Escroquerie, abus de biens sociaux, travail dissimulé… Les détails de l’affaire de la salle de sport Everest à Besançon

Publié le 29/06/2023 - 16:22
Mis à jour le 30/06/2023 - 11:12

Dans le but d’objectiver l’enquête préliminaire en cours depuis avril 2023 dans l’affaire notamment de la salle de sport Everest à Besançon et de la société SH ainsi que de 20 autres sociétés, toutes co-dirigées par un même couple, le procureur de la République de Besançon Étienne Manteaux, a convoqué la presse ce jeudi 29 juin en début d’après-midi.

L’enquête préliminaire fait suite à deux signalements reçus par le parquet de Besançon en février et mars 2023, provenant d’une part de la direction régionale de Jeunesse et Sport et de la direction régionale de l’Emploi et du Travail, d’autre part. Ces signalements faisaient état de fraudes possibles, notamment et principalement suite à l’embauche d’apprentis. 

Le procureur contextualise en précisant que depuis plusieurs années, le gouvernement français a mis en place des dispositifs d’aide à l’apprentissage, dont l’une permettant aux employeurs d’embaucher des apprentis avec une aide atteignant les 8.000€ par apprenti et une exonération des charges sociales. L’autre dispositif allouant aux centres de formation jusqu’à 7.800€ par apprenti pour suivre des heures de formation et exercer un travail en entreprise.

Des apprentis qui gèrent les entreprises

Dans le cadre des 22 sociétés du couple âgé de 39 ans, les signalements reçus par le parquet de Besançon faisaient apparaitre une fraude possible au travers de toutes ces sociétés créées au fur et à mesure, dont une société de formation, SH Formation à Besançon, et 21 autres SARL étant des salles de sport, dont Everest à Besançon, mais aussi dans l’ensemble de la Bourgogne Franche-Comté, dans le Haut-Rhin et dans l’Ain. 

Ainsi, le centre de formation a perçu des aides de l’État pour accueillir des apprentis pour suivre des formations liées au sport. Quant aux salles de sport, elles ont perçu des aides pour embaucher des apprentis. Problème dévoilé par l’enquête préliminaire (qui est toujours en cours) : nombre d’apprentis se sont retrouvés à la gestion de salles de sport, sans maître de stage, sans encadrement. ”Certains ont rapporté qu’ils avaient été embauchés en tant qu’apprentis, mais nous sommes tous seuls et sans aucune formation et nous devons faire fonctionner ces salles de sport”, indique Etienne Manteaux.

Plus de 1.6 million d’euros d’aides versées 

Une perquisition a été diligentée le 6 avril 2023 dans la salle Everest et au centre SH Formation. L’enquête a permis d’objectiver ”pour une très large part”, les éléments des signalements de la direction régionale Jeunesse et Sports et de la direction régionale de l’Emploi et du Travail. 

La perquisition a également permis d’objectiver une suspicion de fraude au recours au chômage partiel. Le procureur explique qu'”il y avait des apprentis, mais aussi des salariés déclarés en chômage partiel alors qu’ils travaillaient à plein temps, mais le complément leur était apporté en numéraire, ce qui a permis de bénéficier d’aides au chômage partiel”.

À ce jour, jeudi 29 juin, 1,6 million d’euros ont été versés à ces entreprises dans le cadre des dispositifs d’embauche des apprentis. ”Sur les 160 apprentis qui ont été recrutés depuis 2019, à cette heure, seuls 10% de ces apprentis affirment avoir été formés, avoir bénéficié d'un maître d’apprentissage et avoir un taux d’encadrement à raison d’un salarié pour deux apprentis”, abonde Etienne Manteaux. De plus, 500.000€ ont été versés aux entreprises dans le cadre du chômage partiel et les investigations se poursuivent.

Etienne Manteaux © Alexane Alfaro

Le couple de dirigeants a été placé en garde à vue le 13 juin. Selon le procureur, ils se sont expliqués ”de façon assez limitée”, sur des questions compliquées ”ils ont gardé le silence”. 

Ce qui a été mis en évidence lors des auditions, c’est le responsable opérationnel de Everest qui lui aussi était un apprenti ”qui n’a fait aucune heure de formation chez SH Formation et qui travaillait comme un salarié, mais sous le statut d’apprenti.”

Par ailleurs, le dirigeant de SH Formation ”n’était même pas un salarié de SH Formation, mais avait un statut d’auto-entrepreneur”, souligne Étienne Manteaux.

Des centaines de milliers d’euros transférés en Lituanie et en Tunisie

À ce jour, l’ensemble des investigations viennent confirme la teneur des signalements, il y a eu des saisies patrimoniales ”puisque l’enjeu sur ces dossiers est d’essayer de faire en sorte que le préjudice qui apparaît déjà massif pour Trésor public, puisse être compensé par des sanctions financières qui reviendront au Trésor public”, explique-t-il. Pour l’instant, 660.000€ ont été saisis sur les comptes des sociétés et sur les comptes personnels des époux ainsi que deux voitures de prestige. ”Des comptes qui étaient en Lituanie, des gels de fonds qui vont être rapatriés en France ; il est d’ailleurs apparu que le responsable opérationnel se voyait remettre des fonds pour les encaisser sur son compte et les reverser sur des comptes en Lituanie.”

Il a également été mis en évidence plus de 800.000€ de fonds transférés dans des entreprises tunisiennes, qui appartiennent aussi au couple suspecté, ”des entreprises qui étaient censées faire des prestations de comptabilité et de suivi des comptes, mais l’énormité des fonds transférés n’est pas du tout en corrélation avec les prestations qui pouvaient être effectuées”, précise le procureur.

Les dirigeants, dépossédés de leurs 22 entreprises

Dans parallèle de ces investigations dans le cadre d’une enquête préliminaire, une procédure commerciale a été engagée au cours de laquelle il a été demandé par le parquet dès fin avril 2023 au président du tribunal de commerce, une procédure de désignation d’un administrateur de l’ensemble des sociétés, qui a été ordonné ”compte tenu du péril imminent à quelle ces sociétés étaient exposées”. Une décision qui a été contestée par une demande de rétractation de la part du couple dirigeant. Depuis le 12 mai dernier, ils sont dépossédés de leurs 22 sociétés. 

”Depuis que cette administratrice a commencé à examiner les comptes des sociétés, il a déjà saisi le tribunal de commerce à 6 reprises et lancé une procédure collective de redressement judiciaire parce qu’il s’est rendu compte que ces sociétés n’étaient pas viables en l’état, si elles respectent la législation”, explique le procureur.

Derniers éléments évoqués par Etienne Manteaux ce jeudi après-midi : deux exemples de fraudes dont la salle de sport Addict Saint-Vit où cinq apprentis travaillaient à faire fonctionner l’entreprise sans aucun salarié ni encadrement légal.

La qualification des faits retenus :

  • Escroquerie auprès d’un organisme chargé d’une mission de service public
  • Travail dissimulé
  • Abus de biens sociaux

Les investigations se poursuivent. 

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