Quelques heures après la mort mardi matin du jeune homme, à la suite d'un contrôle routier dans le chef-lieu des Hauts-de-Seine, des tensions et incidents ont éclaté. Les heurts ont été plus importants encore dans la nuit de mercredi à jeudi en Île de France et dans des villes de province.
Sur le seul ressort de la préfecture de police de Paris (la capitale et les trois départements de la petite couronne), 35 interpellations avaient été effectuées peu avant 2h00 jeudi, contre 31 dans toute la France la nuit précédente. Plutôt calme en début de soirée, la situation s'est ensuite particulièrement tendue à Nanterre, déjà théâtre d'affrontements la nuit précédente.
Plus d'une dizaine de voitures et nombre de poubelles ont été incendiées, et des barrières ont été placées sur la route, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les murs d'un immeuble ont été tagués des mots "Justice pour Nahel" et "Police tue".
"Cela va durer une semaine"
Des violences se sont poursuivis jusqu'en milieu de nuit dans la cité Pablo-Picasso, avec des jets de pavés auxquels les forces de l'ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène.
Le poste de sécurité de l'entrée du domaine de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) a été attaqué au mortier d'artifice, selon une source policière.
Dans le nord-est de Paris, des jeunes ont affronté de manière sporadique les forces de l'ordre pendant plus de 3 heures, a constaté un journaliste de l'AFP.
La police a utilisé des lanceurs de balles de défense (LBD) pour tenter de disperser les manifestants qui bloquaient des rues avec des poubelles incendiées dans les XVIIIe et XIXe arrondissements.
Les jeunes ont répliqué par des jets de bouteilles et des feux d'artifice et la police s'est retrouvée débordée. "Cela va durer une semaine", ont promis deux jeunes, le visage masqué alors qu'ils poussaient des poubelles. "Nous en avons assez d'être traités de la sorte. C'est pour Nahel, nous sommes Nahel", ont-ils lancé.
Devant la porte d'un immeuble voisin, Fatou, une mère qui n'a donné que son prénom, a supplié les autres jeunes de rentrer chez eux, tout en redoutant que tout cela ne soit "probablement qu'un début". La situation de la Seine-Saint-Denis a particulièrement marqué les observateurs, avec de nombreuses exactions commises par des groupes d'émeutiers très mobiles.
Des sources policières ont fait état auprès de l'AFP de feux multiples de voitures et magasins, de pillages, de commissariats attaqués, de mairies dégradées, d'une médiathèque incendiée... Presque toutes les communes du département ont été touchées.
Poubelles incendiées et tirs de fusées d'artifice à Dijon
Dans l'Essonne, un groupe de personnes a détruit par le feu un bus vers 21h00, après avoir fait descendre les passagers à Viry-Châtillon.
Des incidents ont été déplorés également dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine. A Clamart, une rame de tramway a été incendiée.
Des heurts ont aussi éclaté peu après 20h00 au Mirail à Toulouse, où plusieurs véhicules ont été incendiés et des policiers et pompiers ont reçu des projectiles.
Dans des quartiers de Dijon, les autorités ont fait état de containers de poubelles incendiés et de tirs de fusées d'artifice.
A Lyon et dans son agglomération les forces de l'ordre ont été visées par des mortiers d'artifice. A Villeurbanne, un incendie s'est produit dans un immeuble, faisant quatre blessés légers, selon les pompiers. A Vaulx-en-Velin, le commissariat a été pris pour cible.
Des tensions ont été recensées à Roubaix, Amiens et Nice.
Certains incidents, comme à Saint-Etienne, Lille et Rennes, ont eu lieu en marge de rassemblements de soutien aux Soulèvements de la Terre, mouvement écologiste récemment dissous.
"Spirale destructrice"
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé la mobilisation pour la soirée de mercredi de 2.000 policiers et gendarmes à Paris et dans sa petite couronne, 800 de plus que la nuit passée. Les appels au calme ont fusé de toutes parts, et les pouvoirs publics ont multiplié les prises de parole pour prévenir la contagion des violences. Emmanuel Macron a évoqué un acte "inexplicable" et "inexcusable", des mots qui ont été critiqués par l'extrême droite et les syndicats de policiers.
La mère de Nahel a elle appelé dans une vidéo à une marche blanche jeudi à 14h00 devant la préfecture des Hauts-de-Seine, tout près des lieux du tir mortel, en exprimant sa "révolte pour (son) fils". Le drame s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, à la suite d'un refus d'obtempérer.
Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux a montré qu'un des deux policiers intervenus tenait le jeune conducteur en joue, puis qu'il a tiré à bout portant quand la voiture a redémarré. Dans la vidéo, on entend "tu vas te prendre une balle dans la tête", sans que l'on puisse attribuer cette phrase à quelqu'un en particulier. Nahel M. est décédé peu de temps après avoir été atteint au thorax.
Le policier soupçonné du tir mortel, âgé de 38 ans, a été interrogé par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) dans le cadre d'une enquête pour homicide volontaire ouverte par le parquet de Nanterre. Sa garde à vue a été prolongée mercredi, dans "la perspective d'une ouverture d'information judiciaire envisagée" jeudi, selon le parquet.
"Nous prendrons les décisions administratives de suspension si jamais des charges étaient retenues contre lui", a assuré Gérald Darmanin.
L'affaire a relancé la controverse sur l'action des forces de l'ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers.