- Selon l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle (PJLC), ce sera in fine la "liberté garantie" aux femmes de recourir à l'avortement qui figurera dans la loi fondamentale, plutôt que le "droit à l'IVG" qui avait les faveurs des militantes des droits des femmes.
Ces dernières, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), mettent en avant le fait que la notion de liberté, moins forte juridiquement que celle de droit fondamental, dépendra de l'interprétation du législateur qui pourra définir les conditions d'accès à l'IVG, et potentiellement les restreindre.
"La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse", peut-on lire dans le texte présenté en novembre, dont l'AFP s'est procuré une copie. Demande de longue date des associations féministes et de la gauche, la question de l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution a ressurgi en 2022 après l'annulation de l'arrêt garantissant aux Etats-Unis le droit d'avorter sur tout le territoire, qui a eu l'effet d'un électrochoc dans de nombreux pays.
"Symbole"
"Les libertés reconnues aux femmes, que l'on pensait en quelque sorte impossible de faire reculer, sont remises en cause par des mouvements politiques, parfois par des dirigeants qui arrivent au pouvoir, par des jurisprudences qui changent, en fonction d'équilibre politique", a souligné Emmanuel Macron dimanche à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration des droits de l’Homme. "C'est pourquoi la France se félicite de montrer l'exemple", a ajouté le chef de l'Etat.
Selon une source parlementaire, le projet de loi a été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour le mercredi 24 janvier. Après l'examen à l'Assemblée nationale et au Sénat, la formulation devra encore être avalisée par 3/5e des députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles.
Dans les faits, l'inscription du recours à l'IVG dans la Constitution - recours à l'heure actuelle reconnu dans une loi ordinaire - est avant tout symbolique. Sa mention dans la loi fondamentale compliquerait les tentatives de le supprimer ou de lui porter gravement atteinte, mais il pourrait toujours être abrogé par une nouvelle révision constitutionnelle.
"C’est symbolique", reconnaît-on à l'Elysée, "mais c’est extrêmement fort. C’est un combat qui a énormément de valeur aussi dans le débat international". Dans les rangs des associations féministes, on salue un "symbole fort".
"Compromis"
L'inscription dans la Constitution "ne va pas changer la manière dont aujourd'hui les femmes ont recours à l'avortement en France, ce n'est pas suffisant pour améliorer les choses", souligne auprès de l'AFP la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert, citant notamment les problèmes d'accès à l'IVG liés à la fermeture de maternités.
"Néanmoins, ça nous paraît nécessaire dans le contexte international d’une grande violence et d’attaques coordonnées de mouvements anti-avortement, c’est important de réaffirmer dans quel camp se situe la France", ajoute-t-elle. "On est dans une situation qui fait que la meilleure écriture est celle qui sera votée le plus rapidement possible et c'est un compromis", abonde la présidente du Planning familial, Sarah Durocher.
A l'inverse, l'association pro-vie Alliance Vita voit dans l'inscription de l'IVG dans la Constitution un "non-sens" et juge la mise en place d'une vraie "politique de prévention de l’avortement plus que jamais nécessaire".
Autorisée temporairement en 1975 par la loi Veil, l'IVG est définitivement légalisée en France en décembre 1979. La loi s'est depuis étoffée, avec un délai légal étendu à 14 semaines et une prise en charge à 100%. Selon les derniers chiffres officiels, 234.300 IVG ont été enregistrées en France en 2022.
(Source AFP)