Génocide : un Rwandais conteste à Dijon un arrêté d’expulsion

Innocent Musabyimana, un Rwandais poursuivi pour sa possible participation au génocide au Rwanda en 1994, a contesté mardi 9 juillet 2024 un arrêté ordonnant son expulsion et son assignation à résidence, devant le tribunal administratif de Dijon.

Tribunal administratif de Dijon © www.google.com

"C'est kafkaïen", a résumé à l'AFP son avocat, Philippe Meilhac. En 2012, Innocent Musabyimana fait l'objet de poursuites au Rwanda, accusé d'avoir participé au génocide qui a fait, selon l'ONU, au moins 800.000 morts. Kigali demande son extradition, mais la Cour de cassation française l'a rejetée en 2014. L'affaire aurait pu s'arrêter là, mais en 2019, les investigations sont relancées, cette fois en France, et il est mis en examen en 2022 à Paris. Il est placé sous contrôle judiciaire, et non en détention provisoire, ce qui lui permet de travailler.

"On met les bâtons dans les roues de la justice française"

Suite à cette mise en examen, il perd en janvier 2024 son statut de réfugié. De ce fait, un arrêté préfectoral est pris à Dijon en juin dernier, ordonnant son expulsion - vers une destination inconnue car son pays ne veut pas de lui - et, le temps qu'elle soit mise en oeuvre, son assignation à résidence.

"Je ne comprends pas la logique" d'expulser quelqu'un qui pourrait être appelé à être jugé en France, souligne Me Meilhac. "On met les bâtons dans les roues de la justice française", ajoute-t-il lors de l'audience devant le tribunal qui statuait en référé. Sa mise en examen "n'est pas une présomption de condamnation", souligne-t-il, et peut tout à fait mener à un non-lieu, comme l'a déjà obtenu l'avocat pour d'autres clients. Mais, pour l'avocat de la préfecture, Romain Dussault, le Rwandais constitue une "menace grave à l'ordre public".

En concubinage avec une Française et père de famille

"C'est un citoyen lambda", répond l'avocat de ce Rwandais qui travaille et vit à Dijon, en concubinage depuis 2015 avec une Française, avec qui il a des enfants mineurs. "Il ne fait aucun militantisme ni de prosélytisme" et est encore moins "radicalisé".

L'assignation à résidence l'oblige à pointer trois fois par jour au commissariat, ce qui l'empêcherait de poursuivre son activité professionnelle, qui l'amène à voyager dans la région de Dijon. Le contrôle judiciaire ordonné suite à sa mise en examen en 2022 l'oblige déjà à pointer deux fois par mois, a souligné la présidente du tribunal, Valérie Zancanaro, demandant à l'avocat de la préfecture la raison d'un tel durcissement. "Je n'ai pas d'éléments à ce propos", a-t-il répondu.

La décision a été mise en délibéré d'ici à la fin de la semaine.

(AFP)

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