L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) prône "la mise en place d'un plan de surveillance renforcé qui contribuera à disposer de mesures microbiologiques et chimiques fiables", dans une note transmise mi-octobre au ministère de la Santé, révélée jeudi matin par Le Monde et franceinfo, dont l'AFP a obtenu une copie.
D'après le courrier de saisine de l'Anses par les agences régionales de santé (ARS) d'Occitanie et du Grand-Est, daté du 28 avril 2023, figurant en annexe de la note, la société mise en cause est Nestlé. Dans le reste du document, toutes les mentions des marques et des sites concernés sont masquées.
L'Anses a confirmé à l'AFP avoir été saisie par ces deux ARS pour "déterminer les conditions d'une surveillance renforcée de filières d'eau conditionnées" et avoir envoyé ses conclusions au ministère de la Santé le 16 octobre 2023, mais précise que "beaucoup d'éléments étant couverts par le secret des affaires, il était convenu que l'expertise ne soit pas rendue publique".
Contactée par l'AFP, Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France assure que cette note "n'a pas été portée à (sa) connaissance" et tient "à réaffirmer haut et fort que (...) toutes les eaux minérales naturelles mises sur le marché en France sous les marques Hépar, Contrex, Vittel ou Perrier peuvent être consommés en toute sécurité".
Hépar, Contrex et Vittel sont embouteillées dans les Vosges, tandis que Perrier est mis en bouteille à Vergèze (Gard).
"Il n'y a pas de sujet sur la sécurité alimentaire", insiste la dirigeante. Elle mentionne la possibilité d'une présence de "traces résiduelles" de pesticides, mais "très significativement inférieures aux normes en vigueur pour les eaux minérales".
De son côté, la CGT de Nestlé Waters Supply Est (NWSE) "a demandé la tenue d’un CSE extraordinaire afin d’avoir au plus vite les explications de la direction".
Contaminations d'origine fécale
Sur la base des données fournies par les deux ARS, l'Anses relève de "multiples constats de contaminations microbiologiques d'origine fécale" au niveau des sources, qui rendent nécessaire "une surveillance renforcée élargie à un panel de paramètres qui permettront de préciser la vulnérabilité des ressources par rapport à une contamination par des virus pathogènes transmissibles par voie hydrique".
Cette note intervient alors qu'une enquête préliminaire pour tromperie est ouverte par le parquet d'Epinal à l'encontre de Nestlé Waters, soupçonné d'avoir eu recours à des traitements illégaux pour purifier ses eaux minérales, à la suite de premières révélations du Monde et de Radio France.
La saisine de l'Anses par les autorités sanitaires intervient "suite à l'identification par les pouvoirs publics sur différents sites d'exploitation de la présence de systèmes de traitement en amont des points de surveillance mis en place à la suite d'une dégradation de la qualité des ressources", souligne l'agence dans sa note.
"La confiance n'y est pas, il faut cesser la commercialisation et rappeler les bouteilles", plaide l'association de défense des consommateurs Foodwatch.
"Concernant les produits finis, eaux embouteillées, aucune recommandation n'est formulée", précise cependant l'Anses, avant d'ajouter que la présence en "valeurs positives" ou "au-delà des seuils réglementaires" d'éléments microbiologiques ou chimiques "autres que ceux constitutifs et caractéristiques de l'eau minérale (...) ne devraient pas conduire à la production d'eaux embouteillées afin de garantir la qualité sanitaire des eaux minérales naturelles produites".
La réglementation concernant les critères de qualité des eaux minérales naturelles est plus stricte celle concernant l’eau du robinet, que ce soit au moment du captage ou une fois en bouteilles.
Un arrêté de 2007 indique ainsi que "à l'émergence et au cours de leur commercialisation, les eaux doivent être exemptes de germes témoins de contamination fécale, de parasites et de microorganismes pathogènes".
Dans ses conclusions, l'Anses renvoie aux ARS d'Occitanie et du Grand-Est la responsabilité de "faire le choix entre les exigences de surveillance qu'elles entendent, selon le cas, suggérer ou prescrire aux exploitants, et les recommandations qu'elles mettront en oeuvre au titre du contrôle sanitaire qu'elles commanditeront".
Contacté par l'AFP, le ministère de la Santé n'a pas répondu aux sollicitations.
(Source AFP)