La députée du Doubs explique dans un premier temps avoir reçu "des dizaines de mails et de commentaires sur les réseaux sociaux" dénonçant son vote, "me demandant des explications pour les plus corrects, l’insultant dans un certain nombre d’autres cas". "Mais combien parmi eux sont réellement au courant de ce que contenait cette proposition de loi et des arguments que nous avons mis en avant pour la rejeter ? Nous serions opposés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap ? La réalité des choses est bien loin de la vision simpliste de M. Ruffin."
Pourquoi l'a-t-elle rejetée ?
Voter cette proposition de loi, "ce n’est pas être favorable aux personnes handicapées ; ne pas la voter, ce n’est pas les abandonner", explique Fannette Charvier. "Quand on vote la loi, on ne peut se contenter de raccourcis simplistes comme on a pu les entendre sur certains bancs de l’hémicycle ou que l’on peut lire sur les réseaux sociaux. Personne ne prétend que la situation des élèves, de leurs parents, de leurs accompagnements est parfaite et nous savons la précarité statutaire et financière que connaissent les accompagnants scolaires. Le sujet est d’importance et mérite bien mieux que des manœuvres politiciennes."
La proposition de loi comptait huit articles que la députée et les membres de la Commission des Affaires culturelles et de l’éducation LaREM ont rejeté un par un lors de son examen en commission.
Voici son argumentaire :
ARTICLE 1er : Création d’un nouveau statut d’aidant à l’inclusion scolaire, se substituant à tous ceux existants actuellement. Cet article prévoyait également la possibilité pour les aidants à l’inclusion scolaire d’accompagner les élèves pendant les sorties scolaires.
"Pourquoi nous l’avons rejeté ?
- Le Gouvernement est déjà à l’œuvre sur la question soulevée par la proposition de loi de la mise en place d’un statut unique, grâce à l’accélération de la transformation des emplois aidés jugés trop précaires, en AESH (transformation qui s’achèvera en 2020) ;
- La question de la transformation des CDD en CDI est déjà satisfaite, les AESH étant des agents contractuels engagés par un CDD dans un premier temps, qui a vocation à se transformer en CDI au bout de 6 années d’exercice. En outre, les AESH interviennent déjà sur les sorties scolaires ;
- Le statut « d’aidant » proposé est par ailleurs contraire à ce qui est voulu par le collectif AESH, preuve que la proposition de loi n’a pas été élaborée en lien avec les acteurs de terrain."
ARTICLE 2 : Création d’une formation pour ces aidants, reconnue par l’État, avec des différenciations par diplôme en fonction de leurs spécialisations, des handicaps ou encore du niveau d’encadrement qu’ils savent gérer.
"Pourquoi nous l’avons rejeté ?
- Ce diplôme existe déjà. Un décret de juillet 2018 consolide la formation d’adaptation à l’emploi en affichant l’obligation d’un volume de 60 heures de formation au minimum. Les AESH qui ne
- sont pas titulaires d’un diplôme professionnel dans le domaine de l’aide à la personne suivent donc désormais une formation d’adaptation à l’emploi d’une durée d’au moins 60 heures incluse dans leur temps de service effectif. L’enjeu, aujourd’hui, est davantage de favoriser l’accès effectif à cette formation de base et et de la compléter par un parcours de formation qualifiant en cours d’emploi."
ARTICLE 3 : Possibilité pour les aidants de passer le Bafa (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) pendant leur formation.
"Pourquoi nous l’avons rejeté ?
- Le Bafa est un diplôme non qualifiant et non professionnalisant, permettant d’assurer des fonctions d’animateurs volontaires. Cette sensibilisation ne semble pas être pertinente ; la commission a d’ailleurs adopté deux articles de suppression des groupes PS et France Insoumise."
ARTICLE 4 : Réduction des délais de traitement des demandes auprès des MDPH à deux mois maximum et opposables dès le premier jour de scolarité de l’enfant.
"Pourquoi nous l’avons rejeté ?
- Cette proposition ne semble pas suffisante au regard des situations actuelles.
- La notion d’opposabilité à l’école d’une décision qui incombe à la MDPH apparaît à ce jour incantatoire. Le Gouvernement partage le constat, mais cherche à simplifier et fluidifier les procédures plutôt que de multiplier les recours."
ARTICLE 5 : Création d’un « parcours éducatif spécialisé » pour chaque enfant en situation de handicap.
"Pourquoi nous l’avons rejeté ?
- Si l’approche transversale préconisée va dans le sens de ce qui est envisagé, la notion de «parcours inclusif spécialisé » semble contradictoire."
"La proposition de loi comportait également trois autres articles, sur l’application technique et financière, que nous avons également tous rejetés", précise la députée du Doubs.
"Cette proposition de loi ne satisfaisait ni les associations de parents d’élèves en situation de handicap ni les associations"
Pour Fannette Charvier, "Cette proposition de loi ne traite pas le sujet dans son ensemble puisque l’école inclusive ne peut se réduire au recrutement des AESH". Elle ajoute que "la majorité a rejeté cette proposition de loi volontairement inutile et mal-ficelée et l’assume : notre politique d’inclusion se veut globale et collective, au plus près du terrain. La loi de 2005 sur le handicap existe, il suffit juste de l’appliquer pleinement, ce à quoi le gouvernement s’emploie, sans la nécessité de passer par une nouvelle loi." Selon la députée, "le gouvernement a choisi une méthode de co-construction avec en vue d’une transformation dans le respect des personnes concernées avec la consultation d’experts, des professionnels et des familles. Les Républicains souhaitaient que cette loi rentre en vigueur d’ici deux ans. Le Gouvernement et la majorité agissent dès maintenant parce que nous ne pouvons plus attendre."
Fannette Charvier affirme qu"'Il est à noter que cette proposition de loi ne satisfaisait ni les associations de parents d’élèves en situation de handicap ni les associations d’AESH ; peut-être la concertation de ces acteurs en amont aurait permis au rapporteur du texte de faire des propositions plus en phase avec les attentes du terrain.'