Afin de mieux comprendre l’évolution du laboratoire de mathématiques de Besançon et ses différentes missions, nous avons laissé la parole à Christophe Delaunay, directeur du LmB, et Pascal Auscher, directeur de l'Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions).
À propos de Christophe Delaunay
Âgé de 45 ans, C. Delaunay a fait toutes ses études à Bordeaux où il a soutenu ma thèse en 2002 sur des sujets de théorie de nombres. Il a alors effectué un post-doctorat à l'École Polytechnique de Lausanne et en 2005, il a rejoint l'Institut Camille Jordan de l'Université Lyon 1 en tant que Maître de Conférences. En 2011, il a été recruté Professeur des Universités à l'université de Franche-Comté au sein du Laboratoire de mathématiques de Besançon. Il assume sa direction depuis 2017.
À propos de Pascal Auscher
Âgé de 58 ans, Pascal Auscher est professeur des universités à l’Université Paris-Saclay. Ses recherches portent sur l’analyse harmonique et la théorie des opérateurs. Il est actuellement directeur de l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions, institut du CNRS investi des missions nationales d’animation et de coordination dans le domaine des mathématiques.
maCommune.info : Le Laboratoire de mathématiques de Besançon fête ses 25 ans cette année, comment a-t-il évolué au fil des ans ?
Christophe Delaunay : "Le Laboratoire de mathématiques de Besançon (LmB) est né en 1996 d'une volonté de regroupement de plusieurs équipes de recherche de l'époque. Ce projet, porté par Eva Bayer, la première directrice du LmB, a de suite été reconnu par le CNRS qui a labellisé le laboratoire par la signature d'un premier contrat d'UMR (Unité Mixte de Recherche) conjointement avec l'université de Franche-Comté.
En 25 ans, la taille du LmB et son rayonnement se sont considérablement accrus. Le LmB compte aujourd'hui 58 membres permanents auxquels s'ajoutent des membres non-permanents (doctorantes et doctorants, post-doctorantes et post-doctorants, professeures invitées et professeurs invités). Le LmB est également solidement ancré dans le paysage mondial de la recherche. Il organise une douzaine de conférences internationales par an. Les membres du LmB nouent des collaborations avec une quarantaine de pays différents".
Pascal Auscher : "Le LMB est un très bon exemple du travail réalisé par le CNRS au service de la communauté mathématiques ces dernières décennies : coordonner les forces locales en les regroupant autour d’un projet commun mis en œuvre par des unités pilotées avec les partenaires universitaires".
mC : Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les missions que vous vous donnez ?
Christophe Delaunay : "Pour résumer, je dirais que les missions d'un laboratoire sont la création et la diffusion des savoirs. Le laboratoire mène des recherches en mathématiques en couvrant un large spectre de thématiques compte tenu de sa taille. Ses membres publient des articles, présentant des résultats originaux dans des revues internationales spécialisées.
Les membres du LmB sont régulièrement invités et invités à exposer leurs travaux de recherches dans des séminaires ou des conférences. De façon duale, nous invitons régulièrement des chercheuses et des chercheurs afin qu'elles et ils nous présentent leurs résultats. Ces échanges et les discussions qu'elles entraînent son extrêmement importants pour l'émulation scientifique et sont très souvent à la base des activités de recherche.
La diffusion des savoirs prend plusieurs formes : cela va de la formation des étudiantes et des étudiants à la formation continue des enseignantes et enseignants du primaire et du secondaire en passant par des actions de vulgarisation scientifique : dans les lycées, collèges, auprès du public (fête de la science, la nuit des chercheurs). Ses actions se font en collaboration avec l'IREM (Institut de Recherche dans l'enseignement des mathématiques) qui est lié au laboratoire. Nous menons aussi des actions spécifiques envers le monde socio-économique".
Pascal Auscher : "Par arrêté de 2010, l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions est investi des missions nationales d’animation et de coordination dans le domaine des mathématiques. Il s’agit par exemple de favoriser l’excellence des recherches en mathématiques ; de créer les infrastructures nationales nécessaires à la recherche mathématique ; de favoriser les interactions entre les laboratoires de mathématiques, certes, mais aussi avec les autres disciplines et les entreprises ; de développer des actions internationales, de participer à la coordination est la promotion des formations par la recherche et à la recherche et enfin de soutenir les actions de diffusion des connaissances".
mC : Quels projets portez-vous au niveau national voire international ?
Christophe Delaunay : "Il est généralement assez difficile pour un laboratoire de mathématiques d'expliquer ses activités de recherche dans les domaines les plus fondamentaux. Il s'agit de repousser les frontières des connaissances dans des thématiques très spécialisées. Ce n'est qu'au bout d'un certain temps (qu'il est difficile d'anticiper) que ces connaissances sont suffisamment assimilées par la communauté pour être appliquées à des problèmes concrets ou même des défis sociétaux.
Cette activité est toujours portée à un niveau international. Les applications des mathématiques sont très nombreuses. Pour donner quelques exemples traités par le LmB, nous pouvons citer par exemple, l'étude de la population des campagnols dans le Jura, l'accidentologie dans le Grand Besançon, la délivrance de principes actifs thérapeutiques, la précision des estimations trafic postal en France, la physique quantique, l'imagerie médicale ou microscopique, les relations entre la musique et les mathématiques, etc."
Pascal Auscher : "Le LMB est un exemple de la diversité des mathématiques en France : l’objectif est de balayer tout le spectre, de la recherche fondamentale à une recherche plus appliquée. La recherche fondamentale est nécessaire pour permettre les innovations de demain d’une part, mais aussi pour disposer d’outils efficaces pour aborder simultanément plusieurs problématiques. Il ne faudrait pas ne miser que sur le présent en oubliant de construire les bases du futur. Les méthodes développées par Fourier au 19è siècle pour calculer la température du centre de la Terre sont celles qui permettent au 21è siècle de mettre en œuvre des techniques efficaces d’imagerie médicale.
Bien sûr, il ne faut pas à contrario oublier le présent. Nous encourageons les échanges entre la communauté mathématique et les entreprises, notamment via notre Agence pour les mathématiques en interactions avec les entreprises et la société, basée à Grenoble mais dont la mission est nationale. Nous venons par ailleurs de créer l’Institut des mathématiques pour la planète Terre dont l’objectif est de mener des recherches en mathématiques appliquées à l’environnement, en lien avec l’ensemble des disciplines scientifiques impliquées dans le défi du XXIè siècle que la question environnementale. Environnement, vivant, société : tels sont trois enjeux majeurs du XXIè siècle dont la compréhension nécessite de développer beaucoup de mathématiques. L’école mathématique française sera présente et mobilisée pour attaquer ces défis !"
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