Sous l'oeil blasé d'une gardienne qui s'ennuie sur son tabouret, des touristes en bermuda suivent la voix monocorde d'un audioguide pour arriver devant le clou de l'exposition, "Le Christ et la femme adultère" (1653, Nicolas Poussin), où Jésus dit à la foule prête à lapider la fautive: "Que celui qui est sans péché jette la première pierre".
C'est devant cette toile dédouanant l'adultérine que se déroule l'intrigue misogyne de "Cosi fan tutte" (Mozart, 1790). Don Alfonso, un ami, propose un test à deux amants: faire croire à leurs promises qu'ils partent à la guerre, puis revenir et tenter de les séduire, travestis en inconnus.
Alfonso, cynique et blasé, cherche ainsi à prouver aux deux amoureux transis, trop sûrs d'eux-mêmes, que leurs femmes sont par essence infidèles, qu'elles sont "toutes les mêmes" ("Ainsi font-elles toutes", traduction de "cosi fan tutte").
"Misogyne? Certainement", acquiesce Dominique Pitoiset. "Mais ce pari stupide est surtout narcissique: ça ne peut arriver qu'aux autres, pensent les amants".
Persuadé que "l'opéra dialogue avec son temps", il a tenu à une mise en scène contemporaine, au décor très réaliste, qui oppose le "piège grossier misogyne", selon lui, au tableau rédempteur de Poussin, un rééquilibrage encore accentué par des messages féministes qui peuplent le second acte. "En pleine crise Covid et des relations hommes-femmes, je me suis intéressé à une lecture plus morale d'une oeuvre qui semblait libertine", explique-t-il.
"Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre: ce n'est pas simplement la question du pardon et de la justice mais également d'une communauté qui veut lapider. Aujourd'hui, il y a un grand rétropédalage. La société se fragmente", ajoute M. Pitoiset, dont cette première création était très attendue depuis son arrivée contestée à la tête de l'Opéra de Dijon l'an dernier.
Des applaudissements nourris, mais sans ovation, ont suivi la première, dimanche. "L'adaptation contemporaine peut parfois dérouter", avertit France Info, tandis que le quotidien local Le Bien Public salue "un opéra au-delà de la comédie".
(Avec AFP)