Marine Le Pen a essuyé dimanche sa troisième défaite à la présidentielle, mais à un niveau élevé inégalé pour l'extrême droite, qui devrait rester une force dominante de l'opposition à Emmanuel Macron.
La candidate du Rassemblement national a réuni autour de 41,46 % des voix selon les estimations, soit environ 8 points de plus qu'en 2017, quand elle avait déjà affronté le même adversaire.
En tout état de cause, on est dans le cadre d'une grande recomposition. C'est une grande victoire d'arracher un 2e tour alors qu'il y avait Eric Zemmour", qui a réuni 7 % des voix, "la bipolarisation se confirme", a estimé Philippe Olivier, beau-frère et proche conseiller de Marine Le Pen.
En outre-mer, où la candidate RN est arrivée largement en tête, "la diabolisation ne semble pas avoir pris", selon lui.
Pour accéder à ces altitudes et hisser le parti d'extrême droite pour la 3e fois au second tour de la présidentielle (après 2002 et 2017), Marine Le Pen a beaucoup "dédiabolisé" son image pendant la campagne afin de "rassurer". Et elle s'était concentrée sur le pouvoir d'achat, faisant passer au second plan ses projets controversés contre l'immigration et l'islamisme.
Russie
Mais entre les deux tours, Marine Le Pen a dû s'expliquer plus en détail sur ses propositions et n'a pas bénéficié de la "radicalité" d'Eric Zemmour, un rival mais aussi un "paratonnerre" qui la faisait apparaître comme "rencentrée".
Elle a proposé de réviser en profondeur, par un référendum, la Constitution pour y inscrire la "priorité nationale", rompant ainsi avec le principe constitutionnel d'égalité, ainsi que la primauté du droit national sur le droit européen et international.
Sur le plan diplomatique, la candidate a suscité l'inquiétude des chancelleries occidentales en proposant à nouveau "un rapprochement stratégique" entre l'Otan et la Russie une fois la guerre en Ukraine terminée.
S'il s'avère qu'il s'agit bien de sa dernière campagne présidentielle -- Marine Le Pen avait dit au Figaro que ce serait "a priori" la dernière --, va se poser rapidement la question de son avenir et celui de son parti.
L'ex-candidate souhaite en tout cas, à 53 ans, continuer "à faire de la politique" mais ne sait pas "sous quelle forme". Actuellement députée du Pas-de-Calais, elle n'a pas dit si elle se représentait aux législatives de juin.
Laurent Jacobelli, un de ses porte-parole, pense qu'avec environ 42 % des voix "on ne peut plus parler" d'un plafond de verre, parce qu'elle a "progressé dans beaucoup de catégories".
Opposante en chef
Pour ce qui est du RN, Marine Le Pen en a confié, le temps de la campagne, les rênes à son fidèle lieutenant Jordan Bardella.
"Le destin de ce parti c'est peut-être d'être, comme le MSI italien (ancien parti fasciste) pendant des décennies, le pôle exclu de la vie politique", avance le politologue Jean-Yves Camus.
Soit une famille politique qui "recueille un pourcentage considérable de voix, qui infuse dans la société mais qui n'arrivera jamais au pouvoir parce qu'elle n'a pas d'alliés" et risque d'obtenir peu d'élus aux législatives avec un scrutin majoritaire à deux tours. Le RN compte actuellement 6 députés.
Marine Le Pen n'a peut-être pas "suffisamment précisé ses projets", comme s'il suffisait "de vouloir pour pouvoir", ajoute M. Camus.
Le RN est en outre "né à l'extrême droite, ça repousse encore des gens", selon ce spécialiste, tandis que son mode de fonctionnement a été critiqué en interne; notamment par des proches de sa nièce Marion Maréchal, partis depuis chez Eric Zemmour.
Reste à savoir si elle parviendra à forger des alliances aux législatives avec son rival de Reconquête ! qu'elle a plutôt ignoré entre les deux tours.
M. Zemmour a lui appelé à une "grande coalition des droites et de tous les patriotes" pour "bâtir une majorité" en juin "contre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon".
Le politologue Pascal Perrineau estime que ça peut être "difficile de se remettre d'une troisième défaite" car "au bout d'un moment, l'électorat peut se lasser et aller voir ailleurs".
Mais "dans le paysage des oppositions très éclaté", Marine Le Pen occupe "la position dominante" et "restera l'opposante en chef".
(Avec AFP)
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