Institutions, impôts, etc. :  Macron esquisse le deuxième acte de son quinquennat

Le point sur les annonces • En saluant « de justes revendications » portées par les « gilets jaunes », Emmanuel Macron a esquissé les orientations du deuxième acte de son quinquennat, jeudi, en appelant à poursuivre les réformes, notamment avec un nouvel acte de décentralisation et une baisse « significative » de l’impôt sur le revenu.

© ©

Lors d'un long propos qui doit précéder une conférence de presse, à l'Élysée, le chef de l'État a d'abord partiellement répondu à l'une des revendications-phare du mouvement né à l'automne, en disant "aller plus loin sur le référendum d'initiative partagée", en faisant passer son seuil d'environ 4,5 millions de signatures (10 % du corps électoral) à un million.

Une nouvelle méthode

Pour "répondre à la juste part d'énervement" et "lever beaucoup de malentendus", il a promis "une nouvelle méthode", une "nouvelle manière" de gouverner, avec un leitmotiv: "l'humain remis au cœur du projet".

Mais face à ce "profond sentiment d'injustice fiscale, sociale et territoriale et de manque de considération de beaucoup de nos concitoyens", "est-ce qu'il faudrait arrêter tout ce qui a été fait depuis deux ans ? (...) Est-ce qu'on a fait fausse route ? Je crois tout le contraire", a néanmoins soutenu le président.

Et M. Macron l'a assuré: "je me fiche de la prochaine élection" présidentielle.

Parmi les mesures ayant fuité de son intervention non diffusée du 15 avril en raison de l'incendie de Notre-Dame, le chef de l'Etat a confirmé vouloir réduire "significativement" l'impôt sur le revenu, évoquant le chiffre de "5 milliards" d'euros et un financement par la suppression de "certaines niches fiscales" et avec "la nécessité de travailler davantage".

Sur le plan social et économique, Emmanuel Macron a appelé à "travailler davantage" pour financer la baisse d'impôts, notamment ceux sur le revenu, qu'il veut "baisser significativement". Il n'a toutefois pas souhaité revenir sur la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), mais a admis le principe d'une évaluation et d'un éventuel réajustement de son mécanisme et de son assiette.

Emmanuel Macron a en outre défendu la poursuite des "transformations indispensables à faire dans notre pays", tout en reconnaissant qu'elles n'ont pas été, "à l'endroit de certains", "suffisamment rapides", "suffisamment radicales", "suffisamment humaines".

Outre une réforme constitutionnelle, qui doit être présentée au parlement d'ici l'été, le président de la République a appelé le gouvernement à présenter le mois prochain "une profonde réforme de l'administration", et a annoncé la création dans "chaque canton", d'ici à "la fin du quinquennat", d'un "endroit où l'on puisse trouver une solution aux problèmes", baptisé "France services".

Emmanuel Macron a encore dit souhaiter "un nouvel acte de décentralisation", en retenant le principe de différenciation territoriale, qui doit porter "sur la politique de la vie quotidienne" comme "le logement, le transport, la transition écologique pour garantir des décisions prises au plus près du terrain".

Le chef de l'État a encore réclamé "la fin des grands corps de l'État", sans toutefois évoquer l'École nationale d'administration (ENA), dont l'existence était annoncée menacée depuis plusieurs jours.

Le président a encore annoncé la fin des fermetures des hôpitaux et des écoles d'ici 2022, en indiquant en outre vouloir des classes de "24 élèves maximum"de la grande section de maternelle au CE1.

Il a enfin reconduit la prime exceptionnelle défiscalisée, avant de revenir sur la sous-indexation des retraites.

LES PRINCIPALES ANNONCES DE MACRON

BAISSE "SIGNIFICATIVE" DE L'IMPOT SUR LE REVENU

Emmanuel Macron a clamé son intention de réduire "significativement" l'impôt sur le revenu, à hauteur de 5 milliards d'euros. "Il me semble que la meilleure orientation pour répondre aux besoins de justice fiscale n'est pas d'augmenter les impôts de tel ou tel, mais plutôt de baisser les impôts pour un maximum de nos concitoyens, en particulier pour celles et ceux qui travaillent", a-t-il affirmé, en se référant spécifiquement aux classes moyennes.

Macron a également défendu la suppression de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dès le début de son quinquennat, une mesure souvent critiquée lors du grand débat et lors des manifestations des "gilets jaunes".

"TRAVAILLER DAVANTAGE" PAR L'ALLONGEMENT DE LA DUREE DE COTISATION

Afin de financer la baisse d'impôt, M. Macron a confirmé vouloir supprimer "certaines niches fiscales pour les entreprises", tout en affirmant "la nécessité de travailler davantage" et "des réductions de notre dépense publique", a-t-il ajouté.

Le président de la République a précisé qu'il n'envisageait pas de supprimer un jour férié supplémentaire pour financer cette baisse d'impôts. Il a aussi ajouté qu'il ne comptait pas revenir sur l'âge légal de départ à la retraite, privilégiant la piste menant à l'allongement de la durée de cotisation.

LES RETRAITES REINDEXEES

Le président de la République a annoncé que les retraites "de moins de 2.000 euros" seront réindexées sur l'inflation en 2020, mesure attendue, mais aussi qu'aucune pension n'augmentera moins vite que les prix à partir de 2021.

Emmanuel Macron a par ailleurs souhaité que "la retraite minimale" pour une carrière complète soit portée à 1.000 euros, un montant selon lui "significativement supérieur" au minimum vieillesse qu'il a promis de relever à 900 euros l'an prochain.

PAS DE "RIC", "RIP" ASSOUPLI

Emmanuel Macron a plaidé pour faciliter la mise en oeuvre d'un référendum à l'initiative du peuple, en proposant d'abaisser à 1 million le nombre de signatures nécessaires pour saisir le Parlement. Cette mesure figurerait dans la réforme constitutionnelle que le chef de l'Etat veut voir revenir au Parlement "à l'été".

Mais il a aussi écarté le "référendum d'initiative citoyenne" voulu par des "gilets jaunes".

Dans le cadre de la réforme des institutions, M. Macron s'est dit aussi favorable à l'introduction d'une dose de 20% de proportionnelle à l'Assemblée. Il a également souhaité "accroître" cette dose au Sénat. Quant à la réduction du nombre de parlementaires, M. Macron s'est dit prêt à abaisser à 25% son engagement de 30%.

Il a en revanche rejeté l'instauration du vote blanc et du vote obligatoire.

UN "NOUVEL ACTE DE DECENTRALISATION" D'ICI UN AN

Le président a annoncé "un nouvel acte de décentralisation" dans les territoires, qui devra aboutir "au premier trimestre 2020". Cette nouvelle décentralisation doit être "adaptée à chaque territoire" et porter "sur la politique de la vie quotidienne" comme "le logement, le transport, la transition écologique pour garantir des décisions prises au plus près du terrain", a-t-il ajouté.

Cette "profonde réorganisation de l'administration" sera présenté au mois de mai par que le Premier ministre Édouard Philippe.

L'ADMINISTRATION REORGANISEE

Confirmant son intention de "supprimer l'ENA", M. Macron a annoncé qu'il souhaitait mettre fin aux systèmes des "grands corps" de la haute fonction publique, dont les membres sont actuellement selon lui "garantis d'une protection à vie".

Dans le même temps, Edouard Philippe présentera en mai "une profonde réforme de l'administration" destinée à déployer "plus de fonctionnaires sur le terrain" tout en supprimant des postes "en administration centrale". Déplorant qu'il n'y ait "plus assez de monde sur le terrain" pour "apporter des solutions", le chef de l'Etat a notamment annoncé la création dans "chaque canton", d'ici à "la fin du quinquennat", d'un "endroit où l'on puisse trouver une solution aux problèmes", baptisé "France services".

Dans ce cadre, le président s'est dit prêt à "abandonner" l'objectif de 120.000 suppressions de postes de fonctionnaires qu'il avait fixé "si ce n'est pas tenable", demandant au gouvernement de lui "donner son analyse d'ici l'été".

PAS DE FERMETURES D'HOPITAUX NI D'ECOLES

Emmanuel Macron a souhaité "ne plus avoir d'ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d'hôpitaux, ni d'écoles sans l'accord du maire". "Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de réorganisations, elles sont parfois indispensables. Ça veut dire qu'il n'y aura plus de disparitions, comme on l'a trop vécu", a-t-il souligné.

24 ELEVES PAR CLASSE MAXIMUM

Emmanuel Macron a confirmé son souhait que les classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 ne "dépassent jamais 24 élèves" par classe, défendant un "investissement dans nos enfants dans lequel (il) croit profondément". Le chef de l'Etat veut aussi "étendre le dédoublement des classes (de CP et CE1), qui fonctionne, et a déjà de très bons résultats dans les quartiers défavorisés, (...) à la grande section de maternelle".

UN GESTE POUR LES MERES SEULES ET LES AIDANTS

Emmanuel Macron a souhaité jeudi que les caisses d'allocations familiales (CAF) aient la "prérogative pour prélever les pensions alimentaires familiales" et ainsi aider les familles monoparentales.

"Ces fameuses familles monoparentales sont souvent ces mères vivant seules", a souligné le président de la République, estimant qu'"on ne peut pas faire reposer sur des mères l'incivisme de leurs anciens conjoints".

Le chef de l'Etat a également évoqué le cas des aidants familiaux. "Nous devons les reconnaître, les nommer, mais aussi dans nos politiques publiques leur bâtir une place pendant la réforme des retraites et leur construire des droits", a poursuivi Emmanuel Macron.

UN "CONSEIL DE DEFENSE ECOLOGIQUE"

Emmanuel Macron a souhaité la mise en place d'un "conseil de défense écologique" qui réunira les ministres dédiés pour faire les "choix stratégiques" imposés par "l'urgence climatique".

LE CAP DES REFORMES MAINTENU

Après la crise des "gilets jaunes" et le grand débat qui a suivi, le chef de l'Etat a dit penser "très profondément que les orientations prises durant ces deux premières années, à bien des égards, ont été justes". "Les transformations en cours et les transformations indispensables à faire dans notre pays ne doivent pas être arrêtées, parce qu'elles répondent profondément à l'aspiration de nos concitoyens", a-t-il insisté.

MEA CULPA

Emmanuel Macron a aussi expliqué regretter d'avoir "donné" le "sentiment" d'être "dur", "parfois injuste" avec les Français. "L'impatience, l'exigence que j'ai avec moi-même, que j'ai avec les membres du gouvernement, je l'ai un peu eue avec les Français. Le sentiment que j'ai donné, c'était une forme d'injonction permanente, d'être dur, parfois injuste. Ça, je le regrette. D'abord parce que ce n'est pas ce que je suis profondément et parce que je pense que ça n'a pas aidé à la cause".

PREMIÈRES RÉACTIONS

"Encore une fois Emmanuel Macron demande des efforts aux travailleurs, mais à aucun moment on ne demande d'efforts à ceux qui brassent des millions", a dénoncé le PS.

Côté "gilets jaunes", Maxime Nicolle a jugé que M. Macron n'avait "pas écouté ce qu'on dit dans la rue depuis cinq mois". Pour Jérôme Rodriguez, "il vendrait du sable à un Berbère mais ça ne prend pas".

Quitter la version mobile