Lettre :
"Monsieur le Premier Ministre,
Dans la nuit du 25 au 26 octobre, Rémi Fraisse, 21 ans, jeune naturaliste passionné de botanique et engagé au sein du réseau associatif pour la préservation de notre environnement, membre de Nature Midi Pyrénées, FNE Midi Pyrénées et France Nature Environnement, perdait la vie sur le site du projet de retenue de Sivens, dans le Tarn.
Ce drame intervient après 2 ans de protestations et d'argumentaires que nos associations auront largement défendus et développés mais sans être entendues par les pouvoirs publics. Le pourrissement ayant résulté de ce refus du dialogue aurait pu être évité, de même que ses récentes conséquences dramatiques.
Pourquoi la réponse de l’Etat face à des manifestations pacifistes est-elle si disproportionnée comparée à celle des destructions de portiques écotaxe ou des bureaux d’une perception des impôts, ou bien encore face aux menaces de blocages des routes, trouble manifeste à l’ordre public ? S’il faut en appeler à la modération, que le message soit adressé aux forces de l’ordre ! A faire de l’écologie le bouc émissaire de la crise profonde qui mine notre pays, on envenime la situation.
Rien ne peut justifier la mort d'un homme, quel que soit son combat, mais elle est encore plus insoutenable lorsque c’est l’intérêt général qu’il défendait.
Au lendemain d'un rassemblement par ailleurs pacifique et ayant mobilisé 7000 personnes, un rapport d'experts commandé par Mme la Ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie vient corroborer presque point par point l'ensemble des aberrations de ce projet que nous dénonçons depuis plus d’un an. Pourtant, ce même rapport préconise dans ses conclusions la poursuite du projet au motif qu'il serait déjà trop avancé, ce qui reviendrait à légitimer de fait une politique du passage en force et du fait accompli contraire aux principes fondamentaux de la démocratie, et, désormais, contraire à la décence la plus élémentaire.
Rien ne pourra ramener Rémi à sa famille et à ses proches. Il est encore temps, malgré tout, de faire entendre enfin un peu de bon sens et de raison à Sivens. Monsieur le Premier Ministre, vous seul avez maintenant le pouvoir d'amener l'apaisement dont ce territoire a plus que jamais besoin. En tant que mouvement associatif représentant plus de 850 000 citoyens, nous en appelons désormais à vous pour que vous vous prononciez pour l’abandon immédiat du projet de retenue de Sivens, seul moyen de permettre l'ouverture d'un processus serein de débat public et de dialogue sur les alternatives portées par l’ensemble des acteurs concernés.
Il est également et évidemment indispensable que toute la lumière soit rapidement faite sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse et que les responsables soient jugés.
L’écologie a perdu un de ses membres parce qu’elle a perdu la voix. La démocratie et le dialogue restent les meilleures des réponses face à la violence. Vous en êtes, Monsieur, le garant.
Nous vous prions, Monsieur le Premier Ministre, d’agréer l’expression de nos plus sincères salutations.
Denez L'Hostis, Président de France Nature Environnement
Jérôme Calas, Président de Nature Midi-Pyrénées
Thierry de Noblens, Président de France Nature Environnement Midi-Pyrénées
Ben Lefetey, Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet"