"On ne dissout pas un soulèvement", a réagi le collectif sur Twitter, saluant les marques de soutien. Des "actions ressurgiront partout, dissolution ou non", a-t-il ajouté. En soirée, environ un millier de personnes se sont rassemblées par solidarité à Nantes, non loin de Notre-Dame-de-Landes, où sont nés les Soulèvements de la terre. "On ne pourra pas arrêter notre colère", a affirmé Esther Cordier, étudiante en anthropologie de 19 ans.
A Paris ils étaient plusieurs centaines, en présence notamment de la députée Mathilde Panot (LFI). D'autres rassemblements ont réuni environ 200 personnes à Lille, Toulouse, Montpellier et Marseille ainsi qu'une centaine à Strasbourg.
Plus tard dans la soirée, le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, a indiqué à l'AFP avoir été pris à partie par une centaine de personnes, certaines portant des banderoles des SLT, mais aussi des "gens masqués de l'ultragauche", qui ont jeté sur lui des "projectiles" trouvés dans des poubelles, blessant légèrement une personne qui l'accompagnait.
En fin d'après-midi, les avocats du collectif, Mes Raphaël Kempf et Ainoha Pascual, avaient annoncé le dépôt prochain d'un recours auprès du Conseil d'Etat, pour contester la dissolution.
- Les avocats contestent la base juridique de la mesure, les Soulèvements n'étant pas une entité déclarée mais un "mouvement protéiforme", selon eux, à l'image des mouvements féministe ou écologiste.
Greta Thunberg, présente à Paris en marge du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, leur a apporté son soutien. "C'est une question de droit de manifester et de défense de la vie", a-t-elle souligné.
"Le recours à la violence n'est pas légitime en Etat de droit et c'est bien cela qui est sanctionné", a pour sa part déclaré dans la matinée le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. "Sous couvert de défendre la préservation de l'environnement", ce mouvement "incite à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence", écrit le gouvernement dans son décret de dissolution.
Mais, "aucune cause ne justifie les agissements particulièrement nombreux et violents" auxquels il "appelle et provoque" et "auxquels ses membres et sympathisants participent", ajoute le décret. Pour appuyer son argumentaire, le gouvernement liste une série d'actions menées par SLT qui ont entraîné des "destructions matérielles" et "des agressions physiques contre les forces de l'ordre".
Le gouvernement avait engagé la procédure de dissolution le 28 mars, quelques jours après les violents affrontements entre gendarmes et opposants aux retenues d'eau de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) dont il avait imputé la responsabilité au mouvement.La procédure, restée bloquée pendant plus de deux mois, a finalement abouti après une nouvelle manifestation soutenue par SLT ce weekend, contre la liaison ferroviaire Lyon-Turin, marquée par des échauffourées.
SLT, né en janvier 2021 dans l'ex-ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes, a d'ailleurs donné rendez-vous le 18 août à Sainte-Soline pour le départ d'un convoi en tracteurs et à vélo en direction de Paris.
"Dissolution politique"
En parallèle, une vague d'interpellations de militants écologistes a eu lieu mardi dans l'enquête sur l'action menée fin 2022 contre une cimenterie Lafarge de Provence et soutenue par SLT.
Seize personnes étaient en garde à vue mercredi, a dit à l'AFP une source proche du dossier, mais au moins l'une d'elles dans la région de Marseille, militant d'EELV, en est sortie, selon son avocat, Fabien Perez. Les arrestations avaient été effectuées en Loire-Atlantique, notamment à Notre-Dame-des-Landes, et dans la région marseillaise.
C’est "la première fois que la France utilise les moyens de l’anti-terrorisme contre des militants écologistes", a estimé auprès de l'AFP Basile Dutertre, un des porte-parole des SLT qui vit de longue date dans l'ancienne ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
La dissolution et les arrestations ont été dénoncées par une partie de la gauche. "J'y vois une vraie dérive et une perte de sang-froid", a déclaré le député écologiste Julien Bayou. "Le président de la République ne cesse de criminaliser les mouvements sociaux", "c'est dangereux", a-t-il dit.
"Vous resterez comme ceux qui n'ont finalement rien compris aux enjeux" du climat, a commenté sur Twitter la députée EELV Sandrine Rousseau en mentionnant Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin.
Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, avait lui regretté mardi que les activistes soient "réprimés comme des terroristes qu'ils ne sont pas".La Ligue des droits de l'homme (LDH) a elle dénoncé une "remise en cause des libertés d'association, de manifestation, d'expression, ainsi que des droits de la défense" et appelé à "rejoindre les rassemblements de soutien" à SLT.
Les Soulèvements revendiquent une base "extrêmement variée". Une soirée de soutien en avril avait attiré diverses personnalités politiques, artistiques et scientifiques.
À gauche citoyens ! condamne fermement "cette nouvelle atteinte aux libertés publiques"
Dans un communiqué du 22 juin, l'association "À gauche citoyens !" affirme son total désaccord avec cette décision : "La criminalisation du mouvement écologiste « Les Soulèvements de la Terre » et son interdiction par Macron/ Darmanin illustre une fois de plus la dérive autoritaire du pouvoir. Sous prétexte de « recours à la violence », que notre association par ailleurs désapprouve, il s’en prend à un mouvement dont le seul crime est de s’opposer à la destruction du bien commun."
Pour l'association bisontine, il s'agit d'une "Curieuse conception de la démocratie qui qualifie de terroristes celles et ceux qui alertent et combattent contre l’inaction climatique et les projets néfastes pour l’environnement ô combien plus dangereux pour la population. Le gouvernement d’Elisabeth Borne fait une nouvelle fois un faux pas d’autant qu’il se montre moins soucieux de l’ordre public face à la multiplication des agissements néofascistes. "
L’association "à gauche citoyens !" condamne fermement "cette nouvelle atteinte aux libertés publiques et plus particulièrement à la liberté d’association" ; elle appelle les citoyens à dénoncer la dissolution administrative des Soulèvements de la Terre.
(Avec AFP)