Des détenus peignent une fresque à la maison d’arrêt de Besançon : ”Ça nous a permis de nous évader”

Ce mercredi 5 juillet, en milieu de matinée, un évènement inhabituel s’est déroulé dans la cour de promenade du bâtiment D, dit des travailleurs, de la maison d’arrêt de Besançon. Une dizaine de personnes détenues et deux artistes bisontins ont présenté une fresque murale géante qu’ils ont créée en près de 10 jours. Découverte.

© Alexane Alfaro

Ce projet artistique, initiée par Aline Chassagne, adjointe à la maire de Besançon en charge de la Culture, a pour objectif de recouvrir une partie du vaste mur encadrant la cour de promenade du bâtiment D de la maison d’arrêt pour égayer et adoucir le lieu, mais aussi pour limiter la réverbération du soleil. Un phénomène qui, jusqu’à présent, transformait les temps de promenade des personnes détenues en pause insupportable à cause de la chaleur. ”C’était un vrai four”, nous confirme Aurélie Tellier, responsable du bâtiment D, ”c’était donc le lieu idéal pour accueillir cette fresque”, la végétalisation étant ”impossible” au sein de l’établissement pour des questions de sécurité.

© Alexane Alfaro

10 jours, 12 participants, 200 m2 de peinture, un mur de 40 mètres

Après avoir travaillé l’organisation de ce projet pendant un an, les personnes détenues de la maison d’arrêt ont toutes reçu un document les invitant à s’inscrire à l’atelier. ”Sur les 430 personnes que compte la population carcérale, une soixantaine étaient volontaires et 12 ont été sélectionnées pour y participer”, nous précise Dan Nicolle, coordinateur culturel aux Services pénitentiaires d’insertion et de probation du Doubs et du Jura.

Les participants ont pu se mettre au travail avec deux artistes bisontins, Vincent Jacquin (Small Studio) et Félix Lafay (Mujo Atelier) pendant une dizaine de jours. Les premiers ateliers avaient pour but d’imaginer la fresque sur des feuilles de papier avant de la peindre sur un mur de 40 mètres de long sur 5 mètres de haut, "ce qui représente 200 m2 de peinture", ajoute Félix.

Vincent Jacquin, Félix Falay et Aline Chassagne. © Alexane Alfaro

Pour les deux artistes professionnels intervenants, cette expérience en milieu carcéral était une première. ”Nous avons été très touchés par l’investissement de tous, de l’administration comme de celui des personnes détenues”, raconte Félix Lafay. Organiser un tel projet dans un établissement aussi sécurisé n’est pas chose facile : entrer dans une maison d’arrêt ou y faire entrer du matériel, ”tout est compliqué, c’est une montagne à organiser et pour y arriver, il faut beaucoup de motivation de la part de l’administration et de son personnel”, souligne l’artiste, ”s’il n’y a pas de motivation, il ne se passe rien”. Pour Vincent Jacquin, cette expérience a été riche en ”belles rencontres”. Il nous explique que ”tous les aprioris que l’on pouvait avoir avant de venir ont disparu, c’est un projet qui va nous marquer.”

"Ceux qui sont les plus forts en détention sont ceux qui arrivent à ne pas penser à dehors." - Romain

Du côté des participants, Umut, conducteur de travaux en dehors de la maison d'arrêt, nous explique que "c'était une première pour moi de travailler avec de la peinture, j'appréhendais un peu, mais tout s'est bien déroulé (...) Ça nous a permis de nous évader psychologiquement."

Pour Romain, plaquiste-peintre de métier, participer à cet atelier était une évidence : "je me suis dit que c'était quelque chose que je devais faire, voir si j'ai un côté créatif, et puis c'est du temps pendant lequel on fait quelque chose. (...) Je n'ai jamais fait un atelier comme ça, et du coup, quand on fait quelque chose, on oublie, on ne pense pas à la prison et souvent, ceux qui sont les plus forts en détention sont ceux qui arrivent à ne pas penser à dehors."

© Alexane Alfaro

Un vernissage comme ”dehors”

Pour marquer cette inauguration, le personnel de la maison d’arrêt a fait les choses en grand pour mettre en valeur le travail et l’investissement des participants. Au-delà du fait d’avoir invité une élue de la Ville de Besançon, Valérie Groscolas, adjointe au directeur du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Doubs, des personnels de l’établissement ou encore la presse, un grand buffet coloré sucré/salé était proposé, confectionné par plusieurs personnes détenues actuellement en formation ”cuisine” au sein de l’établissement.

© Alexane Alfaro

Vers un budget spécial pour la maison d’arrêt

C’est une volonté affirmée par Aline Chassagne lors de ce vernissage. Dans le cadre d’un vaste appel à candidatures qui devrait être lancé fin 2023-début 2024, la Ville de Besançon souhaite développer davantage de projets culturels au sein de la maison d’arrêt de Besançon. Musique, lecture, philosophie, théâtre, arts visuels, etc. Toutes les associations et structures ayant des idées seront invitées à déposer leur candidature. ”L’idée n’est pas de mettre en place des projets de temps en temps, mais de les inscrire dans la durée, 2 à 3 ans, avec un vrai budget alloué à la maison d’arrêt”, nous explique l’adjointe.

Infos +

Le budget de ce projet s'élève à 11.000€, financé par la Ville de Besançon, la Direction régionale des affaires culturelles, la Direction interrégionale des services pénitentiaires la maison d’arrêt de Besançon et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation du Doubs.

Vincent Jacquin et Félix Lafay travaillent actuellement sur un projet artistique mené au sein du bâtiment destiné aux personnes détenues mineures de la maison d’arrêt de Besançon.

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