Le Parc naturel régional du Morvan (PNRM), recouvert de forêts sur 135.000 hectares, avait saisi le Conseil d'État en avril 2022. Il lui demandait de contraindre le gouvernement français à accepter sa demande, faite en 2018, de soumettre à autorisation toute coupe rase à partir de 0,5 hectare, contre 4 hectares actuellement.
Selon le Parc, la France se serait ainsi conformée à la directive européenne du 13 décembre 2011, qui exige l'évaluation des "incidences sur l'environnement" de tout déboisement, laissant aux États membres le loisir de fixer le seuil d'application (à partir de 0,5 hectare, a décidé la France). Mais, dans un jugement consulté par l'AFP, le Conseil d'État rappelle qu'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que la directive invoquée par le Parc "vise, non pas tout déboisement, mais uniquement les opérations réalisées en vue de conférer aux sols concernés un nouvel usage". Les coupes rases qui ne mettent pas fin à une destination forestière ne sont donc pas concernées, selon le Conseil.
Les coupes rases, interdites en Suisse depuis 1876
Ces coupes, également appelées "à blanc", libèrent de grandes quantités de carbone tout en détruisant non seulement un paysage, mais également les écosystèmes et les sols, selon les opposants. Plusieurs associations environnementales demandent purement et simplement l'interdiction des coupes rases, comme c'est le cas en Suisse - depuis 1876 - et en Autriche pour toute coupe de plus de 2 hectares.
Un jugement positif du Conseil d'État aurait "fait gagner du temps", a réagi auprès de l'AFP Frédéric Beaucher, fondateur et gérant du "Chat Sauvage", un groupement forestier de citoyens qui rachètent des feuillus du Morvan pour sauver la forêt traditionnelle. Il estime que "cette pratique est condamnée à terme".
"Il y a quand même une prise de conscience de l'aberration des coupes rases : les sylviculteurs eux-mêmes réalisent que le taux de reprise, quand on replante, est de plus en plus faible en raison de l'érosion des sols", explique M. Beaucher. Interrogé, le Parc n'a pas voulu commenter le jugement, se laissant le temps de "l'analyser".
Les coupes rases sont de plus très souvent destinées à planter des monocultures de résineux, plus rentables mais très pauvres en biodiversité. Les feuillus (chênes, hêtres et autres châtaigniers) représentent encore 54% de la forêt morvandelle, contre 35% pour les résineux et 11% pour les essences mélangées. Mais la part des pins et autres épicéas progressent rapidement : de 2005 à 2016, 10.800 hectares de résineux ont été plantés tandis que 4.300 hectares de feuillus ont été arrachés, selon les chiffres du Parc.
(Source AFP)