Chaque année, entre 3.000 et 4.000 femmes « hors délai » partiraient avorter à l’étranger, estimait un rapport parlementaire publié en 2000. Principalement en Espagne, où l’IVG est permise jusqu’à 14 semaines de grossesse, et aux Pays-Bas (22 semaines).
L’allongement de deux semaines supplémentaires du délai légal pour avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG) pour éviter notamment d’aller à l’étranger, issu d’une proposition de loi du groupe Ecologie Démocratie Solidarité, sera étudié dans le cadre de la « niche » parlementaire de ce groupe d’anciens marcheurs.
Porté par la députée Albane Gaillot, le texte propose également de permettre aux sages-femmes de réaliser des IVG chirurgicales jusqu’à la 10e semaine de grossesse et de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG pour les médecins, des demandes récurrentes d’associations féministes pour garantir « un égal accès à l’IVG » sur tout le territoire.
« Ce n’est pas le texte d’un parti mais pour les droits des femmes », qui fait « consensus », plaide Mme Gaillot.
Les députés LREM lui ont donné un premier feu vert en commission et le patron du groupe Christophe Castaner votera pour, comme « un grand nombre de députés de la majorité ». Mais le gouvernement joue la prudence.
Au pays de Simone Veil, l’avortement – auquel une femme sur trois a recours dans sa vie – reste un sujet potentiellement explosif. « C’est un sujet difficile, sensible, sur lequel chacun peut avoir une opinion », a déclaré le porte-parole du gouvernement.
Dans l’hémicycle jeudi, le gouvernement fera valoir une « position de sagesse », s’en remettant « à la décision des parlementaires », a ajouté Gabriel Attal. Il attend en outre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), saisi mardi par le ministre de la Santé et qui devrait être rendu avant le passage du texte au Sénat.
Prendre « un peu de temps »
Plus que le fond, c’est la méthode qui a irrité. « Le gouvernement était moyennement chaud » et « le groupe lui a un peu forcé la main », reconnaît ainsi un député LREM.
« Le gouvernement estime qu’on n’en a pas assez fait un débat au sein de la société. Certains le comparent même à la PMA. Mais l’IVG a été voté il y a 45 ans. Là, on parle de leviers à actionner pour qu’il soit un droit effectif! », expose la députée Cécile Muschotti, cheffe de file LREM sur ce texte.
Avant l’été, médecins et associations avaient alerté sur des difficultés d’accès à l’avortement exacerbées pendant le confinement. Des députés avaient alors poussé pour allonger le délai, mais sans obtenir l’aval du gouvernement.
« J’ai l’impression que cette fois on a entendu les femmes et on a vu les fragilités », veut croire Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial.
Depuis la légalisation de l’avortement en France en 1975, une première extension de deux semaines a été votée en 2001. Toutefois, du fait d’un manque de praticiens et de la fermeture progressive de centres IVG, il s’écoule souvent plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l’intervention.
Opposé à cet allongement, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) plaide pour que l’on « donne les moyens aux hôpitaux de recevoir les femmes en demande d’IVG en urgence, sans les faire traîner ». « On ne peut pas compenser cela en allongeant le délai car on accroît le risque du geste », a déclaré son président, le professeur Israël Nisand, sur RTL.
Mais pour le gynécologue-obstétricien Philippe Faucher, il s’agirait d’un « pas important pour les femmes précaires, les jeunes qui ne savent pas à qui en parler, les victimes de violences ».
« Cette extension ne coûte pas très cher car assez peu de femmes sont concernées. Mais donner un peu plus de temps peut en soulager beaucoup », déclare-t-il. Pour lui, c’est une bataille « plus idéologique que médicale ».
(AFP)