À l'arrivée des secours mardi, la victime gisait dans son sang. Malgré tous les soins prodigués par le médecin, elle était "en dehors de toute ressource thérapeutique" selon le procureur de la République de Besançon Étienne Manteaux. Le décès a été constaté sur la voie publique.
Une enquête de flagrance, diligentée par le commissariat de Besançon, a été ouverte pour homicide volontaire. Un témoin a assisté quelques minutes avant à cette "une scène de violence, mais n'a pas du tout mesuré la gravité de ce qu'il se passait, sans voir une arme, seulement la victime et un individu", explique le procureur.
La victime a reçu huit coups d'un objet contondant, dont plusieurs au cou sectionnant la carotide. L'arme du crime n'a pas été retrouvée. Il s'agirait vraisemblablement d'un couteau selon Etienne Manteaux.
Une enquête qui a "extrêmement" progressé en 24 heures
Quinze à vingt enquêteurs du commissariat de police de Besançon ont été mobilisés mardi dans le cadre de cette affaire ainsi qu'une cinquantaine d'agents de la voie publique.
Le sac à main et le cabas à roulette de la victime n'ayant pas été touchés ni détroussés, le crime crapuleux a été très rapidement écarté par les enquêteurs. "Toutefois, la scène démontrait un grief particulier contre la victime", indique Etienne Manteaux.
L'exploitation de la vidéosurveillance dans le quartier a permis prendre connaissance de nombreux éléments pour faire avance cette enquête.
Le rôle "déterminant" de la vidéosurveillance
C'est grâce à l'exploitation rapide de la vidéosurveillance aux abords d'une station de tram proche de la scène du crime que les enquêteurs ont pu retrouver cinq minutes avant l'appel des pompiers, la victime sortant du tram et surtout identifir son mari, qui se dissimulait au regard de son épouse et qui la suivait. "Ce qui change radicalement la physionomie du dossier et ce qui m'a amené à demander aux enquêteurs de requalifier les faits en assassinat puisqu'on n'est plus sur le fait de donner la mort à quelqu'un sans aucune préméditation".
Le procureur évoque vivement le caractère "déterminant" de l'exploitation de la vidéosurveillance dans l'élucidation des affaires, "même si ça ne prévoit pas le passage à l'acte" précise-t-il, et notamment dans cet affaire. "Le fait de bénéficier à la fois de vidéoprotection dans le tram et à proximité des arrêts a permis de comprendre quand et comment se sont déroulés les faits et d'identifier l'auteur présumé des faits".
La situation familiale de la victime
Cette femme, originaire d'Afghanistan, était arrivée en France en 2017. Elle avait trois enfants et était mariée à un homme afghan depuis 14 ans.
"À son arrivée en France début 2017, l'épouse a souhaité se séparer de son compagnon et père de ses 3 enfants", souligne le procureur avant de préciser qu'elle a été hébergée à Marseille, à Toulon puis à Besançon dans des structures d'aide aux femmes violentées. Depuis septembre 2017, elle était à Besançon, accueillie par l'association Solidarité Femme.
Son mari s'est installé début 2018 à Besançon. C'est ce qui a provoqué plusieurs dépôts de plaintes.
Plusieurs plaintes déposées pour violences à Marseille classées sans suite…
La mère de famille avait déposé plusieurs plaintes d'abord à Marseille pour des violences, puis à Besançon pour des actes d'intimidation et des menaces.
"Aucune poursuite n'avait été diligentée suite à ces procédures à Marseille", précise le procureur de Besançon. "Les plaintes ont été classées par le parquet de Marseille en été 2017 parce que les certificats médicaux descriptifs des blessures ne correspondaient pas à la description des violences subies par madame."
Des plaintes déposées à Besançon en cours d'examen
Concernant les plaintes déposées entre mai et août à Besançon pour menaces et actes d'intimidation, "la procédure était à l'examen au parquet", déclare le procureur.
Il explique que "c'est toute la complexité de ces faits, notamment de menaces et d'actes d'intimidation, quand il s'agit de les objectiver. Pour que le parquet engage des poursuites, il faut une preuve, il faut qu'il soit en mesure, à l'audience, de démontrer la certitude de ces faits". Il ajoute : "Il s'avère que ces actes ont été toujours faits en l'absence de tiers. Certains des faits ont été régulièrement commis près de stations de tram, et l'exploitation de la vidéosurveillance ne permettait pas d'objectiver ce qui était dit. Pourquoi ? Parce qu'on voyait plutôt une femme véhémente face à un homme, le repoussant violemment, un poing levé", décrit le procureur. "C'était une situation de conjugalité très complexe, mais pour autant, cette vidéo ne montrait pas ce que l'on voit habituellement d'une femme battue, prostrée, on voyait plutôt une femme réactive et aucun signe de violence de la part de monsieur."
C'est dans ce contexte que sont survenus ces faits du 30 octobre…
Le coup de gueule du procureur de la République de Besançon
"C'est désespérant... Même s'il n'est pas encore condamné, nous avons des soupçons forts pour penser que l'époux de cette femme est l'auteur de ces faits. Cette colère qui m'anime, quand je constate la volonté de cette femme de se séparer de son mari, qui entraine une incompréhension telle de la part de cet homme qui manifestement avait une dimension patrimoniale de sa femme. Le fait que celle-ci veuille le quitter entraine une volonté d'homicide, c'est véritablement insupportable. Donc tout sera fait pour retrouver cet homme et le traduire devant une juridiction répressive. Comment éviter des passages à l'acte d'une telle gravité ?"
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D'importants moyens sont mis en œuvre pour tenter de localiser et d'interpeler l'époux de la victime qui est aujourd'hui le suspect n°1.
Un appel à témoins a été publié sur maCommune.info en fin d'après-midi à consulter ici : www.macommune.info/article/appel-a-temoins