"Depuis 60 ans, la forêt morvandelle naturelle composée de feuillus est progressivement rasée et remplacée par des résineux", constate Sylvain Mathieu, président du Parc naturel régional du Morvan (PNRM) et vice-président PS du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Jadis marginaux, les résineux représentaient en 2016 47% des 155.000 hectares de forêts du Morvan, selon les derniers chiffres du PNRM.
Face à ce constat, le Parc tente depuis 2004 de limiter les "coupes rases", une méthode qui fait disparaître l'ensemble d'une parcelle forestière, libérant de grandes quantités de carbone tout en détruisant non seulement un paysage, mais également les sols et la biodiversité, selon les opposants à cette pratique.
Refus de l'Etat
Le but est de faire place à des résineux, généralement le pin Douglas. Cet arbre à pousse rapide produit 400 m3 l'hectare, à 60-70 euros le m3, tandis que le feuillu produit 100 m3, pour 50 euros en moyenne l'unité. Le Parc a demandé à l'État, dès 2018, de soumettre à autorisation toute coupe rase à partir de 0,5 ha, contre 4 ha actuellement, ce qu'il a refusé. Le PNRM estime ce refus contraire au droit européen, qui exige l'évaluation des "incidences sur l'environnement" de tout déboisement.
Le Parc a donc saisi le Conseil d'État en avril, confirme-t-on de source proche du dossier.
"C'est un geste symbolique fort et une démarche courageuse"
Plusieurs associations environnementales morvandelles demandent purement et simplement l'interdiction des coupes rases, comme c'est le cas en Suisse depuis 1876 - et en Autriche pour toute coupe de plus de 2 hectares. Mais la demande du PNRM est déjà "une bonne chose", estime Frédéric Beaucher, fondateur et gérant du "Chat Sauvage", un groupement forestier de citoyens prêts à acheter des feuillus du Morvan pour les sauver de l'enrésinement. "C'est un geste symbolique fort et une démarche courageuse qui va permettre de dire sur la place publique pourquoi ces coupes rases sont dramatiques", déclare-t-il à l'AFP.
"C'est une très bonne initiative", abonde Lucienne Haèse, fondatrice du Groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan (GFSFM). "La priorité est de faire changer la loi française car le code forestier ne tient actuellement aucun compte de l'environnement: le propriétaire fait ce qu'il veut. L'important est d'intégrer pour tout projet une évaluation de l'impact environnemental."
(AFP)