Flics, voyous et politiques

Deux tiers des Français estiment que les élites sont corrompues. C’est ce qui ressort d’un sondage Harris Interactive paru en octobre 2016. Une image donc dégradée des politiques et de l’institution républicaine qui gagne du terrain, alimenté aussi par le populisme du moment, tout autant qu’il l’entretien. Une spirale peut-être dangereuse, délétère.

Il y a quelques jours, d'ailleurs, le 9 octobre, la chaîne de télévision France 5, à une heure de grande écoute, nous proposait un regard particulier sur les relations entre la République et des voyous. (Les Gansters et la République de Frédéric Ploquin et réalisé par Julien Johan)

Avec force, images d'archives et interviews d'hommes politiques, de policiers et magistrats, avec des précisions apportées par des historiens ou spécialistes en criminologie, le portrait a été dressé d'une drôle de République acoquinée à la voyoucratie, représentée là par des braqueurs de banques, des proxénètes et autres trafiquants de drogues, tous au verbe haut, à la parole parfois tellement minée par l'argot qu'il était nécessaire de les sous-titrer. Mais il n'y avait là rien de la saveur des Tontons Flingueurs d'Audiard.

Si le tout présentait un excellent historique des faits du grand banditisme depuis 1945, il n'était pas possible d'échapper à un certain malaise.

Soit, les oeuvres de basse police du Service d'action civique (SAC) ont bien été dénoncées, malgré la pédale très douce mise pour ne pas évoquer certains politiques. La truculence supposée de Charles Pasqua mettait bien en évidence la noirceur de certains combats et de certaines méthodes de cette partie de la sphère politique qui était la sienne, en évitant d'éclabousser ceux pour qui il mettait les mains dans le cambouis. Pour faire bonne mesure, Gastounet, Gaston Defferre socialiste de Marseille, n'était pas oublié.

Soit, mais pourquoi ce malaise alors ? Probablement parce que ce documentaire – fort bien fait par ailleurs – tendait à distinguer les "méchants politiques" de ces presque "gentils voyous", car présentés là, non sans un certain romantisme fasciné, comme de doux hurluberlus marginaux.

Il est possible de penser que la République mérite mieux de ceux qui l'observent et parfois soulignent nécessairement ses errements. L'univers du banditisme, lui, ne méritait pas un regard si complaisant. Le risque, c'est de continuer à infuser ce poison très populiste qui fait de la République, pour ceux qui la détestent, une voyoucratie.

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