Le gouvernement a débloqué plus de 600 millions d'euros pour son plan d'urgence en faveur des éleveurs français en difficulté, afin de les aider à se désendetter, alors que la tension persiste et que des barrages paralysaient toujours mercredi de nombreux axes routiers. « Nous avons vu cette peur du lendemain, mais aussi la volonté d'exercer un métier qui est bien plus qu'un métier : être éleveur, c'est sacrifier beaucoup [...] et contribuer à la mission unique de nourrir les Français », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls à l'issue du conseil des ministres. M. Valls a toutefois précisé qu'on ne pouvait pas « tolérer la moindre violence ou la moindre dégradation », à l'adresse des manifestants qui poursuivent les blocages dans de nombreuses régions.
Avec ce plan, l'ambition du gouvernement « est de gérer la situation d'urgence, mais surtout de prendre des solutions durables. Le monde paysan n'a pas besoin de pansements d'urgences, il a besoin d'un avenir », a-t-il ajouté. Le premier volet du plan comprend des mesures d'urgence. L'État va débloquer plus de 600 millions d'euros pour soulager les problèmes de trésorerie des éleveurs étranglés par des prix trop bas. Cela prendra la forme de 100 millions d'annulations de charges et de cotisations et de 500 millions de reports. Autre mesure phare : la restructuration de l'ensemble des dettes des éleveurs à moyen et long terme, car « la dette pèse énormément sur l'élevage » français, a assuré le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll.
Dans ce but, l'État va négocier avec les banques, et porter le fonds d'allégement des charges (FAC) de 8 à 50 millions d'euros. De son côté, la Banque publique d'investissement (BPI) pourra garantir jusqu'à 500 millions d'euros de crédit bancaire de trésorerie aux entreprises du secteur de l'élevage. Le gouvernement a aussi dévoilé des mesures structurelles, comme la promotion de la viande française à l'export, le renforcement des contrôles sur l'étiquetage, l'approvisionnement local des cantines et la diversification des revenus des éleveurs.
Pas de "boucs émissaires"
Le plan comprend "beaucoup de dispositifs déjà actés", a réagi Xavier Beulin, président de la FNSEA, premier syndicat agricole du pays, tout en saluant les efforts du gouvernement. "La première des urgences est le prix et encore le prix", a souligné M. Beulin. Les éleveurs normands doivent décider dans les toutes prochaines heures de lever ou non les barrages autour de Caen. À la mi-journée, ils bloquaient toujours la rocade de Caen et les accès au Mont-Saint-Michel, et de nombreux barrages dans le Grand Ouest étaient maintenus.
Mobilisations aussi autour de Poitiers, un barrage filtrant bloquait le pont reliant le continent à l'île d'Oléron (Charente-Maritime), dans la Somme à Amiens et Abbeville, en Vendée, dans la Loire et sur les routes d'accès au château de Chambord, dans le Loir-et-Cher.
Les éleveurs attendent maintenant des détails sur le rapport du médiateur des prix agricoles, remis mardi au ministre. Il est censé déterminer qui, de l'industrie ou de la grande distribution, souvent visée, freine la hausse des prix de la viande payés aux éleveurs. "Je me refuse à désigner devant la presse ceux qui ont joué le jeu ou pas pour avoir des boucs émissaires", a répété mercredi Stéphane Le Foll. Une nouvelle table ronde réunissant éleveurs, transformateurs et distributeurs est prévue à 16 h 30 au ministère. La précédente, le 17 juin, avait fixé des objectifs de hausse des prix qui n'ont pas été atteints pour la viande bovine. Le porc s'en rapproche.
Lidl France a assuré mercredi matin avoir pris en compte les demandes des éleveurs : "C'est l'équivalent de 25 centimes d'euros par kilos de carcasse qui a été payé par Lidl France aux industriels, ce qui correspond à un coût annuel de 15 millions d'euros pour Lidl France." "Combien de ces 25 centimes d'euros par kilos de carcasse ont été réellement perçus par les éleveurs ?" s'interroge le distributeur. Les industriels de la viande ont répliqué que la grande distribution a augmenté ses prix d'achat uniquement pour la viande fraîche, mais pas pour les steaks hachés, les produits transformés et les plats cuisinés, ce qui empêche les abattoirs de payer plus cher les carcasses aux éleveurs.
(Source : AFP)