Trois semaines après l'annonce d'un premier plan de lutte contre la fraude fiscale, et au moment où les comptes français sont scrutés par les agences de notation, le gouvernement veut piocher dans toutes les poches de fraude.
"Notre volonté est de regarder où sont les situations de fraude et y répondre, sans stigmatisation, sans instrumentalisation", avait affirmé lundi soir le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, en présentant le plan à des journalistes.
Parmi les mesures les plus saillantes, le gouvernement réfléchit à une fusion entre la carte Vitale et la carte d'identité afin de lutter contre les prêts ou les "locations" de cartes Vitale qui permettent à certains de profiter de soins gratuits. Une mission de préfiguration sera lancée d'ici à l'été, ses conclusions étant attendues "d'ici la fin de l'année", a indiqué Bercy mardi.
"C'est ce vers quoi on va aller. Maintenant, la question, c'est comment et quand", a prudemment avancé Gabriel Attal mardi sur BFMTV, relevant les "difficultés" rencontrées par les Français pour obtenir rapidement une carte d'identité. Le ministre a fait valoir qu'une fusion de ces cartes est déjà effective en Belgique, au Portugal et en Suède.
La proposition est issue d'un rapport des Inspections générale des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) selon lequel "une migration du numéro de sécurité sociale vers les titres d'identité permettrait de répondre aux fraudes à l'usurpation", tandis que l'usage de la biométrie pour la carte vitale "présenterait plus de difficultés que d'apports utiles" et son coût "serait prohibitif".
"On découvre la mesure de fusion carte vitale/carte d'identité qui est manifestement techniquement impossible à mettre en oeuvre et pour laquelle la CNIL est profondément opposée", avait tempéré lundi soir auprès de l'AFP un cadre de la place Beauvau sous couvert d'anonymat, pour qui "la solution reste la carte vitale biométrique qui a été votée et qu'il faut mettre en place".
"Dans le rapport Igas-IGF, il est bien dit que les directions de Beauvau ont été saisies de ce sujet", a répliqué Bercy mardi matin, assurant que l'Agence nationale des titres sécurisés "qui dépend de Beauvau" et la direction de l'administration territoriale avaient donné "un avis favorable en disant que c'est totalement faisable techniquement".
La fraude sociale est évaluée à 8 milliards d'euros
Selon Bercy, la fraude sociale est évaluée à 8 milliards d'euros de prélèvements sociaux "éludés au titre du travail informel" (soit ni fiscalisé ni déclaré, NDLR), 2,8 milliards de prestations sociales versées par les caisses des allocations familiales, 200 millions par les caisses de retraite du régime général, et "entre 3 et 7 % de certaines dépenses d'assurance maladie".
Gabriel Attal se donne dix ans pour mener le chantier de la fraude sociale, avec une première étape en 2027: "deux fois plus de résultats qu'en 2022", soit un objectif de trois milliards d'euros de redressements par an. Ces redressements ont déjà augmenté de 35 % depuis cinq ans, selon lui.
- Il promet la création de 1.000 postes supplémentaires durant ce quinquennat et un investissement d'un milliard d'euros dans les systèmes d'informations.
Engagé dans une opération de séduction des classes moyennes, dont il veut rétablir la confiance dans les services publics, le gouvernement veut cibler les retraités de plus de 85 ans vivant hors des frontières européennes afin de mieux identifier ceux qui sont décédés mais dont les proches continuent à percevoir des allocations.
Le ministre veut aussi "renforcer" les conditions de résidence en France
Selon Gabriel Attal, plus d'un million de pensions sont versées à l'étranger, dont la moitié hors d'Europe et 300.000 en Algérie.
Le ministre veut aussi "renforcer" les conditions de résidence en France "pour bénéficier d'allocations sociales". Il faudra désormais passer neuf mois de l'année dans le pays, contre six actuellement, pour bénéficier des allocations familiales ou du minimum vieillesse. De même pour les aides au logement (APL) qui ne nécessitent aujourd'hui que huit mois de présence.
Gabriel Attal souhaite notamment que les organismes de protection sociale puissent vérifier les listes de passagers des compagnies aériennes et saisira la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Concernant les cotisations des employeurs, il entend augmenter les moyens des Urssaf pour limiter la fraude, à travers des embauches et un meilleur croisement des données.
En outre, le plan prévoit le paiement à la source des cotisations des micro-entrepreneurs par les plateformes qui les font travailler, à l'instar d'Uber ou Deliveroo, car un certain nombre sous-déclarent, ce qui représente selon le ministre "une bombe sociale à retardement" dans la mesure où ils ne cotisent pas assez.
(Source AFP)