Sept syndicats de fonctionnaires sur neuf ont "claqué la porte" mercredi 13 février 2019 de la réunion animée par le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt, en charge de cette réforme explosive, pour dénoncer une profonde "remise en cause du socle" et du statut de la fonction publique.
Dans le projet de loi qui doit être présenté ce jeudi 14 février 2019 à la presse, fin mars en Conseil des ministres et dont l'AFP a obtenu copie, il est évoqué la création d'un "comité social d'administration", instance unique qui en remplacera deux ("CT" et "CHSCT") en s'inspirant de ce qui a été fait dans le secteur privé. Selon Bercy, il s'agit de rompre avec des "instances trop nombreuses, traitant de chaque cas individuel" et qui font que "le dialogue social perd en efficacité".
Les prérogatives des commissions administratives paritaires seront restreintes aux situations exceptionnelles (procédures disciplinaires, recours). Ces "CAP" ne gèreront donc plus la mobilité des fonctionnaires.
Un point technique mais crucial, s'inquiètent les syndicats, comme l'Unsa qui pense que cette "transformation renforcera l'individualisation des relations entre le supérieur hiérarchique et l'agent". Luc Farré, secrétaire général de l'Unsa, y voit une "tentation" de mise à l'écart des syndicats chez les 5,5 millions de fonctionnaires.
La réforme prévoit aussi, comme attendu, une rémunération au mérite qui "peut tenir compte" des "résultats professionnels", sur le modèle du secteur privé, même si le détail passera surtout par voie réglementaire.
"Riposte"
Autre point d'achoppement, le projet élargit les possibilités de recours à des contractuels sur des postes à haute responsabilité, notamment de directeurs généraux.
Afin d'en finir avec un excès "de normes et de lourdeurs (qui) entravent" les agents, selon les termes du cabinet d'Olivier Dussopt, il est encore prévu dans cette réforme d'élargir le recours aux contractuels pour les emplois publics de toutes les catégories lorsque les fonctions ne nécessitent pas de "formation spécifique".
Par ailleurs, entre autres ponts jetés entre le public et le privé, le texte introduit l'expérimentation de la rupture conventionnelle pour les agents en CDI et la garantie, dans le cadre de "plans de départs volontaires", d'un reclassement ou d'un accompagnement dans le privé.
La réforme doit également intégrer dans la loi un protocole sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Une harmonisation du temps de travail, en particulier dans la fonction publique territoriale est également prévue. En effet, les collectivités bénéficient de dérogations : le temps de travail y est en moyenne de 34 heures par semaine. Augmenter ce temps de travail permettrait de dégager l'équivalent de 32.000 emplois (temps plein), soit près de la moitié des suppressions de poste dans la fonction publique territoriale promises par Emmanuel Macron d'ici à 2022.
"Cette réforme n'est pas celle de la fin du statut ou de la +casse+ du service public. C'est au contraire celle d'un statut modernisé, adapté aux (...) nouveaux besoins de la société", souligne-t-on à Bercy.
A l'inverse, les organisations syndicales ont "claqué la porte car le texte n'est pas acceptable" et qu'Olivier Dussopt "n'entend rien de nos revendications", a déploré auprès de l'AFP Gaëlle Martinez, déléguée nationale de Solidaires-Fonction publique à la sortie de la réunion.
Les organisations réclament, a minima, le renforcement des postes statutaires et un dégel du point d'indice, qui fige le salaire des fonctionnaires depuis 2010 (à l'exception de 2016 et 2017).
Le projet de loi, qui doit désormais passer en Conseil commun de la fonction publique le 6 mars pour validation, "reprend les pires craintes qu'on pouvait avoir", insiste Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT-Fonctionnaires, premier syndicat de la branche.
Avec seulement deux semaines pour proposer des amendements, c'est "un passage en force sans précédent" et une "mise à mort" à terme du statut des fonctionnaires. Qui appelle, selon M. Canon, une "riposte syndicale sans précédent". Les organisations se réuniront lundi prochain pour déterminer si elles appellent à la grève.
(AFP)