"Il est décédé (mardi) à l'hôpital à Neuilly, il s'est bien battu", a annoncé à l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi son fils Sagamore Stévenin, également comédien.
Réalisateur de trois films considérés comme culte ("Passe montagne", "Double messieurs" et "Mischka"), Jean-François Stévenin est un acteur prolifique vu dans des films aussi éclectiques que "L'argent de poche" de François Truffaut --il est l'instituteur, Monsieur Richet--, "Une chambre en ville" de Jacques Demy ou "Le pacte des loups" de Christophe Gans.
Né dans le Jura en 1944, cet ancien étudiant à HEC, au parcours romanesque et buissonnier, découvre les plateaux de cinéma lors d'un stage à Cuba sur la production laitière. "Je ne savais rien faire, mais j'ai appris à parler espagnol très vite, et je me suis fondu dans l'équipe. Incognito", racontait-il.
En 1968, il devient assistant d'Alain Cavalier sur le tournage de "La Chamade". "Pendant dix ans, j'étais assistant, je n'avais jamais pensé à jouer. () Et dans +Out One+, de Jacques Rivette, où Juliet Berto avait dit: +C'est drôle, l'assistant ressemble à Brando, pourquoi il ne jouerait pas Marlon?+ La scène a été gardée au montage", se souvenait-il en 2000 pour Libération.
Son visage rond et ses yeux bleus perçants font rapidement de lui une figure familière du cinéma français.
"Profonde humanité"
Dans les années 1980, il tourne sous la direction de Jean-Luc Godard ("Passion"), Bertrand Blier ("Notre histoire") et Catherine Breillat ("36 Fillette"). Puis viendront les films plus populaires comme "Le Pacte des loups" (2001), où il joue avec Vincent Cassel et Samuel Le Bihan ou encore "L'Homme du train" (2002) réalisé par Patrice Leconte.
Son travail de cinéaste lui vaudra en 2018 un prix Jean-Vigo d'honneur qui lui a été remis par Agnès Varda. Cette récompense distingue l'indépendance d'esprit, la qualité et l'originalité. Car ses trois films sont "hors normes", qualifiés de "baroquerie à la française, uniques en leur genre" par l'hebdomadaire culturel Télérama. "Un second rôle au tempérament ardent, mais aussi réalisateur de trois superbes longs-métrages", souligne mercredi le Centre national du cinéma sur son compte Twitter.
"Passe Montagne" (1978) donne l'un de ses meilleurs rôles à Jacques Villeret et suit la rencontre entre un architecte tombé en panne et d'un garagiste, au fin fond du Jura. "Double Messieurs" (1985) retrace la vadrouille de deux hommes, amis d'enfance, à la recherche de celui qui était leur souffre-douleur lorsqu'ils étaient enfants. Et "Mischka" (2002) met en scène la rencontre entre un grand-père abandonné par sa famille en bord d'autoroute et un infirmier dans un hospice.
Ses films, où la nature est très présente, sont marqués par le cinéma de Cassavetes. Comme le cinéaste américain, il aime à filmer ses proches, dont ses enfants. Il en a quatre, tous acteurs : Sagamore, Robinson, Salomé et Pierre.
Son dernier film, "Illusions perdues" de Xavier Giannoli, adapté de Balzac, doit être présenté à la rentrée au festival de Venise. Il avait également joué dans le feuilleton quotidien "Un si grand soleil" de France 2, depuis l'automne.
L'équipe lui a d'ailleurs rendu hommage sur le compte Facebook du feuilleton. "Un grand monsieur qui nous aura tous marqués par son talent mais encore plus par sa profonde humanité".
L'hommage de Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne Franche-Comté
"C’était un acteur et un réalisateur tout à fait singulier. Avec Jean-François Stévenin, c’est toute une page du cinéma français qui disparaît, ainsi qu’un réel amoureux de son Jura natal.
S’il avait abordé le cinéma en autodidacte passionné, Jean-François Stévenin s’était vite imposé, d’abord comme assistant réalisateur puis comme acteur, auprès des plus grands réalisateurs. Les cinéphiles l’avaient découvert à travers le cinéma d’auteur : Alain Cavalier, Jacques Rozier, Jacques Rivette, François Truffaut, parmi bien d’autres… Mais il était aussi un acteur très populaire, dont les yeux pétillants étaient reconnaissables entre tous. Jean-François Stévenin était en outre un réalisateur particulièrement reconnu.
Dès son premier film, Passe montagne, il avait su transmettre une forme d’intimité sensible avec la nature jurassienne de son enfance. Surtout, en faisant jouer et en dirigeant des acteurs non professionnels, il avait su exprimer l’extraordinaire empathie qui l’animait, notamment à l’égard des plus modestes, des plus humbles. Car, passionné de cinéma – une passion qu’il avait su transmettre à ses enfants –, Stévenin était peut-être d’abord un passionné d’humanité, qui portait un regard à la fois aiguisé et bienveillant sur ses semblables.
Je veux aujourd’hui transmettre mes condoléances très sincères et profondes à sa famille, à ses proches, et plus largement à ses admiratrices et admirateurs, que je sais très nombreux."
(Avec AFP)