Étude Insee : les frontaliers habitent de plus en plus loin de leur travail…

Selon la dernière étude de l’Insee Bourgogne Franche-Comté publiée jeudi 28 novembre 2024, près de 48.000 actifs résidant dans la région traversent la frontière pour rejoindre leur travail en Suisse. Leur temps moyen de trajet domicile-travail est plus élevé que celui des frontaliers des autres régions car leurs emplois sont loin de la frontière suisse.

© Alexane Alfaro

Début 2024, l’Office fédéral de la statistique suisse dénombre 47.900 frontaliers, effectivement actifs en Suisse et résidant en Bourgogne-Franche-Comté. En 2021, ils représentent 3 % de la population active de la région. Ces frontaliers bourguignons-francs-comtois sont aussi nombreux que ceux résidant en Grand Est, mais trois fois moins qu’en Auvergne-Rhône-Alpes. Leur nombre croît dans ces trois régions respectivement de 50 %, 54 % et 17 % entre 2010 et 2021.

Le marché du travail suisse est dynamique, fortement demandeur de main-d’œuvre en raison du vieillissement de ses actifs. Il permet aux frontaliers de bénéficier de salaires élevés. Ces rémunérations sont encore plus attractives avec l’appréciation du franc suisse face à l’euro, +20 % entre 2010 et 2021. De plus, en habitant en France, les frontaliers bénéficient d’un coût de la vie plus modéré. Le revers de la médaille est pour ces frontaliers des déplacements de plus en plus longs.

Un profil lié aux emplois industriels qu’ils occupent

Plus d’un frontalier de la région sur deux travaille dans l’industrie, notamment en raison de la proximité des entreprises de l’horlogerie suisse. Cette proportion est bien plus faible dans le Grand Est (32 %) et en Auvergne-Rhône-Alpes (12 %).

Les frontaliers bourguignons-francs-comtois ont donc des profils typiques du secteur industriel. Ils sont ouvriers pour la moitié, très souvent qualifiés, contre moins du tiers dans les autres régions jouxtant la Suisse. 31 % sont diplômés d’un CAP ou BEP. Ils sont par ailleurs plus jeunes, près de la moitié d’entre eux a moins de 40 ans. Enfin, environ six frontaliers sur dix sont des hommes.

Un travail relativement éloigné

En 2021, les frontaliers de la région parcourent en moyenne 43 km pour se rendre sur leur lieu de travail, c’est 8 km de plus que ceux de Grand Est et 15 km de plus que ceux d’Auvergne-Rhône-Alpes 1). En 11 ans, le trajet moyen s’est allongé de 4 km et la part des trajets de plus de 50 km est passée de 24 % à 31 %.

Cet éloignement aux pôles d’emploi suisses peut expliquer que peu de frontaliers de nationalité suisse résident en Bourgogne-Franche-Comté, alors qu’ils sont plus nombreux en Grand Est près de Bâle, et en Auvergne-Rhône-Alpes aux abords de Genève.

Une résidence conditionnée par l’accessibilité aux emplois suisses

Les frontaliers bourguignons-francs-comtois résident de manière dispersée aux abords des 230 km de frontière avec la Suisse, dans des territoires souvent montagneux. La majorité habite dans la zone d’emploi de Pontarlier où le nombre de frontaliers augmente de manière importante, +6.900 entre 2010 et 2021. Les autres frontaliers résident dans les zones d’emploi de Saint-Claude, Montbéliard et Belfort où leurs effectifs augmentent également fortement, jusqu’à +76 % dans les deux dernières zones citées.

La croissance du nombre de frontaliers augmente la saturation aux points de passage, peu nombreux, en raison de l’aspect montagneux. Le flux de frontaliers passant par la commune frontalière de Villers-le-Lac, dans la zone d’emploi de Pontarlier, atteindrait quotidiennement 8 300 individus en 2021, contre 6 100 en 2010. Plus au sud, il serait de 7 600 au col de Jougne, contre 4 500 auparavant. En raison de sa forte progression dans les zones de Belfort et Montbéliard, le nombre de frontaliers au point de passage de Delle a plus que doublé sur la même période.

Les pôles d’emploi suisses sont relativement peu nombreux à proximité immédiate de la frontière, et d’importance limitée. Ainsi, les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté doivent parcourir en moyenne 22 km de trajet en Suisse pour rejoindre leur travail, soit deux fois plus que les frontaliers d’Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Ces derniers peuvent en effet travailler à Genève et Bâle et habiter moins loin, dans leurs couronnes périurbaines situées en France.

Près de la moitié des frontaliers de la zone d’emploi de Pontarlier travaille dans le canton de Neuchâtel (12 000 individus) et plus du tiers dans celui de Vaud (8 700). D’autres, de plus en plus nombreux, occupent des emplois dans des pôles helvètes plus éloignés. Ainsi, la distance domicile-travail moyenne des frontaliers résidant dans la zone de Pontarlier augmente, +8 % entre 2010 et 2021.

Les frontaliers des zones de Belfort et Montbéliard font les plus longs trajets côté suisse. En effet, le canton helvète du Jura est desservi par une autoroute permettant de parcourir rapidement de longues distances.

Les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté émettent plus de CO2

97 % des frontaliers de la région utilisent la voiture pour se rendre en Suisse. La topographie montagneuse n’étant pas favorable aux transports collectifs, ils sont peu développés. L’usage de la voiture est également très majoritaire pour les frontaliers d’Auvergne-Rhône-Alpes, mais il est en baisse ces dernières années grâce à une utilisation accrue des transports collectifs et des modes doux dans la couronne périurbaine de Genève.

Parce qu’ils parcourent, en voiture, de plus longues distances, les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté émettraient chaque année plus de 2,1 tonnes en équivalent CO2 , davantage que ceux d’Auvergne-Rhône-Alpes, 1,1 tonne.

Le parc automobile n’apparaît pas plus polluant. La part des véhicules émettant plus de 150 g/km se limiterait même à 14 % dans la zone d’emploi de Pontarlier, un peu moins que dans l’ensemble des autres zones frontalières avec la Suisse, 16 %.

Pour atténuer les émissions de CO2, le développement du télétravail pourrait constituer un levier. Mais son impact ne serait que marginal, en effet les frontaliers de Bourgogne-Franche-Comté étant surtout des ouvriers de l’industrie, leurs emplois ne sont généralement pas télétravaillables. Le covoiturage, encouragé par les pouvoirs publics, est également un moyen de réduire l’empreinte carbone des trajets transfrontaliers.

(Communiqué)

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