La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a introduit, pour la première fois, dans le Code de l’action sociale et des familles, une définition du handicap inspirée de la classification internationale du handicap. Ce texte historique a surtout posé les bases d'un modèle de société plus inclusive, avec l’objectif de garantir aux personnes en situation de handicap l’accès à leurs droits fondamentaux, à une scolarité, un travail et une vie sociale dans des conditions de ”pleine égalité”.
À l’occasion des 20 ans de cette loi, Nathalie Valleix, secrétaire générale de la préfecture du Doubs, s’est rendue à la Fondation Pluriel, collectif engagé au service des personnes en situation de handicap, de dépendance ou de fragilité sociale, pour participer à un temps d’échanges. Parmi les personnes présentes, le directeur de la Fondation Pluriel, Franck Aigubelle, Agnès Hochart, directrice territoriale du Doubs à l’ARS, ainsi que des élu(e)s impliqué(e)s dans la politique du handicap et des représentant(e)s d’associations, autour des thématiques de l’inclusion scolaire, l’insertion professionnelle et des actions en faveur de l’accessibilité.
40% des ERP dans le Doubs sont accessibles à toutes et tous
Selon les chiffres de la secrétaire générale de la préfecture du Doubs, ”en 5 ans, on a augmenté de 5 points le taux d’accessibilité des ERP, nous sommes à près de 40% dans le département ce qui est supérieur au taux national”.
Exemple notable de l’évolution de la société, les espaces France Service. Ils sont par définition des espaces accessibles, l’accessibilité étant une condition pour obtenir le label France Service.
”Maintenant, on prend en compte dans les nouvelles politiques et dans les nouveaux dispositifs l’élément handicap ce qui n’était pas le cas avant la loi de 2005, donc c’est vraiment une loi fondatrice”, souligne Nathalie Valeix.
Les principales difficultés dans le Doubs : le bâti
Selon Nathalie Valleix, l’un des plus gros chantiers qui demande encore du travail et des efforts financiers pour ces prochaines années concerne le bâti. Si les établissements recevant du public (ERP) ont l’obligation grâce à la loi de permettre aux personnes en situation de handicap d’y accéder en installant notamment des rampes destinées aux personnes à mobilité réduite, il reste encore des points sensibles en particulier sur les bâtiments classés. Et ils sont nombreux, y compris à Besançon et dans le Doubs.
”On voit qu’il y a beaucoup de choses qui ont été réalisées, mais il y a encore du chemin à faire et le bâti, c’est la préoccupation première qui revient très souvent quand on échange avec des associations représentant les personnes en situation de handicap.” La secrétaire générale de la préfecture affirme que ”les services de l’État sont au travail sur ce sujet en direction des collectivités, lesquelles sont bien investies sur le sujet dans le Doubs, mais il y a des situations qui prennent un peu plus de temps parce qu’il y a de gros projets d’aménagements dans certaines communes. Globalement, nous n’avons pas à rougir des résultats en termes d’accessibilité au public dans le département mais sans méconnaître les chemins qu’il reste à parcourir, c’est une grosse préoccupation.”
Dans le Doubs, 99% des enfants handicapés vont à l’école inclusive
Avant la loi de 2005, les AESH n’existaient pas dans les structures scolaires. 20 ans plus tard, les AESH représentent une masse salariale pour l’Éducation nationale de 20% en France. ”Cette montée en recrutement indique tout l’accompagnement qui a été fait auprès des élèves qui avaient et qui ont besoin de cet accompagnement, en tout ce sont presque 200 .000 AESH sur le territoire national”, souligne Damien Rouzet, directeur académique des services de l'Éducation nationale du Doubs (dasen), ”cette loi a tout changer au niveau de l’école inclusive”.
Dans le département, 3.500 élèves qui relèvent de l’école inclusive, 1.200 élèves dans le premier degrés dont 700 accompagnés par des AESH et 1.000 élèves dans le second degrés accompagnés par l’école inclusive, soit par des AESH (39%), soit par des dispositifs plus adaptés à leurs besoins.
Les classes Ulys continuent d’être développées chaque année dans le Doubs. ”On a une politique volontariste, un plan gouvernemental appelé - 50.000 solutions - déployé dans chaque département”, nous informe Agnès Hochart, ”dans le Doubs, 5 millions d’euros sur 5 ans permettent de déplier des classes qui permettent l’inclusion, des places d’hébergement permanent, on balaie l’ensemble du spectre, des besoins, on recueille les besoins et on adapte l’offre en fonction des besoins.” À noter que ces 5 millions d’euros s’ajoutent aux actions déjà mises en place par l’ARS et le Département du Doubs.
- Que reste-t-il à faire ?
”Il y a encore toujours des choses à faire, mais j’insiste sur ce qui a été fait”, nous répond le Dasen. ”Nous avons pratiquement 99% de couverture en accompagnement humain pour les élèves notifiés et relèvent d’un handicap.” Il reste donc 1% des élèves qui attendent un accompagnement humain, ”non pas parce que nous n’avons pas le personnel, mais parce qu’il faut aussi le temps de réguler la disponibilité” des ressources de l’Éducation nationale, précise-t-il.
Pour Damien Rouzet, ce qu’il reste à construire ”c’est d’aller de l’école inclusive vers l’école pour tous. Penser aussi au désétayage : on est beaucoup sur le travail de l’étayage de l’élève en besoin particulier, mais notre grande réussite dans l’école c’est aussi de pouvoir dire que nous avons désétayer et donc les besoins humains sont moins importants parce que nous avons atteint finalement le but de l’école inclusive.”
La Charte Romain Jacob dans les hôpitaux
Parmi les actions publiques menées par les institutions, la Charte Romain Jacob. Elle est née de la volonté des personnes vivant avec un handicap d’améliorer leur accès aux soins. Elle est affichée dans tous les hôpitaux signataires de cette charte.
Elle a été rédigée en 2014, suite à plusieurs séries de réunions impliquant des personnes vivant avec un handicap, des soignants et des représentants de l’administration, sous l’égide de l’association Handidactique. À travers 12 grands principes, elle s’impose comme le véritable guide éthique de l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap.
La Charte Romain Jacob a été réalisée par et pour les personnes vivant avec un handicap et trouve sa légitimité grâce aux 7.000 signataires, du président de la République à toutes les organisations du soins et de l’accompagnement des personnes vivant avec un handicap.
Conformément aux rapports sur l’accès au soin et à la santé remis par Pascal Jacob à Marisol Touraine, alors ministre des Affaires Sociales et de la Santé, et Marie-Arlette Carlotti, alors ministre déléguée aux Personnes Handicapées et à la Lutte contre l’Exclusion, le 6 juin 2013 à Garches, et conformément à la conférence interministérielle sur le handicap (CIH) et aux priorités fixées par les ARS, les représentants des personnes handicapées ainsi que les acteurs des secteurs du soin, hospitaliers, médico-social, ambulatoires français, présentent la Charte Romain Jacob.
”En Bourgogne Franche-Comté, on est une région très incitative à la signature de cette charte, donc on accompagne nos hôpitaux à signer la charte, ce qui paraît évident, mais qui n’est pas si évident que ça au quotidien puisqu’on sait que parfois, il y a des accès à certains soins un peu compliqués comme les soins dentaires et cette charte Romain Jacob permet aux hôpitaux de se doter de dispositifs particuliers pour faciliter l’accès aux soins des personnes en situation de handicap”, explique Agnès Hochart.
Si la logique se poursuit, la prochaine loi sur le handicap est prévue en 2035. "Il faudrait espérer que le rythme soit plus rapproché pour la prochaine loi, pour aller encore plus loin", indique la directrice territoriale du Doubs à l’ARS... Peut-être une nouvelle en 2025 ?