Rien n'a pu arrêter la folle ascension des cours de l'or noir, pas même l'annonce, par l'Agence internationale de l'énergie, de la mise sur le marché de 60 millions de barils tirés des réserves de ses pays membres, pour tenter de stabiliser le marché. La décision a été présentée par l'Agence comme "un message uni et fort aux marchés pétroliers mondiaux sur le fait qu'il n'y aura pas de pénurie d'offre résultant de l'invasion russe en Ukraine".
"Tant que la situation s'intensifie en Ukraine, les prix vont continuer à grimper, parce que cela augmente la probabilité que les exportations russes seront sanctionnées et inaccessibles au marché", a commenté John Kilduff, de la firme de conseil en investissement Again Capital.
La Russie est le deuxième plus grand exportateur de pétrole brut au monde et représente plus de 40 % des importations annuelles de gaz naturel de l'Union européenne. "La question des sanctions directes sur les exportations de pétrole et de gaz de la Russie est une question de temps et non de probabilité", a estimé Neil Wilson, analyste pour Markets.com.
Isoler Moscou
Selon plusieurs opérateurs, les exportations de pétrole russe sont déjà sous pression. "Certains des négociants avec qui je traite essayent d'écouler (du pétrole russe) à prix cassés, mais personne n'en veut", a expliqué John Kilduff.
- Le géant britannique des hydrocarbures Shell a annoncé lundi se séparer de ses parts dans plusieurs projets communs avec le groupe russe Gazprom en Russie, en raison de l'invasion russe en Ukraine, suivant l'exemple de son compatriote BP qui se désengage du géant russe Rosneft.
- Le français TotalEnergies a quant à lui annoncé mardi qu'"il n'apportera plus de capital à de nouveaux projets en Russie".
- L'armateur français CMA CGM a annoncé la suspension des nouvelles commandes en provenance et à destination des ports russes, emboîtant le pas à ses principaux concurrents Maersk et MSC.
De quoi engendrer "une perturbation des expéditions en provenance de Russie avec des annulations de réservations de cargaisons", avec pour conséquence une augmentation des prix de l'énergie "à court terme, sans que la Russie ne ferme les robinets", ajoute Mme Streeter.
Les pays occidentaux ont également décidé d'exclure de grandes banques russes de la plateforme interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale. Une proportion considérable du transport de pétrole en mer est ordinairement financée à crédit, et selon un dirigeant d'une compagnie de transport maritime, sous couvert d'anonymat, il devient de plus en plus difficile pour les donneurs d'ordre de trouver un établissement prêteur.
Selon les analystes de JPMorgan, même les banques chinoises ont commencé à se désengager.
Moscou prépare, de son côté, un décret pour tenter d'enrayer l'hémorragie d'investissements étrangers qui a commencé depuis l'annonce des sanctions contre Moscou, selon le Premier ministre Mikhaïl Michoustine. "Les craintes que la Russie ne riposte en utilisant ses exportations d'énergie comme une arme, maintiennent les prix du pétrole et du gaz à un niveau élevé", assure Mme Streeter.
(AFP)