Dans son rapport, l'association Renaloo explique notamment qu'en Bourgogne-Franche-Comte?, les de?lais me?dians avant une transplantation diffe?rent d’un centre a? l’autre. Ainsi, au plan statistique, un patient inscrit a? Besanc?on devrait attendre 8 mois de plus que s’il avait e?te? inscrit a? Dijon. Ces de?lais diffe?rent e?galement entre les re?gions : le patient de Dijon attend par exemple un an de plus que s’il avait e?te? inscrit en Bretagne. En outre, ces de?lais me?dians s’allongeraient toujours plus : + 11,3 mois entre 2013 et 2016 a? Besanc?on et + 8,9 mois a? Dijon.
A? l’e?chelle nationale, Dijon fait partie des 12 centres dont les dure?es d’attente sont comprises entre 18 mois et 2 ans et demi. Besanc?on se situe parmi les 12 autres centres moins favorise?s, dont les de?lais sont compris entre 2,5 et 4,5 ans.
Renaloo pointe également une répartition des greffons qui "ne respecte pas les principes inscrits dans la loi" selon laquelle les re?gles de re?partition des greffons doivent assurer l’e?quite? parmi les patients : "dans les faits, la situation est tout autre", selon l'association dénonçant des "re?gles contribuant au maintien des iniquite?s, en permettant notamment a? l’e?tablissement ou? est re?alise? le pre?le?vement de conserver un des deux reins pour le greffer localement."
Réponses du professeur Ducloux, spécialiste en néphrologie au CHU de Besançon
Pour commencer, Pr Ducloux explique que lorsqu'un donneur décédé est prélevé, les deux reins sont prélevés : un rein reste dans la région et l'autre rein part en national avec une condition géographique. "Cela signifie que le rein national a plus de chance d'aller dans un centre de prélèvement que d'aller plus loin, mais les clés de répartition du rein local et du rein national sont les mêmes, les critères sont les mêmes sauf que l'on va regarder pour le rein local, dans la liste régionale et pour le rein national, on va regarder dans l'ensemble des inscrits en France", explique le spécialiste.
Une question de "stratégie d'inscription sur les listes d'attente"
"Ce que dit Renaloo c'est que tout devrait être réparti au niveau national et que la durée d'attente d'un centre à l'autre est très variable, mais ce n'est pas aussi simple que ça", souligne Pr Ducloux. "D'abord, il y a quelque chose qui est évident : dans une durée, il faut qu'il y ait un début et une fin. Et quand on parle de la répartition des greffons, on parle de la fin, mais on ne parle pas du début qui est l'inscription du malade sur la liste d'attente".
D'après lui, "selon l'histoire de sa maladie rénale, on inscrira tôt ou tard un patient, et cela va évidemment changer la durée d'attente. Si par exemple je veux être particulièrement vertueux, que j'ai une très bonne entente avec les centres périphériques, que je veux greffer les patients tôt avant qu'ils soient en dialyse, je vais les inscrire tôt et plus de patients : je vais donc augmenter la durée d'attente", souligne Pr Ducloux. "Si je dois recevoir 50 reins dans une année et que j'ai 200 patients sur la liste, ces 200 patients vont attendre plus longtemps que si je reçois toujours 50 reins, mais que j'ai que 100 patients sur la liste."
Pour le spécialiste en néphrologie, "Ce qui compte dans la durée d'attente, c'est celle en dialyse, car si vous attendez une greffe et que vous n'êtes pas dialysé, on ne peut pas dire que l'attente pèse beaucoup". Il explique : "selon la stratégie d'inscription, si j'inscris très tôt le patient sur la liste, je vais augmenter le temps d'attente moyenne. Et si au contraire j'inscris le patient un peu plus tard voire des fois très tard, je vais réduire la durée d'attente."
La Franche-Comté, "la région où les patients sont inscrits tôt" pour obtenir une greffe
Pr Ducloux affirme que la Franche-Comté est la région qui inscrit le plus tôt les patients. "Il y a un indicateur dans un autre registre, qui est le registre rein national des patients qui commencent la dialyse et qui continuent la dialyse. Cet indicateur est le pourcentage de patients inscrits alors qu'ils commencent la dialyse ou qui ont été inscrits avant de commencer la dialyse." Et d'ajouter : "Besançon est la ville qui a le taux le plus fort car nous inscrivons les patients le plus tôt. Plus on les inscrit tôt, plus on a de risque de faire attendre plus longtemps. C'est totalement différent d'attendre en dialyse et d'attendre sans dialyse."
"Ce qui compte réellement, c'est l'équité de l'accès à la greffe sur tout le territoire"
Le néphrologue précise qu'"une des demandes de la plupart des transplanteurs c'est de ne pas comparer les centres sur la durée d'attente totale, mais sur la durée d'attente en dialyse".
Par rapport à l'équité, "s'il y avait un problème de cet ordre dans la distribution, notre sentiment est de revoir l'équité dans tout un tas d'autres choses qui font l'accès à la greffe." Par exemple, dans l'accès à la liste de transplantation, il y a des différences régionales qui sont extrêmement importantes, "du simple au triple, sur la proportion de patients qui sont inscrits avant d'être en dialyse", souligne Pr Ducloux. "Sur la façon dont on gère la liste, on peut être inscrit, mais en contre-indication. Selon la façon dont je vais gérer mes contre-indications, je peux augmenter la durée d'attente de façon très importante."
"La réponse la plus technique possible et la moins passionnelle possible"
En conclusion, "tous ces paramètres font que c'est beaucoup moins simple que ce que dit Renaloo", souligne le néphrologue. "Le point essentiel technique qui est la modalité de répartition des greffons, la réponse la plus technique possible et la moins passionnelle possible, c'est celle-ci. Ce qui compte réellement, c'est l'équité de l'accès à la greffe sur tout le territoire." Il ajoute : "S'il y a un problème au niveau de la répartition, ce qui est loin d'être évident parce que ça n'a jamais été réellement modélisé, mais s'il y a un problème lié à la répartition, on ne peut pas se contenter de la répartition, il faut globalement travailler sur d'autres aspects de l'équité."
pr Ducloux insiste : "pour ce qui est des durées d'attente, elles sont très influencées par le moment de l'inscription sur les listes. Il faudrait pouvoir considérer l'attente en dialyse et l'attente sans dialyse."