Le chef de l'État, qui a fait de l'école un des chantiers majeurs de son nouveau quinquennat, avait choisi de se rendre dans un des 59 établissements de Marseille expérimentant cette "école du futur" pour son deuxième déplacement de terrain depuis sa réélection, après un premier consacré à la santé mardi à Cherbourg.
"Notre ambition avec monsieur le ministre, c'est dans les prochains mois de pouvoir généraliser cette approche", qui consiste à mettre des moyens tout en donnant "plus de liberté, aussi pédagogique aux enseignants", a déclaré Emmanuel Macron, au côté de Pap Ndiaye, à l'école Menpenti, située dans un quartier populaire.
C'est une "méthode qu'on va généraliser à partir de l'automne", a ajouté le chef de l'État. "L'école de la République a le droit d'inventer, d'avoir de la souplesse, d'être plus libre", a-t-il insisté.
Emmanuel Macron avait lancé l'idée d'"école du futur" en septembre dernier lorsqu'il avait présenté le plan d'urgence "Marseille en grand", destiné à aider la deuxième ville de France, où le taux de pauvreté dépasse 50 % dans certains quartiers, à rattraper son retard.
"L'école du futur" permet aux établissements de monter un projet innovant autour de la culture, des langues, de l'environnement ou des sciences en donnant aux directeurs d'école la possibilité de participer au recrutement de leur équipe pédagogique.
A l'école Monponti, les élèves de maternelle découvrent ainsi les mathématiques de manière ludique, en déplaçant des "abeilles robot" sur un damier.
"Start-ups"
Alors que le président était accueilli par une cinquantaine d'enfants euphoriques criant "Macron, Macron", une trentaine de manifestants postés près de l'école ont réclamé plus de moyens pour l'Éducation nationale.
L'expérimentation marseillaise suscite de fait beaucoup d'interrogations, notamment l'idée que les directeurs d'école puissent choisir leur équipe.
"L'Éducation nationale n'est pas une somme de +start-up+", assène Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa. "Cette expérimentation remet gravement en cause le caractère national de l'École publique (..) l'égalité de traitement des personnels", renchérit la Fédération FO de l'Enseignement (FNEC FP-FO).
Face à ces critiques, le président Macron a assuré que les directeurs d'école ne feraient pas leur "propre mercato" et que des "règles nationales" demeureraient. Mais il a défendu une "nouvelle approche", une "révolution culturelle", plus près de "la réalité du terrain", où "on met tout le reste de l'administration au service de celles et ceux qui font pour nos enfants".
En neuf mois, le plan Marseille en Grand avance et porte déjà ses fruits ! Penser des manières de faire innovantes, imaginer des méthodes d’enseignement différentes pour nos enfants : 59 écoles l'ont fait. Comme ici à l’école Menpenti où les enfants aiment les maths ! pic.twitter.com/m6EhRjAzce
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 2, 2022
Le maire de Marseille, Benoît Payan (Union de gauche), a salué la volonté de M. Macron de "mettre des moyens sur la table comme personne ne l'a fait avant" - l'État a promis 400 millions d'euros pour la rénovation des écoles de la cité phocéenne - et de "faire faire des maths, des langues étrangères aux enfants".
"Mais il y a des lignes rouges: c'est l'école de la République, l'égalité de toutes les écoles", a souligné M. Payan, se disant aussi "opposé" au recrutement par les directeurs d'établissement.
"Pacte nouveau"
L'exécutif était aussi très attendu sur la crise du recrutement des enseignants, la question de la rémunération et la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun au lycée.
Sur ce dernier point, le chef de l'État a tranché : les mathématiques reviendront en "option" et donc pas de façon obligatoire, à raison d'une heure et demi par semaine, à la rentrée, hors de la spécialité maths.
Côté salaires - le président-candidat avait promis six milliards d'euros en la matière durant la campagne - "il y aura une amélioration de la rémunération (inconditionnelle) pour tous les enseignants", a-t-il répété, et une rémunération spécifique pour ceux qui s'engagent dans ce "pacte nouveau" pour des projets nouveaux.
Le chef de l'État a aussi marqué son soutien à Pap Ndiaye, historien réputé des minorités et cible d'un tir de barrage de l'extrême droite, qui le qualifie de "militant racialiste et antiflics".
Pap Ndiaye, né en France d'un père sénégalais et d'une mère française, incarne par son parcours "ce que nous avons fait" depuis cinq ans et "ce que nous voulons faire" pour l'école, notamment en termes d'égalité des chances, a-t-il dit, louant un "destin d'excellence".
Il s'agissait de la première grande sortie médiatique de Pap Ndiaye. Discret, attentif, il a trouvé "extraordinaire" le laboratoire de mathématiques présenté. "On tient potentiellement quelque chose", a-t-il glissé au maire de Marseille, Benoît Payan.