant clôture de l'enquête publique. "En gros, on ne perd pas de temps", a résumé la ministre de la Transition énergétique, précisant que ces dispositions permettront "de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d'un réacteur".
Les deux prochains EPR devraient être implantés à Penly (Seine-Maritime), suivis de deux autres à Gravelines (Nord), selon les plans d'EDF. Mme Pannier-Runacher a avancé l'objectif de 2027 -"plutôt fin 2027"- pour "la première coulée de béton" et "2035-2037" pour la mise en service.
"Verrous"
Les sénateurs ont élargi la portée de ce texte technique, en faisant sauter des "verrous" de l'actuelle loi de programmation des énergies. Ils ont notamment supprimé l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici à 2035 et imposé la révision du décret qui prévoit la fermeture de 12 réacteurs existants, en plus des deux de Fessenheim.
Des dispositions qui pourront être revues dans la suite de la navette parlementaire, mais qui ont suscité de vives réactions.
L'organisation Greenpeace France a jugé ces amendements "scandaleux", et accusé le Sénat de "saboter le débat démocratique". Pour les organisateurs du débat public en cours sur de futurs réacteurs, cela revient à considérer ce débat "comme sans intérêt".
Les sénateurs ont, en outre, adopté une série d'amendements sur "deux axes majeurs : simplifier et sécuriser". Il s'agit en particulier d'intégrer les risques liés au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, et la cyber-résilience dans leur protection contre les actes de malveillance.
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La France, qui tire du nucléaire environ 70% de son électricité, avait décidé en 2015 la fermeture de 14 de ses 58 réacteurs, avant un revirement annoncé par le président de la République en faveur d'un nouveau nucléaire.