Ce texte, "relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie", constitue la grande réforme sociétale du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui s'était engagé de longue date à changer la législation en la matière. Mais l'exécutif prend le risque de réveiller de forts clivages éthiques et religieux sur le bien-fondé de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté.
M. Macron, qui a présenté les grandes lignes de ce projet en mars, se refuse à employer ces deux termes, préférant celui d'"aide à mourir". Toutefois, il s'agit bien de proposer à certains patients le moyen de se suicider et, quand ils sont incapables d'accomplir le geste fatal, de le faire pour eux.
Reste que les conditions seront très strictes, comme en témoigne une version consultée par l'AFP avant le passage du texte fin mars devant le Conseil d'Etat. Selon cette version, qui pourrait avoir un peu bougé entretemps, l'aide à mourir sera réservée aux patients majeurs, nés en France ou résidant de longue date dans le pays, et en mesure d'exprimer clairement leur volonté. Il faudra également ressentir des souffrances intolérables et impossibles à traiter, physiques ou psychologiques.
Enfin, le pronostic vital devra être engagé à court ou moyen terme, une formulation qui laisse de fait une grande marge d'appréciation aux soignants. Car une fois qu'un patient demandera une aide au suicide, ce sera à un médecin de se prononcer après une procédure lui laissant jusqu'à 15 jours. Il le fera seul, mais forcément après avoir consulté d'autres soignants.
Soins palliatifs
Pour M. Macron, ces conditions permettent un "équilibre" en créant un "modèle français" de la fin de vie. Mais ce juste milieu revendiqué ne satisfait pleinement ni les adversaires ni les partisans de la légalisation de l'aide au suicide ou de l'euthanasie. Les premiers expriment un vif rejet face à ce qu'ils voient comme une dérive majeure. Vent debout contre le texte, l'Eglise de France vient ainsi de se doter d’un porte-parolat dédié de quatre évêques
Mais les opposants se recrutent au-delà des rangs religieux : ils comptent aussi de nombreux soignants, notamment dans les soins palliatifs.
Selon eux, il faudrait d'abord se préoccuper du développement de ces soins, encore peu disponibles en France, pour s'assurer que des patients ne réclament pas de mourir faute de trouver une prise en charge adaptée à leurs derniers jours. Le sujet figurera en partie dans le projet de loi et, parallèlement à celui-ci, une "stratégie décennale" des soins palliatifs sera présentée en Conseil des ministres.
Celle-ci prévoit notamment d'augmenter peu à peu les dépenses publiques en la matière pour atteindre 2,7 milliards d'euros annuels - contre 1,6 milliard actuellement - en 2034.
"Pour l'instant les moyens n'y sont pas du tout", a commenté le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, sur franceinfo.
Selon une étude de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) parue dans La Croix, 80% des professionnels adhérents "refuseraient de prescrire, fournir, préparer et/ou administrer un produit létal". "Un médecin peut faire jouer sa clause de conscience. A ce moment-là, il faut mettre le patient en contact avec un autre médecin pour pouvoir l'accompagner", a mis en avant la ministre de la Santé Catherine Vautrin mercredi sur TF1.
Les partisans de l'aide à mourir, eux, sont insatisfaits mais moins virulents. S'ils regrettent des conditions trop restrictives, ils se montrent soulagés de voir arriver un texte qu'ils craignaient de voir passer à la trappe. L'exécutif a en effet pris le temps pour élaborer ce projet : une année, marquée par de multiples reports.
Les députés vont entamer fin mai l'examen du texte dans l'hémicycle, début d'un long trajet parlementaire qui pourrait prendre jusqu'à deux ans avant l'adoption d'une loi en bonne et due forme.
Une commission spéciale ad hoc se réunira mercredi après-midi pour les nominations à ses postes-clés et arrêter un calendrier de travail. Le député MoDem Olivier Falorni, très investi sur le dossier, est fortement pressenti pour obtenir le poste-clé de rapporteur général.
(Source AFP)