Le texte "visant à conforter l'économie du livre", porté par la sénatrice LR Laure Darcos, a été adopté à l'unanimité en deuxième lecture au Sénat, un vote qui conclut son parcours législatif et l'entérine au nom du Parlement.
- Sa disposition phare prévoit que le service de livraison du livre "ne peut pas être offert par le détaillant à titre gratuit", mais doit être facturé pour un "montant minimum", qui sera fixé par arrêté ministériel.
En ligne de mire, les livraisons au rabais pratiquées par les géants du e-commerce, en premier lieu Amazon, qui fixe systématiquement au seuil légal de 0,01 euro les frais de port. Des tarifs sur lesquels les éditeurs et libraires traditionnels aux marges déjà serrées ne peuvent s'aligner.
La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a salué la nouvelle loi, qui cheminait depuis le printemps au Parlement et "permettra de renforcer l'équité dans la filière du livre". "Ce n'était pas gagné d'avance", a-t-elle ajouté, en faisant allusion à l'opposition farouche d'Amazon, dont Mme Darcos a fustigé "la politique commerciale prédatrice". Le vote avait été également unanime à l'Assemblée en octobre dernier.
La rapporteure de la commission de la Culture du Sénat, Céline Boulay-Espéronnier (LR), a souligné "l'enthousiasme du monde de l'édition" pour un texte qui constitue "une véritable révolution".
- Amazon a réagi à l'adoption définitive de la proposition de loi en estimant que "le coût d'une telle mesure sur le pouvoir d'achat s'élèverait à plus de 250 millions d'euros par an".
"Aujourd'hui, 90% des communes françaises n'ont pas de librairie sur leur territoire et plus de 40% des expéditions de livres d'Amazon sont destinés à des codes postaux sans librairie", a indiqué un porte-parole de la plateforme.
"Impact sur le pouvoir d'achat"
"Alors que le commerce en ligne a permis de renforcer l'égal accès des consommateurs aux livres, et ce quel que soit leur lieu de résidence, l'introduction de frais de port minimum pour l'expédition de livres aura un impact sur le pouvoir d'achat de millions de lecteurs à faible revenu" vivant "dans des petites villes et ne disposant pas d'un accès facile à une librairie", a déploré ce porte-parole.
Un argumentaire rejeté par le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, qui a déclaré que "l'achat de livres sur Amazon est surtout le fait de catégories aisées et urbaines".
La nouvelle loi vient compléter et consolider la loi Lang de 1981 qui a fixé le prix unique du livre, un dispositif jugé vital pour le maintien et la diversité de ce secteur, qui compte notamment quelque 3.300 librairies indépendantes sur le territoire, ont souligné la plupart des orateurs.
La sénatrice socialiste Sylvie Robert a toutefois prévenu qu'il faudrait désormais "s'assurer que les plateformes ne contreviendront pas à l'esprit de la loi".
Tranchant avec le concert de critiques contre le géant du commerce en ligne, Pierre-Antoine Lévi, de l'Union centriste, a appelé à "ne pas faire de GAFA-bashing" (critique de Google, Apple, Facebook et Amazon) et estimé "qu'il ne s'agit pas d'édicter une loi anti-Amazon, mais d'équilibrer les conditions entre les acteurs" du secteur.
Avec la nouvelle loi, les sites de vente en ligne devront en outre distinguer clairement les livres neufs et les livres d'occasion.
Le texte autorise aussi les collectivités à accorder une subvention aux librairies indépendantes, à hauteur de 30% de leur chiffre d'affaires - "une demande forte des élus locaux" a fait valoir Samantha Cazebonne (groupe RDPI, à majorité En Marche).
La nouvelle loi encadre aussi les soldes de livres par les éditeurs. Elle modernise par ailleurs le dépôt légal pour l'adapter aux spécificités du numérique, et encadre certaines pratiques de l'édition.
(Source AFP)