Dérapage du déficit : Moscovici plaide pour l’indépendance des prévisions contre “l’hubris politique”

Le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a soutenu mardi 21 janvier 2025 l'établissement de prévisions macroéconomiques "indépendantes" de "l'hubris politique" devant les députés de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les causes du dérapage du déficit public.

© Alexane Alfaro

Pierre Moscovici a repris son plaidoyer en faveur d'un élargissement du périmètre du Haut Conseil des Finances publiques (HCFP) - qu'il préside - ou pour la mise en place d'un autre dispositif chargé de prendre en main les prévisions macroéconomiques afin d'éviter que Bercy ne soit trop "seul" dans cet exercice. 

Il s'est associé sur ce point à un constat posé la semaine dernière devant cette même commission par le directeur général de l'Insee Jean-Luc Tavernier.

La commission d'enquête auditionnait Pierre Moscovici dans le cadre de ses travaux sur l'étude des causes des variations observées entre le déficit public et les prévisions fiscales et budgétaires pour les années 2023 et 2024. Initialement prévu à 4,4% du Produit intérieur brut (PIB) à l'automne 2023, le déficit public devrait finalement s'établir à 6,1%, un chiffre qui sera confirmé fin mars, largement au-dessus des 3% tolérés par Bruxelles.

Une prévision de croissance "trop optimiste"

"Certaines mauvaises surprises étaient difficiles à prévoir. Incontestablement (...). Mais il est impossible, je répète, impossible de prétendre en toute conscience que personne ne connaissait la fragilité répétée des prévisions pendant cette période", a estimé l'ancien commissaire européen. Pierre Moscovici a répété avoir "alerté" à plusieurs reprises sur "le caractère optimiste de la quasi totalité des postes de prévision du gouvernement pour l'année 2024", notamment la prévision de croissance, qui "était indubitablement et très significativement trop optimiste", sans que ces signaux aient "été entendus".

"L'indépendance des prévisions en France doit être mieux garantie", et "c'est le rôle des institutions budgétaires indépendantes, donc en France du HCFP, que de garantir la qualité des prévisions et de les tenir éloignées de ce que j'appellerais l'hubris du politique", a estimé l'ancien ministre de l'Économie. 

Pour ce prémunir de cet orgueil démesuré, il a soutenu un élargissement des compétences du HCFP afin de lui conférer "un rôle de validation des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du gouvernement", évoquant notamment l'exemple d'autres pays européens comme le Portugal.

Arbitrages

"Tant que la prévision sera le seul fait de l'administration, elle sera forcément soumise aux arbitrages gouvernementaux", a-t-il poursuivi. 

Pierre Moscovici a également mis en cause nommément l'ancien ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui avait été entendu par la commission d'enquête le 12 décembre 2024. "Contrairement à ce qui a été indiqué à plusieurs reprises devant votre commission, y compris par Bruno Le Maire, l'ancien ministre, lors de son audition, le HCFP n'a ni validé les prévisions de croissance pour 2024, ni a fortiori considéré qu'elles étaient plausibles dans son avis sur le projet de loi de finance pour 2024", a-t-il affirmé.

Bruno Le Maire, qui a piloté Bercy de 2017 à l'été 2024, avait lancé une charge virulente contre les députés pendant son audition, les accusant "d'hypocrisie" et suscitant la consternation de nombreux parlementaires présents dans la salle. "Je rappelle que toutes les prévisions de croissance (pour 2024) ont été validées par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et considérées comme plausibles, toutes", avait déclaré Bruno Le Maire face aux députés de la commission.

Le HCFP a aussi "regretté à plusieurs reprises un manque d'information, des informations incomplètes de la part du gouvernement dans ses avis", a également estimé Pierre Moscovici.

(AFP)

Quitter la version mobile